La France se déglingue. Pire, elle présente les signes d’une tiers-mondisation galopante. Pénuries alimentaires et de médicaments, dégradations des services publics, détérioration des villes, délitements industriel et politique, explosion de la violence et de l’immigration illégale… Bientôt, notre société n’aura qu’une caste de puissants et une masse de misérables.
C’est le tiers monde ! Cette phrase, on l’entend de plus en plus souvent, que ce soit au bistrot ou sur les plateaux de télévision. Quand j’étais collégienne, on a cessé de parler de pays sous-développés, terme jugé offensant, pour préférer celui de pays en voie de développement. Eh bien nombre de Français ont désormais le sentiment que leur pays est en voie de sous-développement – ou de tiers-mondisation.
On ne saurait recenser tous les signes de cette dégringolade tant ils sont nombreux. N’en déplaise aux belles âmes, le premier, en tout cas le plus visible, est la présence sur notre sol de nombreuses populations non seulement venues du tiers monde, ce qui dans un paradis républicain n’aurait aucune importance mais qui, souvent, en ont conservé les mœurs voire l’anthropologie, comme dans ces familles pléthoriques composées d’un homme, de ses épouses et de leur nombreuse descendance. L’arrivée massive de demandeurs d’asile devenus des immigrés clandestins s’est traduite par le retour de véritables bidonvilles, plantés au bord des autoroutes. Ailleurs, ce sont des batailles rangées entre clans rivaux, constitués sur des bases ethniques, qui se disputent le contrôle des territoires et des trafics.
Nos villes, autrefois symbole de civilisation et d’art de vivre sont en proie à une délinquance de rue qu’on ne peut plus euphémiser sous la bannière des incivilités. Les chantiers fantômes, où on ne voit jamais un ouvrier travailler, y pullulent. Au nom de la lutte pour le climat, les rues y sont désormais privées d’éclairage nocturne.
Cette tiers-mondisation visible est peut-être l’arbre qui cache la forêt de la déglingue générale. Une autre phrase est en passe de devenir un lieu commun : rien ne marche dans ce pays ! Cette inefficacité frappe d’abord les administrations et les services publics, autrefois les fleurons d’un État moderne. Ils sont aujourd’hui les maladies d’un État à la fois omnipotent et impotent – la seule exception étant le fisc, le recouvrement de l’impôt continuant à se faire efficacement, en tout cas pour le contribuable moyen qui ne peut jouer les saute-frontières pour y échapper. Les Français sont de moins en moins bien formés, soignés, protégés, transportés – et même incarcérés comme en témoigne l’état piteux de nos établissements pénitentiaires qui, au rythme où vont les choses, n’auront bientôt rien à envier aux prisons turques ou brésiliennes.
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Après tout, objectera-t-on, nous restons tout de même la cinquième puissance mondiale. D’abord, en termes statistiques, c’est à voir. Selon la Banque mondiale, le PIB français par habitant est passé de 45,334 dollars en 2008 à 38,635 dollars en 2020 (en dollars constants 2020[1]. Notre économie aussi se tiers-mondise. D’après Nicolas Baverez, les Français ne produisent plus que 36 % des biens matériels qu’ils consomment. Nous importons des biens à forte valeur ajoutée et n’exportons plus que nos produits de luxe, ce qui n’est pas rien, mais ne saurait constituer le seul secteur d’excellence d’une grande nation. Notre commerce extérieur est donc structurellement déséquilibré, avec un déficit qui devrait se monter à 156 milliards d’euros cette année (contre plus de 100 milliards d’excédent pour l’Allemagne malgré la guerre en Ukraine). En dépit des promesses d’Emmanuel Macron sur la restauration de notre souveraineté industrielle, les pharmacies ont désormais pour consigne de ne pas vendre plus de deux boîtes de Doliprane à chaque patient, celui-ci étant toujours fabriqué dans une Chine qui est elle-même dans une mauvaise passe pour cause de Covid.
Enfin, autre caractéristique des sociétés sous-développées, nous assistons à la lente de disparition de la classe moyenne, laminée par la mondialisation, et à l’émergence d’une société polarisée entre des très riches et des pauvres qui ne vivent plus dans le même monde.
On dira que nous sommes des enfants gâtés, et qu’il suffirait de faire un tour à Rio de Janeiro ou Lagos pour découvrir que nous sommes encore très largement privilégiés par rapport à une grande partie de la planète. Sans doute. Reste que tous les indicateurs qui dessinent notre avenir sont au rouge : le niveau des élèves et des étudiants français ne cesse de baisser, tout comme les performances de notre recherche, nos savoir-faire ancestraux disparaissent, faute de transmission, l’endettement atteint des niveaux vertigineux.
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Reste à savoir qui est responsable de ce long délitement. On est tentés, bien sûr, d’accuser nos dirigeants, coupables de lâchetés coupables et d’inertie érigée en mode de gouvernance. On a l’impression que les trente dernières années se résument à une suite de mauvaises décisions ou de non-décisions, comme si nos élus avaient renoncé à agir sur le réel. Pour autant, faut-il exonérer les gouvernés de toute responsabilité, quand nous passons notre temps à nous plaindre de ce que la collectivité devrait faire pour nous sans jamais nous demander ce que nous pourrions faire pour elle ? Transformés en peuple d’ayants droit, nous attendons de l’État nounou qu’il nous procure tout ce que nous désirons, y compris des enfants et une vie familiale normale, tout en trouvant sa tutelle trop pesante. Dans un récent sondage, 69 % des personnes interrogées plébiscitent le droit à la paresse invoqué par Sandrine Rousseau : comme la nourriture que nous mangeons, les trains que nous prenons, les vêtements que nous portons ne se fabriquent pas tout seuls, cela signifie qu’une majorité de Français trouve légitime que d’autres travaillent pour eux. Les jeunes, qui n’ont pas de mots assez durs pour accuser les adultes, reconnaissent et même revendiquent d’en faire le moins possible au travail. On apprend que la RATP versera une prime de 450 € à tout chauffeur ayant travaillé trois mois consécutifs sans absence (hormis les congés réguliers), notamment sans arrêt-maladie. C’est dire si la fierté du travail bien fait appartient au passé….
Sans doute avons-nous de beaux restes, y compris quelques grands penseurs, artistes et intellectuels. Seulement, on ne voit guère la relève arriver. Si la France est encore considérée comme une puissance moyenne, on a de plus en plus de raisons de penser que son avenir est derrière elle. Rome ne s’est pas défaite en un jour. Mais elle a fini par disparaître de l’Histoire.
[1]. Chiffre cité par Pierre Vermeren, « Comment l’économie française est devenue un village Potemkine », Le Figaro, 11 octobre 2022.