Dépassé par ses mondanités, Gonzague Saint Bris a fait oublier l’esthète cultivé, l’esprit raffiné et l’ami fidèle qu’il a été. Avec sa biographie, Gonzague Saint Bris – Le Dernier Dandy, Jean-Claude Lamy redore son blason.
Le souvenir, souvent, se présente et s’installe sans s’être annoncé. Il impose alors à la mémoire un sujet négligé depuis longtemps, peut-être parce qu’on s’en était lassé. Mais quand il surgit, il est là, il prend ses aises ; c’est un peu le voleur du proverbe, le larron en quête d’une occasion : il tourne, il rôde, il cherche l’issue désertée, il jette un œil puis, s’enhardissant, il se risque à l’intérieur, et il accomplit sa besogne.
Je n’évoquais plus Gonzague Saint Bris, que j’avais croisé il y a fort longtemps, lorsqu’il posait avec Patrick Poivre d’Arvor, Brice Lalonde et Frédéric Mitterrand afin de lancer le mouvement des Nouveaux Romantiques. Même de loin, je ne le suivais plus dans les péripéties d’une mondanité fade où il me paraissait se complaire ; je l’imaginais en éternel invité des cocktails, en rôdeur de buffets riches en cholestérol, affolé de petits fours, en conférencier d’arrondissement cerné par un embonpoint de sénateur, en séducteur au front dégarni et aux joues gonflées par les plats en sauce et les sucreries, en Casanova jovial pour jeunes filles nues sous leur sac Vuitton. Je me trompais : au-delà des apparences, il était demeuré fidèle à sa personnalité secrète, disponible, fraternel, amoureux
