Voici la série glaciale et glaçante : « Sobriété énergétique » réalisée par le pouvoir.
Vous avez sans doute aimé les deux saisons de la série « Nous sommes en guerre ». Rappelez-vous : « les gestes-barrière », « les produits non essentiels », mamie à la cuisine pour déguster la bûche de Noël, les autorisations de sortie qu’on s’auto-délivrait, le café dont on ne savait plus dans quelle position le boire : assis, debout ou couché. Les conseils prodigués pour aérer la maison. « Nous sommes en guerre » et ses répliques-cultes : « Il n’y aura pas de pénurie de masques », « Le masque ne sert à rien », « Le masque est obligatoire ».
Vous devriez adorer la série « Sobriété énergétique » dont le gouvernement a annoncé la sortie pour janvier, lors d’un grand raout. Organisée le 6 octobre dans l’un des grands halls de la Porte de Versailles, la promotion de la série a réuni 400 personnes (dont une dizaine de ministres) autour d’Élisabeth Borne, la réalisatrice, endoudounée.
Face à la pénurie énergétique qui s’annonce, résultant en grande partie de choix politiques malencontreux : abandon de la filière nucléaire sous Hollande, poursuite de cette politique sous Macron avec la fermeture de Fessenheim, absence de rénovation de nos centrales, il s’agissait, pour notre Premier ministre pris à la gorge, de vendre aux Français le slogan suivant : « Des économies choisies plutôt que des coupures (d’électricité) subies ».
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On fut sensible au choix rhétorique astucieux de la rime interne choisies/subies. Il fit sonner fièrement la phrase-massue pour la rendre aussi efficace qu’un coup de matraque. On aurait pourtant préféré que notre poétesse en herbe citât Victor Hugo : « Tout ce qui augmente la liberté augmente la responsabilité » (Actes et paroles). Las ! Le temps de la liberté, de l’aventure et de la poésie a vécu, place au règne de l’infantilisation, de la culpabilisation et de la prévention.
Selon Élisabeth Borne, il fallait faire baisser de 10% notre consommation d’énergie d’ici 2024. Une campagne de communication a alors démarré avec ce slogan décapant : « Je baisse, j’éteins, je décale ». On était censé se le réciter comme un mantra, mais, l’automne, exceptionnellement chaud, a plutôt stimulé l’insouciance de la cigale qui sommeille en chaque Français. Aussi, on est vite passé à autre chose, l’actualité, généreuse, aidant. Les Français furent pourtant invités à suivre le « Bison futé » de l’électricité Ecowatt, un site censé leur permettre de connaître la situation de la consommation d’électricité dans le pays, à l’instant T. On pensa même à nommer des « ambassadeurs sobriété » dans les administrations.
C’est au printemps que le premier épisode de la série phare de notre l’hiver a été tourné. Rappelez-vous le discours de Macron du 16 avril, à Marseille. « La politique que je mènerai dans les cinq ans sera écologique ou ne sera pas ». Notre bonimenteur enterrait alors la Start-up nation et annonçait la planification écologique, récupérant « en même temps » que les idées de Jean-Luc Mélenchon, les voix de ses électeurs. Tout s’est ensuite enchaîné : s’abritant derrière le conflit en Ukraine et le dérèglement climatique, le président a signifié « la fin de l’abondance » à des Français estourbis par le covid, la guerre lancée par Poutine et la canicule. « Pas de contrainte, de la pédagogie ». Il faut que la population prenne conscience de la gravité de la situation. Il faut « accompagner les Français ». « On doit tous se bouger », a ensuite lancé notre Dynamiteur de la République, le 5 septembre. Ce qui nous a valu un défilé des membres du gouvernement en col roulé et autres doudounes.
Nous voici maintenant en décembre : préparez-vous. Épisodes et rebondissements vont s’enchaîner. Est venue la saison de la polaire et des slips tricotés en laine de mérinos. Préparez-vous à faire de vos chaises du petit bois et faites-vous offrir du silex à Noël afin d’allumer le feu.
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Voici le teasing du deuxième épisode : « Les besoins en électricité pourraient dépasser les capacités certains jours de grand froid », a affirmé Olivier Véran, indiquant que l’exécutif veillait à « anticiper tous les scénarios possibles ». Si l’hiver est rigoureux, les coupures d’électricité risquent de toucher 60% de la population métropolitaine entre 8h et 13h et 18h et 20h. (En gros, on n’y coupera pas). Si les écoles doivent être « délestées », elles fermeront alors le matin. On n’hésitera pas, si besoin, à supprimer des trains et à fermer des lignes de métro. En principe, les sites dits « sensibles » (hôpitaux, gendarmeries, casernes de pompiers) devraient être épargnés par les coupures ainsi que les 3800 patients à « haut risques », à savoir, dépendants d’un équipement médical branché sur le secteur. Les réseaux de téléphonie mobile ne seront pas épargnés. Quant à la centrale à charbon de Saint-Avold, elle reprend du service.
En ce moment lugubre, un devoir de mémoire s’impose : en 1971, autre époque, Georges Pompidou, lançait le grand plan énergétique français : « Nous avons dans les domaines les plus avancés : nucléaire, aéronautique, espace, informatique, exploitation des océans, conquis notre place dans le peloton de tête des nations. Non par un vain désir de prestige mais par la conviction que le monde moderne est dominé par le progrès scientifique et technique et qu’un pays qui ne consent pas l’effort intellectuel et financier nécessaire pour être dans le train est condamné irrémédiablement à la médiocrité et à la dépendance ».
Que reste-il de notre France ? Laissons le dernier mot à Victor Hugo (Choses vues) : « Aucune société n’est irrémédiable, aucun Moyen-Âge n’est définitif. Si épaisse que soit la nuit, on aperçoit toujours une lumière ».
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