Foi perdue en la parole des élus et des journalistes ou simple fatalisme, de plus en plus, les Français semblent (à tort) se désintéresser de la médiatisation politique et surtout présidentielle.
Le 12 octobre, l’entretien du président de la République avec Caroline Roux (France 2), consacré à la politique internationale, avait été suivi par 5,38 millions de téléspectateurs, audience relativement faible. On avait pu penser que c’était à cause du thème choisi qui en général sollicitait moins l’attention des Français que la politique nationale. Pourtant l’entretien d’hier 26 octobre, avec les mêmes, a subi une baisse encore plus nette (4,07 millions). Il y a donc une désaffection profonde des citoyens non seulement à l’égard des émissions politiques mais pour le verbe présidentiel.
Je regrette pour ma part cet abandon, voire cette indifférence de beaucoup de Français qui ne s’empêcheront pas, pourtant, de fustiger un pouvoir sur lequel leur parti est pris et leurs préjugés définitifs.
Réglons tout de suite le problème tenant à l’objection classique : ce serait partiellement à cause des journalistes. Cette mise en cause est fondée la plupart du temps mais ne peut concerner Caroline Roux qui est excellente, entre courtoisie et pugnacité.
Tout le contraire d’une Léa Salamé dont le hasard fait que j’ai écouté ensuite sa prestation courroucée face à Marion Maréchal qui l’a renvoyée dans ses cordes au sujet de Lola ; comme si la première était seule à être une mère et que la seconde ignorait cette condition.
Il serait malhonnête d’embellir le passé et de ne pas voir que, derrière une curiosité plus vive à l’égard des hommes politiques passés, il y avait déjà un lent mouvement de déclin médiatique et démocratique qui n’a fait que s’aggraver avec Emmanuel Macron. Pour des raisons qui tiennent à la personnalité de celui-ci, à son empathie surjouée et à l’amplification de travers qui ne lui étaient pas spécifiques mais qu’il a poussés à l’extrême.
De la même manière que j’ai exonéré Caroline Roux de la moindre responsabilité – sauf pour cet étrange choix, s’il relève de son initiative, de ne traiter l’essentiel qu’à la fin des échanges -, je voudrais décharger le président des reproches qui n’auraient aucun sens et qui reviendraient peu ou prou à lui dénier talent, intelligence et dialectique. Le tout n’emportant pas forcément l’adhésion, à cause de cette intuition qu’il est doué précisément pour vous entraîner là où la vérité s’efface…
A lire aussi: Qu’attend donc David Lisnard?
Si cet exercice de communication de plus en plus déserté par les Français prêtait à sourire, je garantis que les absents ont eu tort, notamment à deux moments où le président nous a offert une double face de lui-même.
La christique, quand il a affirmé qu’il fallait « se respecter les uns les autres », tout en ayant inspiré l’exclusion de l’arc républicain des députés La France insoumise et Rassemblement National ! Ils ne seraient donc pas « respectables »… et auraient surtout le grand tort d’être de vrais opposants…
La polémique, quand il s’est ensuite énervé sur un mode artificiel, reprochant à la Nupes d’avoir pactisé avec le Rassemblement National et donc d’être coupable de «désordre et de cynisme». Il serait trop facile, au regard d’un certain nombre de péripéties dérisoires ou plus graves, de lui retourner cette charge ; elle était surtout révélatrice de son tempérament impérieux qui, à cause de la majorité relative dont son camp ne cesse de pâtir, prétendait en plus imposer la manière dont les oppositions devaient se comporter à l’Assemblée nationale. Pour lui, à l’évidence, il était intolérable que ces oppositions «s’opposent». Une motion de censure n’est pas valider tel ou tel programme mais vouloir la fin d’un gouvernement !
À rebours de cette colère trop ostentatoire pour être authentique (et il a su, lui aussi, être cynique !), mais avec le même objectif, nous avons eu les flatteries aux députés Les Républicains, vantant leur mesure et leur rationalité, dont Olivier Marleix, Aurélien Pradié et les autres n’ont pas été dupes.
Trop c’était trop, dans l’indignation comme dans le compliment et la « retape » à peine masqués.
Au-delà de ces aperçus plus psychologiques que politiques, le Président a été victime, comme ses prédécesseurs mais sur un registre encore plus net, de la défiance structurelle qui s’attache à la parole publique. On ne veut même plus avoir l’élégance de l’écouter pour pouvoir la contester en connaissance de cause. On décrète par avance qu’elle n’aura aucun intérêt, qu’elle sera mensongère, manipulatrice, sans l’ombre d’une contrition, sans la moindre modestie. Qu’elle viendra avec plus ou moins d’arrogance apposer son sceau sur une réalité traumatisante, angoissante en de multiples facettes, en la sous-estimant pour privilégier de longues explications techniques sur l’énergie, l’électrique, les aides que le gouvernement allait continuer à apporter, paraît-il, aux citoyens les plus modestes, aux professions les plus impactées par la crise.
A lire aussi: Lola: les incuries du pouvoir
Il y a sans doute de la bonne foi dans ces annonces, même si Caroline Roux à un certain instant les a trouvées un tantinet longuettes. Mais c’était inévitable puisque la structure même des entretiens présidentiels a pour vocation de leur permettre de dérouler du volontarisme, de l’optatif, de battre en brèche le désenchantement d’aujourd’hui par les espérances confortablement assurées de n’être pas contredites avant demain.
Et, pourtant, il a bien fallu aborder le réel si dur, si éprouvant, impossible à éluder, sur l’immigration, les promesses non tenues en matière de sécurité et de justice, le faible taux des OQTF (Obligations de quitter le territoire français), l’exaspération de plus en plus exacerbée de nos concitoyens face à un Etat sans autorité conduisant à une volonté de se faire justice soi-même avant même que la Justice officielle ait été saisie ou, pire, même quand cette dernière a été impeccable comme par exemple à Roanne (France Info).
Pas une fois le nom de Lola n’a été prononcé, comme si au fond le Président se lavait les mains et l’esprit des impatiences nationales, se contentait de prendre acte de ce qui va mal dans le pays et se reposait sur Gérald Darmanin pour, au milieu du désordre et des violences croissants, donner le change, démontrer une fermeté et bénéficier par contagion d’actions trop tardives de la part d’un ministre de l’Intérieur replongeant dans les sources de son passé républicain de droite ferme pour mieux préparer son futur présidentiel.
Si on a bien écouté l’entretien et son décryptage (Sud Radio, émission spéciale), la seule information – pour les uns courageuse, pour les autres dangereuse et inutile – s’est rapportée à la confirmation du projet de loi sur les retraites.
Avec à la clé, le risque d’une explosion sociale qui, venant s’ajouter au pouvoir d’achat amoindri, aux défaillances professionnelles, à la dépression d’une France lasse, morose ou perdant ses nerfs, nous fait craindre des lendemains qui ne chanteront pas…
20 minutes pour la mort : Robert Brasillach : le procès expédié
Price: 18,20 €
18 used & new available from 11,85 €
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !