Les néo-féministes prétendent que la chasse aux sorcières historique en Europe représente une première vague de féminicides en masse qui préfigure une autre vague sévissant à notre époque. Le pire, c’est que ce mythe est propagé par des universitaires.
Aujourd’hui, dans la plupart des manifestations féministes, on voit des jeunes filles vindicatives se parant de chapeaux pointus et brandissant des pancartes qui proclament : « Nous sommes les petites-filles des sorcières que vous n’avez pas réussi à tuer ». « Vous », bien sûr, désignant le patriarcat capitaliste hétéro-normatif au pouvoir depuis la nuit des temps. Les sorcières, ces femmes « puissantes », de surcroît lesbiennes ou avorteuses, sont considérées comme des « prédécesseuses » fondamentales. Les féministes tentent de faire croire que la chasse aux sorcières, qui s’est produite entre le XVe et le XVIIIe siècles, était une authentique politique de meurtres de femmes insoumises organisée par un État masculiniste doublé d’une Église misogyne. Elle aurait fait « entre 200 000 et 500 000 victimes, peut-être plusieurs millions selon certaines historiennes », comme le professe l’universitaire Christelle Taraud, qui a dirigé un livre collectif intitulé Féminicides : une histoire mondiale, paru en septembre. Selon elle, la chasse aux sorcières, véritable « génocide » ou « gynécide », est un phénomène précurseur de la prétendue vague actuelle de féminicides. C’est « un régime de terreur qui a domestiqué les femmes[1] ». Pourtant, les travaux des véritables spécialistes du sujet racontent une autre histoire. Les chiffres sont plus que gonflés : on parle plutôt de 50 à 100 000 personnes brûlées sur trois siècles, dont 20 % d’hommes. La plupart des cas de sorcellerie faisaient l’objet d’un long processus judiciaire dont il était possible de sortir indemne. Loin d’être un mouvement concerté, la chasse aux sorcières a été très disparate selon les pays, et la perception des sorcières comme étant des révoltées lesbiennes indépendantes des hommes est un pur fantasme. On peut pardonner de telles erreurs à des jeunes femmes dont la culture historique se résume au visionnage intensif de séries Netflix, mais pas à des universitaires.
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[1]. « Christelle Taraud : “Le féminicide n’est pas seulement le crime d’un homme, mais d’un État” », interview parue dans Challenges le 7 septembre 2022.