Le pouvoir iranien offense tragiquement l’humanité et suscite un opprobre général, mais malheureusement, aucune réaction internationale digne de ce nom et de ces horreurs… Devant l’héroïsme de ces jeunes iraniennes qui résistent au péril de leur vie et qu’on assassine parce qu’elles ne veulent plus de ce voile qu’on leur impose, on peut émettre des scrupules à réfléchir sur des dérives françaises.
C’est précisément à cause de ce contraste entre la révolte incroyable de courage en Iran et le risque d’injustices en France que je suis fondé à proposer ce billet, d’autant plus que nos féministes militantes franco-françaises demeurent singulièrement sans voix sur leurs sœurs iraniennes.
On a appris que deux nouvelles plaintes avaient été déposées au Parquet de Nanterre contre Patrick Poivre d’Arvor pour dénoncer des viols qui auraient été commis en 1992 et 2005. Chaque jour, le lynchage se poursuit, encore dans la manière dont cela a été rapporté le 1er octobre par France Inter, comme s’il était, au sens propre, indiscutable que ces femmes avaient été victimes. La cause est entendue depuis longtemps. Comme PPDA n’est pas innocent de tout, il est forcément coupable pour tout. Actuellement 19 plaintes dont 9 pour viol.
La libération de la parole et de l’écriture le cloue au pilori médiatique et peu m’importe qu’il soit peut-être celui que systématiquement on accable. Qu’on ait au moins, dans notre État de droit, la décence de permettre un questionnement sur cette multitude de récits et de doléances, tous ayant été rendus publics après de trop longues années. Ces femmes surgies de l’anonymat et du silence s’expriment avec une crédibilité qui leur est prêtée par principe de peur que le moindre esprit critique soit blâmé.
Faut-il donc considérer que dans cette cohorte impressionnante de femmes qui auraient été victimes de celui qui est qualifié de « prédateur », pas une n’aurait eu la spontanéité et le courage de déposer plainte sur-le-champ contre PPDA, même pour celles qui n’auraient rien eu à craindre pour leur carrière littéraire ou médiatique ?
La libération de la parole que MeToo a permise doit-elle imposer qu’avant toute investigation, on présume sincères toutes les dénonciations ? que toutes les passivités apparentes soient jugées telles des résistances implicites, que le terme passe-partout d’ « emprise » soit la clé qui autorise, sans le moindre doute, la stigmatisation politique, médiatique, culturelle et humaine de tous ceux qui ont été ciblés ? que la prescription, qui interdit toute action publique, soit traitée non plus comme un des éléments centraux d’un État de droit civilisé mais comme une mauvaise manière de la part de ceux qui en bénéficient ?
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Elisabeth Badinter a eu mille fois raison, avec une lucidité et une intelligence que Mathilde Panot, en la contredisant et en la dénigrant, a rendues encore plus éclatantes et convaincantes, de souligner que les femmes ne sont pas vouées à être des faiblesses structurelles incapables de réagir dans l’instant et que l’imprescriptibilité serait aberrante qui mettrait les atteintes sexuelles au même rang que les crimes contre l’humanité.
Julien Bayou a été victime, quant à lui, de « la dérive de militantes féministes qui, hors de tout cadre formel, ont surveillé durant trois ans le chef d’EE-LV. Mis en cause pour violences psychologiques » (Libération) à la suite de confidences médiatiques à finalité politique de Sandrine Rousseau, il a dû démissionner de deux de ses fonctions. Cette entreprise souterraine sans exemple a été condamnée par des personnalités importantes de l’écologie, à commencer par Yannick Jadot pour qui Julien Bayou n’aurait pas dû se retirer. Karima Delli récuse l’inquisition et d’autres mettent en cause les cellules internes qui ne doivent pas se substituer à la Justice et à l’exigence du contradictoire. David Cormand avoue que « en vingt-deux ans d’adhésion aux écologistes, c’est la première fois que j’ai eu honte ».
Pour LFI, en revanche, alors que l’épouse d’Adrien Quatennens a déposé une seconde main courante pour harcèlement, ses sympathisants incriminent Jean-Luc Mélenchon qui serait pour eux responsable de la tournure qu’a prise l’affaire (Le Monde). Apparemment, ses explications et la rectification de son premier tweet dans lequel il avait « oublié » la victime de la gifle n’ont pas suffi pour apaiser le malaise des électeurs LFI.
Avec les exemples que je viens de donner, même s’il n’y a aucun rapport entre PPDA, Julien Bayou et Adrien Quatennens, j’ai seulement la volonté de mettre en garde contre le risque que le combat légitime des femmes harcelées, agressées ou violées, soit dénaturé, dégradé, moqué à cause d’imprudentes précipitations, d’automatiques présomptions de culpabilité ou de troubles manipulations. Je rejoins sur ce plan le garde des Sceaux qui a proféré cette évidence que les cellules internes aux organisations politiques – maintenant Renaissance vient de créer la sienne – sont dangereuses quand elles prétendent se substituer à la Justice qui devrait être saisie à la moindre dénonciation et alerte au sein des partis.
Souhaiter un « Stop au feu » n’est pas dire « Stop aux femmes ». Celles-ci ne seront écoutées comme elles le méritent, et leurs agresseurs et violeurs condamnés, que si elles acceptent de se soumettre, elles aussi, aux exigences de la contradiction et à la rigueur des preuves. En aucun cas cette justice ne doit devenir une justice d’exception.
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