Le patron de SpaceX redonne le pouvoir au peuple en rétablissant la liberté d’expression et en abolissant le «deux poids, deux mesures» sur Twitter.
Pour Elon Musk, « les journalistes qui pensent qu’ils sont la seule source d’information légitime, c’est le grand mensonge ».
Le nouveau patron de Twitter veut rendre le pouvoir au peuple. Panique dans le Landerneau politico-médiatique, gardien du Temple de la « bonne pensée » qui se croyait propriétaire de la plateforme… Mais l’oiseau bleu sera-t-il vraiment plus libre sous le règne de Musk ?
« Les progressistes s’indignent de la prise de pouvoir d’Elon Musk sur Twitter. Ils s’inquiètent de la possibilité d’un marché libre des idées, parce qu’ils savent que les leurs sont minoritaires dans l’opinion. Ils ne survivent que grâce à la censure de leurs opposants », a twitté Eugénie Bastié, du Figaro, le 28 octobre 2022.
Il a suffi en effet de huit jours pour que le réseau social qui gazouille soit désormais qualifié de « controversé ». Pensez donc : le milliardaire Elon Musk, d’origine sud-africaine, qui veut mettre des puces dans notre cerveau pour le mettre à hauteur de l’Intelligence artificielle a finalement racheté Twitter. Il est arrivé au QG portant un lavabo (« sink » qui veut dire « couler » mais aussi « nettoyer », « mordre à pleine dent » ou « planter un poteau dans le sol ») et s’est empressé de virer la moitié des employés et du conseil d’administration : ceux qui eurent l’idée de génie de bannir Donald Trump à vie du réseau social le plus influent du monde[1].
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« La vérification étendue à tous va démocratiser le journalisme et donner plus de pouvoir au peuple », a tweeté Musk dimanche dernier. Désormais plus question d’accorder le privilège d’authenticité de la coche bleue automatiquement aux seuls gouvernements, médias, personnalités politiques, culturelles : quiconque voudra certifier son compte le pourra pour… 8$ par mois. Il n’y a pas de petits profits… La députée américaine d’extrême gauche, Alexandria Ocasio-Cortez se plaint que Musk veuille s’en prendre à son compte ? « Qu’elle paie d’abord les 8$ », répond-il sèchement. « Le pouvoir au peuple: Votre compte recevra une coche bleue, tout comme les célébrités, les entreprises et les politiciens que vous suivez déjà », promet le nouveau patron. « Twitter doit devenir de loin la source d’information la plus fiable au monde. C’est notre mission. Les journalistes qui pensent qu’ils sont la seule source d’information légitime, c’est le grand mensonge ».
Oups ! Entre Elon Musk et les médias, ça n’a jamais été le grand amour. L’homme le plus riche du monde, catégorisé « autiste Asperger », pense sans doute comme Emmanuel Macron que les journalistes sont incapables de comprendre sa « pensée complexe ». Un euphémisme pour dire que les médias déforment tout au service de narratifs militants : réchauffiste, européiste, immigrationniste, woke, sans-frontière… L’homme qui a servi de modèle cinématographique à Tony Stark/Iron Man ne se cache pas de préférer Donald Trump à Joe Biden. Il vient d’inviter les Américains à voter Républicain lors des midterms pour l’équilibre des Pouvoirs. Ses tweets à lui sont souvent des déclarations de guerre envers l’establishment dont le progressisme est l’horizon indépassable. Parmi ses punchlines récents, il s’est plaint que plus aucune série sur Netflix ne soit digne d’attention tellement la plateforme de streaming est devenue le bras armé des minorités…
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Il est vrai qu’au fil du temps, à force d’avertissement, de suspension puis de bannissement des gens qui pensent mal, Twitter a développé un entre-soi toxique, chasse gardée de l’élite techno-mondialisée. Lors de l’élection présidentielle américaine, l’oiseau bleu a pesé de toutes ses ailes pour faciliter l’élection de Joe Biden. On se souvient du compte Twitter du New York Post, vénérable tabloïd conservateur new-yorkais bi-centenaire, bloqué pendant deux semaines alors que le Post exposait, à l’aide du contenu d’un laptop abandonné chez un réparateur, les turpitudes affairistes et sexuelles de Hunter Biden, le fils de Joe. Des informations validées entre-temps par le Washington Post. La simple mention de cette affaire (nonobstant toute preuve de corruption encore à démontrer) aurait fait perdre, selon certains sondages, un nombre important d’électeurs à l’actuel président démocrate qui n’aurait peut-être pas été élu. C’est dire le pouvoir de Twitter (sur Truth Social, son créateur, Donald Trump a 3 millions de suiveurs alors qu’il en avait 80 millions sur Twitter).
Le projet d’Elon Musk ? Que Twitter redevienne le temple de la libre expression. Stop au deux poids deux mesures qui bannit Trump mais maintient le compte d’autocrates tels l’Ayatollah Khamenei appelant à tuer les soldats américains. Pas non plus un déferlement de boue : les appels au meurtre, la haine brute resteront bannies – Twitter s’exposerait sinon à de lourdes astreintes notamment dans l’Union européenne qui n’offre pas à ses citoyens la protection du 1er Amendement à la Constitution des Etats-Unis. Mais, sous le règne de Musk, on aura le droit, même si c’est faux, de nier sans vergogne le réchauffement climatique anthropique, d’être persuadé que les Britanniques ont fait sauter Nordstream I, que l’élection présidentielle américaine de 2020 a été truquée ou que le vaccin ARN-messager contre le Covid-19 n’est pas si efficace qu’on le dit. On pourra aussi twitter sans risque de censure que Vladimir Poutine n’est pas Hitler pas plus que Volodymyr Zelensky n’est Churchill…
Une rupture épistémologique face au camp du Bien. La liberté d’expression, ce n’est pas de tolérer ceux qui pensent comme vous mais d’accepter ceux qui pensent autrement, même violemment. Au risque de choquer, rappelons que mentir fait aussi partie de la liberté d’expression !
Elon Musk pourrait-il réconcilier les somewhere et les anywhere et les faire dialoguer à nouveau sur une plateforme de débats parfois sans concession mais sans peur dans le respect de chacun ? Un défi immense pour ce visionnaire qui veut nous convaincre que la conquête spatiale est le salut de l’humanité mais dont la brutale versatilité lui fait parfois casser son propre jouet… La direction précédente avait banni ou découragé les conservateurs et les réactionnaires ; il ne faudrait pas que le nouveau propriétaire fasse fuir les progressistes (par exemple vers Mastodonte) car sinon l’idée d’un carrefour planétaire des idées serait compromis…
[1] Parag Agrawal (directeur financier), Ned Segal (responsable des affaires publiques et juridiques) et les directeurs marketing, publicité, technologies, RH, éditorial et ventes.
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