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Combat pour la sauvegarde des églises de France : entretien avec Raphaël Venault

Il faut les maintenir pour maintenir l'espoir. 


Combat pour la sauvegarde des églises de France : entretien avec Raphaël Venault
Clocher d'une église d'un village en Mayenne (53), le 2/08/20 / PHOTO: GILE Michel/SIPA / 00976230_000002

Raphaël Venault, président de Force Solidaire (mouvement politique français dont le patriotisme, le souverainisme et la méritocratie sont les fers de lance), nous parle de son combat pour la sauvegarde des églises de France.


CAUSEUR. Il y a un siècle environ, Maurice Barrès volait au secours des églises de France, menacées d’écroulements, de ruines et d’abandon à cause de multiples vides juridiques et à cause, hélas aussi, de l’hostilité antireligieuse de ceux qu’il appelait « les maires sectaires ». Son action en tant qu’écrivain et parlementaire a permis de faire évoluer les choses dans le bon sens. Aujourd’hui, vous reprenez le flambeau et continuez le combat pour la sauvegarde des églises de France. Cela signifie-t-il que ce combat est loin d’être gagné ?

RAPHAËL VENAULT. Dans l’indifférence générale, le 6 juillet, est sorti un rapport sénatorial sur l’état du patrimoine religieux en France. En 2030 jusqu’à 5000 églises pourraient être abandonnées ou détruites. C’est effroyable. Dernier exemple en date : l’église Saint-Wulphy à Rue, fermée pour cause d’effondrement d’une partie du plafond. L’Observatoire du Patrimoine Religieux recense sur son site les églises menacées ou en cours de démolition. Face à l’urgence il faut de nouvelles solutions, le combat n’est pas gagné car la menace évolue. Maurice Barrès luttait contre les anticléricaux, les maires sectaires, dans le contexte d’une France en voie de sécularisation mais où la France de Jeanne était aussi forte que la France de Marianne, surtout dans les campagnes. Grâce à ses efforts, ses textes et ses discours, il y a eu une nette évolution dans les moyens juridiques pour protéger nos églises. Mais le contexte aujourd’hui est différent, la sécularisation est quasiment actée. Nous possédons le deuxième patrimoine religieux d’Europe, derrière l’Italie, permettez-moi d’affirmer que ces places seraient sans doute changées si la Révolution et son œuvre destructrice n’était pas passée par là. Parallèlement nous avons la deuxième communauté de chrétiens les moins pratiquants d’Europe, après les Danois. Nos églises sont menacées car elles ne sont pas fréquentées, mais la sécularisation, le baisse du nombre de prêtres, la fusion des communes sont autant de menaces. De même le déracinement que dénonçait déjà Barrès dans sa trilogie de l’énergie nationale a atteint une tout autre envergure. Les menaces sur notre identité sont plus puissantes que jamais : l’immigration massive, la mondialisation débridée et son américanisation par le divertissement, l’individualisme… Pourtant des monuments se dressent, pour nous rappeler dans chaque commune qui nous sommes : les églises paroissiales. Il faut les maintenir pour maintenir l’espoir. 

La loi permet que les autorités locales, municipales notamment, s’emparent efficacement de la question. Mais vous avez constaté que beaucoup d’élus locaux sont mal renseignés et mal formés pour défendre le patrimoine, y compris lorsqu’ils le voudraient. Comment les aider ?

Depuis 1908, l’ensemble des églises paroissiales construites avant 1905 (y compris celles reconstruites après les destructions des guerres mondiales) appartiennent aux communes. La loi donne de nombreux outils pour que les autorités locales se saisissent de la question. Cependant plusieurs problèmes se posent. Tout d’abord la multiplicité des acteurs qui peuvent intervenir : un maire qui aimerait rénover son église peut utiliser les fonds de dotation de l’État au développement local (DETR et DSIL), il peut s’adresser au conseil départemental et au conseil régional pour obtenir des fonds (à noter que chaque région ou département fonctionne comme il le souhaite, ce qui ne facilite pas la lisibilité pour les maires), il peut solliciter des associations ou des entreprises… le loto du Patrimoine, la Fondation du Patrimoine, la Sauvegarde de l’Art Français, Dartagnans…Tout cela pour le seul financement ! Ajoutons les acteurs à solliciter pour mener à bien la rénovation : l’architecte des bâtiments de France, les conservations régionales des monuments historiques… Un vrai labyrinthe à rendre fou n’importe quel maire peu à l’aise avec ces questions. Autre problème plus terre-à-terre: l’obstacle financier. D’après l’article L.1111-10 du code général des collectivités territoriales, la participation du maître d’ouvrage (ici la mairie) est de minimum 20% du montant total des financements apportés par des personnes publiques au projet. Pour certaines communes rurales avec peu de moyens, financer la rénovation de leur église n’est que rarement la priorité. Chez Force Solidaire nous proposons ainsi de confier aux départements la responsabilité du financement de la rénovation des églises (avec la participation financière de l’État et de la région) pour concilier moyens et proximité, en relation directe avec les CAUE (conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement) qui seront chargés de surveiller l’état des églises du département. Les maires n’auront plus qu’à diriger et surveiller les opérations de rénovations. En attendant que cela soit mis en place, il faut aider les maires directement en les rapprochant des associations spécialistes de ces sujets : la Sauvegarde de l’Art Français et la Fondation du Patrimoine qui les aideront à constituer leurs dossiers et à obtenir des financements. J’invite plus simplement tous les Français à fréquenter leurs églises, à connaître leur histoire, à signaler à leurs maires toute dégradation et à se porter volontaires pour maintenir les églises ouvertes. Ouvrir une église, c’est faire respirer la France.

Comment réagissent les élus que vous approchez en général ? Sont-ils plutôt réceptifs ?

J’ai discuté avec plusieurs élus locaux que j’ai contactés ou qui m’ont contacté. Je peux affirmer qu’ils sont tous attentifs à l’état de leur église. Souvent les obstacles sont plus financiers et techniques que de l’ordre de la volonté. Les Français et les élus sont attachés à leurs églises, elles leur rappellent qui ils sont et les élèvent tous vers plus grand. L’église du village, c’est le monument à échelle locale que tout le monde connaît, c’est un peu de beau offert à tous, une chance pour chacun de s’enraciner et de se rappeler notre histoire locale et nationale. Aussi un maire inactif face à la mort d’une église ferait face à une nette opposition. Cependant les difficultés financières et la moindre fréquentation des églises font que l’on attend souvent que le mal soit déjà avancé pour réagir. De même, lorsqu’une commune a plusieurs églises sur son territoire, des maires peuvent en négliger une au profit de l’autre. Ce phénomène s’est accentué avec la fusion des communes.

Par quel moyen un élu qui voudrait vous contacter pour solliciter votre aide pourrait-il le faire ? 

Si un élu souhaite me contacter il peut le faire via Twitter, j’essaie de m’y connecter une fois par jour pour répondre aux messages privés. Il est aussi possible de me contacter par courriel à veault.raphael@forcesolidaire.fr. Mon association Force Solidaire est un mouvement politique qui a pour vocation la défense de l’identité et de la souveraineté de la France, ainsi que la promotion de sa puissance. Nous ne sommes pas une association de défense des églises, et j’invite les élus à se diriger prioritairement vers les associations spécialisées : la Sauvegarde de l’Art français et la Fondation du Patrimoine. Je peux cependant aider des élus en difficulté pour les accompagner dans leurs démarches, je peux aussi faire la promotion d’un financement participatif, comme je l’ai fait pour l’église Saint-Georges de Bouzemont.

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Contrairement à ce que l’on pourrait croire, tous les monuments religieux, même lorsqu’ils sont très anciens, ne sont pas protégés par le label « Monument historique ». Quelles différences de traitement existe-t-il entre les monuments protégés et les autres ?  

Seuls 15 000 édifices religieux bénéficient d’une protection au titre des monuments historiques pour environ 100 000 édifices religieux tout culte confondu (écrasante majorité catholique) et tout état confondu. La base Mérimée répertorie déjà 8000 autres édifices non protégés qui ont une valeur architecturale et historique certaine. Mais au-delà de ces considérations, « Qui peut donc juger de leur prix, et la plus modeste n’est-elle pas infiniment plus précieuse sur place ? Que m’importe que vous conserviez une église plus belle à Toulouse, si vous jetez bas l’église de mon village ? » demandait Maurice Barrès dans une lettre à Aristide Briand. Certaines églises, certaines cathédrales ou chapelles ont évidemment une valeur architecturale plus importante que d’autres, certaines sont singulières, uniques, d’autres banales sur ce plan. Mais aucune n’est banale dans le cœur de qui la connaît. L’église de son village est bien plus importante pour chacun que ne l’est une plus belle église lointaine. Le maillage fin de nos églises est le marqueur de notre identité à travers tout notre territoire national. Il faut les préserver, toutes. 

La plus grande différence de traitement entre les églises protégées et les autres réside dans l’obligation de rénovation des églises protégées. En dehors de l’Alsace-Moselle du fait du régime concordataire, les maires n’ont aucune obligation législative de prendre soin de leurs églises, sauf en cas de menace pour la sécurité des habitants. Aussi l’État n’apporte un soutien financier spécifique aux communes pour la rénovation des églises que si celles-ci sont protégées. Même si les départements et les régions sont libres d’accorder des aides financières ou non, pour beaucoup de localités les aides ne sont ouvertes que pour les monuments protégés. Il faut saluer les régions et les départements qui en font plus, particulièrement le département des Yvelines qui est exemplaire sur la question avec son dispositif de conservation préventive des édifices historiques (qui concerne tous les édifices d’intérêt patrimonial, protégés ou non). Chez Force Solidaire nous proposons soit de classer l’intégralité des églises d’avant 1905 au titre des monuments historiques, ou au moins leur inscription, soit de créer un régime à part pour protéger tous ces édifices. Cette solution n’est possible que si le ministère de la culture mène un inventaire complet de nos églises de France. Aussi absurde que cela puisse paraître, nous ignorons combien exactement nous avons d’églises sur notre territoire. Le dernier recensement de ce genre a été mené dans les années 80 et est largement lacunaire. Il est capital de connaître notre patrimoine pour mieux le protéger. Chers lecteurs, si vous souhaitez agir pour la cause, écrivez à votre député pour qu’il fasse remonter cette demande au ministère.

Une région s’en sort mieux en matière de protection des églises rurales, nous l’avons évoqué, il s’agit de l’Alsace-Moselle du fait du régime concordataire. Il est nécessaire de s’interroger sur le choix, en France, de la laïcité et sur la pertinence du régime de séparation des Églises et de l’État au regard des défis contemporains : l’islamisation au premier chef qui ne se posait évidemment pas à l’époque. Contrairement à ce que certains affirment, la France, ça n’est pas la laïcité, sinon la France n’existait pas avant 1905, absurde. La France est catholique, pour autant un caractère de notre identité est l’affranchissement de la religion catholique dans le domaine politique dont la laïcité n’en est qu’une illustration. La France a connu d’autres illustrations de ce trait : la politique des rois capétiens (Philippe le Bel, Saint-Louis) dont on ne peut nier la catholicité, le Gallicanisme de Bossuet, puis le régime concordataire. Le Gallicanisme avait comme avantage indéniable qu’il s’agissait d’une doctrine politique dans un cadre catholique. Moins radical, le Concordat avait le mérite de donner le titre au Catholicisme de « Religion de la majorité des Français ». Le tort de la laïcité de 1905, c’est qu’elle renvoie toutes les religions à la même hauteur, ce qui est criminel compte tenu de l’importance du catholicisme dans la formation de l’identité française. 

Dans le rapport du Sénat, il est proposé de favoriser les usages partagés pour garantir la survie des églises peu fréquentées. C’est à dire dans un premier temps développer le tourisme et la visite des églises, ce qui peut se faire à l’aide de bénévoles locaux, mais aussi de proposer des activités culturelles : expositions, concert de musique savante… Tout cela doit se faire avec l’accord de l’affectataire et dans le respect du bâtiment, il n’est pas question ici de prendre exemple sur le défilé des joueuses de handball dans la cathédrale de Metz ce 5 septembre dernier. Dire usages partagés c’est aussi remettre l’église au milieu du village : avant la Révolution les églises servaient à de multiples usages, c’était un lieu de rencontre, un lieu d’accueil des plus fragiles… Redonner aux églises leur place dans les villages c’est aussi favoriser ces actions sociales nécessaires, et cela sera facilité avec une remise en question du régime de 1905, en donnant un réel statut, à part et utile, à l’Église catholique en France.

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Quels arguments déployer pour sensibiliser ceux, élus ou non, que la cause des églises indiffère ?  

Les Français aiment leur patrimoine, les Français aiment leurs églises et ce qu’elles représentent. Il faut insister sur l’importance que revêtent ces églises dans notre enracinement local et spirituel. Au-delà de la simple question religieuse il y a une question d’identité et de culture. Marcel Proust ne parlait-il pas de la France des clochers ? Sept villes en France portent le surnom de « ville aux cent clochers » (Dijon, Caen, Troyes, Arras, Poitiers, Reims, Rouen), le nom de rue le plus donné en France est « Rue de l’église ». Les églises expriment toutes les diversités architecturales locales, elles étaient présentes dans nos communes avant la mairie, elles sont la marque de notre grande histoire, elles sont des lieux de rencontre et de partage. Puisque je ne ferai jamais mieux que paraphraser Maurice Barrès, je préfère le citer : « Elles sont la voix, le chant de notre terre, une voix sortie du sol où elles s’appuient, une voix du temps où elles furent construites et du peuple qui les voulut».

Malgré ces faits et ces mots, certains restent de marbre, voire jouissent, face à la destruction de ce qui nous représente, à l’image de cette représentante de l’UNEF qui qualifiait de « délire de petits blancs » l’émotion de nos compatriotes face à l’incendie de Notre-Dame de Paris. Qui reste indifférent au sort de nos églises ne peut plus être convaincu, c’est un ennemi qu’il faut combattre et marginaliser politiquement. 

A consulter: sur Twitter, @Raphael_Venault ou en suivant le hashtag #SauverLesClochers

Site web: forcesolidaire.fr

Des textes de Maurice Barrès, dont La grande pitié des églises de France, sont re-publiés par la maison d’édition de Force solidaire, La délégation des siècles.

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