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C’est ton destin

"L’Art du triomphe : découvrez vos vertus cardinales", de Jean-Sébastien Hongre et Luis de Miranda (L’Opportun, 2022)


C’est ton destin
Jean-Sébastien © Hongre Hannah Assouline

L’Art du triomphe, de Jean-Sébastien Hongre et Luis de Miranda, est une curiosité littéraire. Un ouvrage érudit qui offre les armes nécessaires pour s’élever intellectuellement et triompher de soi-même.


Jean-Sébastien Hongre est un ami de Causeur – du genre fidèle –, un entrepreneur dans le digital – du genre à succès – et, en prime, un romancier [1] – du genre aiguisé. Avec L’Art du triomphe, écrit à quatre mains avec Luis de Miranda, qui exerce, en Suède, le métier de chercheur et celui, plus curieux, de « praticien en santé philosophique », il s’essaie à un genre nouveau – et parfaitement inconnu au bataillon des œuvres littéraires. Ce drôle de livre n’est ni un essai, ni un roman, ni un récit mais un vagabondage à travers les valeurs, les mots et la vie des héros qui jalonnent la grande aventure humaine – on y croise Vinci, Zweig, Churchill, ou encore Hypatie d’Alexandrie.

Objet littéraire non identifié

Toutefois, il ne s’agit pas seulement de cultiver l’esprit du lecteur. Cet objet littéraire non identifié a en quelque sorte une ambition thérapeutique, non pas au sens déprimant des lubies new age qui envahissent les rayons des librairies, mais dans l’optique de la maîtrise de soi et de son destin. Les auteurs entendent fournir à leur lecteur des armes intellectuelles, voire spirituelles, pour lui permettre de vaincre les obstacles qui se dressent devant lui et, nous apprend le prologue, « d’atteindre la plus haute version de soi-même tout en s’engageant dans l’aventure du monde ». D’où le titre : il s’agit bien de s’élever et, finalement, de triompher de soi-même.

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Le livre se présente comme un abécédaire : de Action à Zéro (pour remise à zéro), les deux compères ont choisi 50 mots qui désignent selon eux des vertus cardinales ou des idées qui ont fait l’histoire. Pour chacun d’eux, une courte introduction est suivie du récit plus ou moins romancé d’un épisode de l’histoire ou de la mythologie, puis d’un éclairage philosophique.

Exemple, « l’honneur »

« Il fut un temps où l’on se provoquait en duel par sens de l’honneur bafoué. Cela nous paraît bien étrange aujourd’hui, voire peut-être ridicule. Pourtant des adolescents se suicident chaque jour parce qu’ils sentent que ce monde – ou bien eux-mêmes – manque de ce sens de l’honneur qui est si proche de l’estime de soi et du désir d’avenir. L’étymologie de l’honneur renvoie à la réputation, c’est-à-dire au fond à l’idée que nous avons de notre plus haut destin. Ne pas accepter ce qui ne nous paraît pas honorable est parfois un risque, mais aussi un soin de soi qui, à force de patience, porte ses fruits. L’honneur se verra sur notre visage avant la mort, dans ces instants de lucidité où la vérité de notre vie se dévoile à nous, fil rouge de sens au-dessus du chaos apparent. » 

Pour incarner cette vertu, Jean-Sébastien Hongre imagine le suicide de Cléopâtre, peu après que son amant, Marc Antoine, vaincu par Octave et la croyant morte, a lui-même mis fin à ses jours. Plutôt que se laisser capturer, elle le suivra par amour, mais aussi pour que sa légende, elle, ne meure jamais, pour faire taire pour l’éternité « ceux qui ne voient dans son incroyable histoire d’amour qu’une ruse démoniaque pour prendre le pouvoir ». Dans cette mort, « rien qui apparaisse politique, rien qui puisse engendrer des souffrances pour son peuple, sa disparition doit être la graine d’une légende que les amants se raconteront en s’étreignant, et ce jusqu’à la fin des siècles ».

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Malheureusement, comme le démontre ensuite Luis de Miranda, cette grande idée est menacée de disparition : « Aujourd’hui, écrit-il en conclusion de son texte, des centaines d’humains meurent à petit feu de dépression parce qu’ils sentent que le monde n’est plus honorable. Et pourtant, souvent, ils y collaborent encore, hantés par la peur d’être mis au ban, de ne pas être “normal”. Le grand honneur est une vigilance de samouraï qui aurait renoncé à servir tout autre maître que son idée du Bien, non par orgueil mais par humilité, et au fond par amour du juste. »

Chacun, selon ses dilections, trouvera dans ce foisonnement de concepts et d’anecdotes de quoi nourrir sa propre réflexion. Cette lecture parfois déconcertante, mais souvent stimulante, rappelle en tout cas que, si les idées dirigent le monde, ce sont les mots qui le rendent habitable – quant à savoir s’ils le rendent meilleur, comme le croient les auteurs, on laissera chacun se faire son opinion.

Jean-Sébastien Hongre et Luis de Miranda, L’Art du triomphe : découvrez vos vertus cardinales, L’Opportun, 2022.

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[1] Un père en colère, Max Milo, 2013 ; Un amour au long cours, Anne Carrière, 2017.

Septembre 2022 - Causeur #104

Article extrait du Magazine Causeur




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Fondatrice et directrice de la rédaction de Causeur. Journaliste, elle est chroniqueuse sur CNews, Sud Radio... Auparavant, Elisabeth Lévy a notamment collaboré à Marianne, au Figaro Magazine, à France Culture et aux émissions de télévision de Franz-Olivier Giesbert (France 2). Elle est l’auteur de plusieurs essais, dont le dernier "Les rien-pensants" (Cerf), est sorti en 2017.

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