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Dernières recherches historiques sur la rafle du Vel d’Hiv

«La Rafle du Vel d’Hiv. Paris, juillet 1942» de Laurent Joly (Éd Grasset, 2022)


Dernières recherches historiques sur la rafle du Vel d’Hiv
Drancy © Thomas Padilla/AP/SIPA

Un livre passionnant, de Laurent Joly, a été écrit à l’occasion de la préparation du documentaire de France Télévisions, réalisé par David Korn-Brzoza, et diffusé en juillet dernier, date anniversaire des 80 ans de la rafle du Vel d’Hiv.


« Sans ce projet, je n’aurais sans doute pas entrepris une recherche d’une telle ampleur » déclare Laurent Joly, jeune historien, spécialiste de Vichy et des juifs. Il avait notamment publié en 2018 L’État contre les juifs. Vichy, les nazis et la persécution antisémite, ouvrage qui dressait un bilan des dernières avancées de la recherche historique, sur un sujet hautement sensible en France. Il le redit dans ce volume présent : « Cette opération si monstrueuse et emblématique demeure pourtant relativement peu connue. » Sans doute parce qu’elle mettait en cause le rôle « proactif » des responsables français de l’époque, et évidemment celui de la police parisienne : « même à Berlin entre 1941 et 1943, on n’arrêta pas autant de victimes en si peu de temps », souligne Laurent Joly.

Grasset

Dès 1940, la chasse aux étrangers avait pu commencer. Les juifs furent contraints de se faire recenser, afin de demeurer dans la « légalité ». Laurent Joly nous précise ainsi que « 115 000 juifs, résidant à Paris et en banlieue, sont répertoriés dans un fichier central et quatre sous-fichiers thématiques ». Ces fichiers seront une arme redoutable le jour où la rafle des juifs sera décidée.

Laurent Joly a constitué son livre essentiellement de témoignages. Il répertorie les divers cas de figures d’arrestation des juifs, et les illustre par des exemples précis, puisés auprès des très rares victimes ayant pu s’échapper avant d’être déportées à Auschwitz, ou celles qui, par miracle, sont revenues de la déportation. Tous ces témoignages, mis les uns à la suite des autres, accentuent un sentiment dramatique qui happe le lecteur et le hante.

Les enfants aussi

Les policiers, munis de leurs fiches, se présentent très tôt, le matin de la rafle, aux logis des juifs qu’ils veulent arrêter. En général, ceux-ci sont des Polonais ou des Allemands qui ont fui leur pays dans les années trente. Certains juifs ont été prévenus, et ont pu aller se réfugier ailleurs, quand c’était possible. La plupart du temps, seuls les hommes ont pris la poudre d’escampette. Les femmes et les enfants sont restés chez eux, personne n’imaginant qu’ils puissent eux-mêmes être arrêtés. C’est pourtant ce qui arrive.

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Car, sans conteste, le plus abominable, et Laurent Joly y revient plusieurs fois, est le sort réservé aux enfants, pour la plupart Français, conséquence d’une organisation floue et approximative de la rafle par les autorités. Les enfants, en particulier, vont servir à faire nombre, pour satisfaire certains quotas exigés par l’occupant allemand (qui, pourtant, au début, ne voulait pas d’enfants). Comme l’écrit Laurent Joly à ce propos : « Même placés sous la pire des férules par l’occupant ce qui était loin d’être le cas en 1942 , jamais les autorités françaises n’auraient dû être amenées à déporter des enfants, dans de telles conditions. Aucune des possibilités qui existaient pour éviter cette tragédie n’a été saisie, Vichy et son administration s’enfermant dans leur logique criminelle. »

Laurent Joly évoque la responsabilité plus que manifeste de Laval, et aussi du jeune René Bousquet, secrétaire général de la Police. Il analyse leur cynisme de « criminels d’État »,en soulignant « leur volonté farouche, l’un comme l’autre, de s’appuyer sur l’armature de l’administration traditionnelle, dont les compétences et l’esprit d’obéissance sont ainsi dévoyés ». Les hommes de Vichy ont fait preuve d’un zèle que même les Allemands ne leur demandaient pas.

Une situation kafkaïenne

Le plus « invraisemblable » peut-être est que cette traque impitoyable va continuer après les 16 et 17 juillet, et ce, malgré la réprobation globale de l’opinion publique. La police française reste à pied d’œuvre. À tel point qu’on semble être confronté ici à une situation proprement kafkaïenne, dans cette obstination si littéralement absurde de poursuivre de pauvres gens qui n’ont rien fait.

Laurent Joly cite beaucoup de lettres clandestines de juifs arrêtés et déportés. Ainsi de Paul Zuckermann, interné à Drancy depuis août 1941, qui, dans une lettre à sa fiancée datant du 14 août 1942, a le pressentiment de la fin d’un monde : « C’est bien la fin d’une civilisation, écrit-il, qui avait pour base la liberté et l’humanité. »

Le livre de Laurent Joly met admirablement à plat cet événement central de l’Occupation en France que fut la rafle du Vel d’Hiv, cette participation de l’État français à la Shoah, et nous permet d’en réévaluer la terrible portée historique.

La Rafle du Vel d’Hiv. Paris, juillet 1942. Laurent Joly. Éd Grasset.

La Rafle du Vél d'Hiv: Paris, juillet 1942

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Jacques-Emile Miriel, critique littéraire, a collaboré au Magazine littéraire et au Dictionnaire des Auteurs et des Oeuvres des éditions Robert Laffont dans la collection "Bouquins".

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