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Un nouveau 21 avril


Aucun front républicain en vue, aucune manifestation Nation-République ni sit-in à l’heure du thé devant Colette, aucune collégienne en fleur menaçant de se cuiter au Champomy ni de lycéenne menaçant de renoncer à écouter Tokio Hôtel si cela advenait, pas la moindre starlette, pas un seul comique-troupier pour crier des no pasaran gros comme des monocles : décidément, la vie politique française n’est plus ce qu’elle était.

Et pourtant, qui peut oublier qu’il y a six ans exactement le monde politique français était agité d’un séisme sans pareil – sans toutefois que l’on ait encore pu en mesurer toute l’onde de choc. Seuls les Taïnos avaient éprouvé les répercussions directes de ce drame interplanétaire lorsque, fondant le musée Branly afin de répondre à cette grave crise politique que traversait votre pays, Jacques Chirac déclara : « Nous sommes tous des Taïnos allemands. » Ou quelque chose comme ça.

Or, selon toute vraisemblance, un nouveau 21 avril est en train de se produire. J’entends d’ici les ricanements des sceptiques : avez-vous une preuve ? Je l’affirme : depuis 0 h 00 (GMT), la France se rejoue un 21 avril, et cela ans que personne ne proteste. Indifférence ? Lassitude ? Exaspéritude ? Indifférentisme ? Nul ne le sait. Ce dont on est certain c’est que Lionel Jospin n’envisage pas de faire de déclaration annonçant qu’il renonçait à tout jamais à la politique.

Hier encore à deux doigts de sombrer dans le fascisme (comme nous l’expliquait l’ensemble des politologues français, de Gérard Miller à Emmanuelle Béart), la France ne semble plus être agitée par les vieux démons et l’hydre à un œil de la Trinité-sur-Mer, mais par ses sordides problèmes de fins de mois : on ne diabolise donc plus personne quand les temps sont venus de s’occuper à tirer le diable par la queue. On jette aux orties la très nietzschéenne volonté de puissance, quand le pouvoir d’achat vide les bourses et préempte les esprits. Et puisqu’il a la forme d’une tirelire, on est tout prêt à croire, au-delà de ses croyances religieuses, que dans le cochon tout est bon.

Le problème, nous le connaissons depuis Aaron (le frère de Moïse), c’est qu’en politique le cochon ne suffit pas : nous voulons des veaux d’or. Le pire, c’est que nous en aurons.

Traduit de l’allemand par l’auteur.



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Née à Stuttgart en 1947, Trudi Kohl est traductrice, journaliste et romancière. Elle partage sa vie entre Paris et le Bade-Wurtemberg.

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