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Cyril Hanouna : tout haut, ce que tout le monde pense tout bas

L’écrasante majorité des Français est exaspérée par le système judiciaire.


Cyril Hanouna : tout haut, ce que tout le monde pense tout bas
Cyril Hanouna, le 09/03/22 / PHOTO: Laurent VU/SIPA / 01064366_000078

Les déclarations de Cyril Hanouna sur le plateau de Touche pas à mon poste!, le 18 octobre, révèlent le fossé entre les attentes des Français et la Justice française. A dire la vérité, on récolte la polémique. Tribune


Dans son émission du mardi 18 octobre, Cyril Hanouna, l’animateur-star de C8 a poussé une série de coups de gueule qui ont fait du bruit. Alors que la France vit encore sous l’onde de choc de l’affaire Lola, ce père de famille a demandé un procès très rapide et très ferme.

Et là, c’est le vrai drame. Oublié le meurtre de Lola, oubliée la douleur des parents, oubliés les centaines d’homicides qui ont lieu chaque année ou les 300 000 agressions, multipliées par 7 depuis 1988. Non, le drame c’est que la sacro-sainte procédure judiciaire et les droits des accusés sont en jeu. En disant pourtant ce que l’écrasante majorité des Français pense, Cyril Hanouna a blasphémé.

Mais, le monde judiciaire est quasiment unanime, à commencer par le ministre de la Justice, à condamner ces déclarations. Eric Dupond-Moretti ose même prendre pour témoins les fantômes du « Moyen-Âge », vers lesquels Monsieur Hanouna nous ramènerait.

Indécence et condescendance

Cyril Hanouna n’a jamais prétendu être professeur agrégé, c’est un citoyen français, de surcroît écouté et apprécié par des millions de Français, et il a le droit de pousser un cri du cœur.

Mais les professionnels du droit ne veulent pas de cri du cœur. Ils se drapent dans leur pratique, dans leurs grands principes, dans leur raison supposée éclairée. Ils savent mépriser bien comme il le faut ce « populisme judiciaire ».

C’est un classique : le journal le Monde parlait déjà de « poujadisme judiciaire » dans les années 1980, pour fustiger ce petit peuple français qui soutenait unanimement Lionel Legras, garagiste accusé d’avoir tué un cambrioleur.

Il y a, dans ces cris d’orfraies, non seulement de l’indécence vis-à-vis du drame de Lola, mais surtout une éclatante condescendance. Cette condescendance, on la reconnait, c’est toujours la même. Elle accompagne les analyses des avocats et des magistrats après des affaires criminelles.

C’est la même que j’ai connue personnellement pendant mes cours de droit à la Sorbonne et que tentaient de nous transmettre certains professeurs, heureux de nous accueillir dans la caste « supérieure » des juristes.

A lire aussi: Après Lola il ne se passera rien. Et le pire est encore à venir

« Le peuple » contre « le discours dominant »

Certes, la procédure judiciaire est important. Son but premier est de protéger les innocents contre les abus de l’Etat et c’est un but noble. Non, bien sûr, la Justice ne peut pas mener de procès expéditifs. Pourtant, la Justice française s’est perdue en procédures… et en laxisme. C’est un fait su de tous, et même organisé par l’Etat depuis une quarantaine d’années.

On a inventé les aménagements de peine, on a gonflé artificiellement les protections des « présumés innocents ». On a inventé des remises de peine automatiques, puis des remises de peines supplémentaires. On a encouragé le bracelet électronique… Bref, on a donc fait 40 ans de cadeaux aux coupables.

Et nous nous réveillons, aujourd’hui, avec une insécurité qui explose : les agressions doublées depuis l’an 2000, les homicides et tentatives depuis 2010, et les violences sexuelles depuis 2012.

Peut-être faudrait-il changer de méthode ? Peut-être que la fermeté, la fin de la complaisance envers les coupables produiraient de meilleurs résultats ?

En définitive, cette affaire met le doigt sur l’immense fossé qui sépare les attentes des Français et la pensée dominante dans le milieu de la Justice. L’ancien ministre de la Justice, Alain Peyrefitte, vilipendé par les milieux judiciaires de l’époque, avait une phrase qui résume tout : «La société a-t-elle le droit de punir ? Le discours dominant le nie. Le peuple l’affirme ».

Et le pire dans cette affaire, c’est que ce réflexe de s’arcbouter sur les « saints » principes de la Justice mènera précisément à leur éclatement total. Ce n’est pas un hasard si, ces derniers jours, à Nantes et à Roanne, des citoyens se sont fait justice eux-mêmes, n’ayant plus aucune confiance dans le système judiciaire. Il est temps que certains milieux remettent leur égo sous le tapis pour écouter ne serait-ce qu’un peu ce que demande la majorité des Français.

Pierre-Marie Sève est délégué général de l’Institut pour la Justice.



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