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Macron s’embourbe en Algérie

... et aurait tort de négliger le Maroc


Macron s’embourbe en Algérie
Le président Macron et le président algérien Abdelmadjid Tebboune, Alger, 27 août 2022 © Jacques WITT/SIPA

« Notre volonté est de renforcer le partenariat avec l’Algérie, de pouvoir œuvrer ensemble, à la fois sur le plan politique et diplomatique mais aussi pour passer les bons messages et éviter que des mercenaires puissent fleurir dans la région, en particulier le Groupe Wagner » a affirmé Emmanuel Macron en évoquant le Sahel après sa visite du cimetière européen de Saint-Eugène au nord d’Alger.


Le déplacement controversé d’Emmanuel Macron en Algérie s’inscrit dans un moment important pour les relations françaises en Méditerranée occidentale. La question de la guerre russo-ukrainienne apparait en filigrane de toutes les actions que mène désormais la diplomatie française. Au risque peut-être de provoquer des décisions précipitées qui pourraient nous désavantager à moyen terme. Quid ainsi du Maroc, pilier en Afrique et en mer Méditerranée ? 

Dans L’énigme algérienne, publié aux éditions de L’Observatoire, l’ancien ambassadeur de France en Algérie Xavier Driencourt relate ses sept années passionnantes mais complexes à Alger. Il conclut, amer mais lucide, par ces quelques phrases qui claquent comme un coup de fouet en direction des esprits naïfs qui semblent hanter les coursives de l’Elysée sous le règne d’Emmanuel Macron, que le « partenariat d’exception » tant vanté entre les deux pays serait à sens unique :

« Réflexion faite, nous n’avons pas gagné grand-chose dans ce partenariat, ni véritable coopération de l’Algérie sur les grands dossiers, ni parts de marché, ni aide des consulats algériens sur les questions migratoires, ni solutions aux multiples difficultés quotidiennes que rencontrent les Français d’Algérie, ni contrepartie en échange des nombreux visas que la France octroie, ni sans doute, ajouterai-je, l’estime du pays et de ses dirigeants. Qu’avons-nous donc à gagner à délivrer des titres de séjour à de nombreux VIP algériens sans compensation sauf à être humiliés et à se faire claquer la porte au nez ? Nous pensons aujourd’hui qu’Alger nous aidera au Sahel alors qu’il est trop content de nous voir intervenir à sa place… pour mieux nous dénoncer et nous exfiltrer ensuite au profit de la Russie, comme on le voit actuellement. »

Une visite avec un maigre bilan

Peut-on raisonnablement penser que la balade du président Macron à Alger, ponctuée de quelques sifflets au cours d’un bain de foule malhabile, sera de nature à durablement changer la donne ? De fait, rien de concret n’est sorti de cette visite. Concernant la question de la livraison de gaz, l’Algérie se serait engagée oralement à augmenter de 50% le volume de ses exportations à destination de la France. Rien d’autre. Pas de contrats, nous perdons année après année des marchés au profit notamment de la Chine. Pas de mesures fortes pour les personnes frappées d’une obligation de quitter le territoire français que l’Algérie ne récupère pas. Menacés au sud par le terrorisme islamiste et séparatiste qui se déploie au Mali, et contre lequel l’ami russe et ses sociétés militaires privées seront impuissants, l’Algérie semble a minima vouloir empêcher une escalade.

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Les questions qui fâchent n’ont d’ailleurs pas été abordées, à l’image de cet exercice militaire conjoint russo-algérien qui se tiendra en novembre baptisé « Bouclier du désert 2022 ». Principal fournisseur d’armes d’Alger et formatrice de nombre de ses officiers, l’armée russe se rendra à Hammaguir… soit à 50 kilomètres de la frontière marocaine. Si Emmanuel Macron a raison d’entretenir des relations cordiales avec tous nos partenaires en Méditerranée et en Afrique, les relations entre les nations ne doivent pas être à sens unique. Régulièrement victime de campagnes calomnieuses et diffamatoires en Afrique, singulièrement au Sahel, la France fait face à une Russie très engagée qui a besoin de ce continent comme débouché pour ses céréales. D’où notamment la présence de Wagner en Libye.

Ne perdons pas la confiance des Marocains

L’objectif est bien de sécuriser les routes commerciales et énergétiques sino-russes en Afrique, d’où l’installation d’un corridor reliant Ouargla à Nouakchott qui passe par Bir Lahlou à proximité immédiate… du Maroc. Le royaume de Mohamed VI entend depuis longtemps faire valoir officiellement une vérité historique : sa souveraineté sur la zone dite du « Sahara occidental ». Territoire marocain depuis plusieurs centaines d’années, cet espace géographique est la proie du mouvement séparatiste Front Polisario appartenant à l’internationale socialiste et soutenu depuis toujours par l’Algérie. Le 10 décembre 2020, Donald Trump annonçait la reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur le Sahara. Au mois de mars dernier, c’était au tour de Pedro Sanchez d’exprimer le soutien espagnol au plan marocain d’autonomie du Sahara, jugeant cette base comme « la plus sérieuse, réaliste et crédible » pour une résolution pacifique du conflit. Une déclaration qui a fait grand bruit et qui ouvre une nouvelle ère dans les relations unissant les deux monarchies voisines, la très catholique Espagne et la dynastie Alaouite dont l’importance historique dans le monde musulman est majeure.

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Que va faire la France ? Pour l’heure, rien ne filtre. Pourtant, il semble essentiel que nous arrivions enfin à rejoindre officiellement les Espagnols et les Américains. L’enjeu est de taille pour nous. Un Maroc fort est pour nous un atout capital, tant dans la lutte contre l’immigration de masse provenant d’Afrique subsaharienne qu’économiquement et stratégiquement. Nous ne devons pas nous laisser intimider dans ce dossier où nos intérêts comme la justice concordent. Nos relations avec l’Algérie ne doivent pas nous empêcher d’aider le Maroc à garantir sa pleine souveraineté. La loyauté du Maroc envers la France est réelle, mais notre pusillanimité pourrait un jour nous la faire perdre.

Puisque le « partenariat d’exception » n’en est plus un, la France peut enfin faire valoir ses intérêts en soutenant explicitement le Maroc dans le dossier du Sahara. Que le prochain président français qui se rendra en Algérie y aille enfin pour signer des contrats et tenir un discours de vérité autour du codéveloppement d’une ère de prospérité en Méditerranée, et non pour y jouer la partition coloniale éculée et moquée !

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Gabriel Robin est journaliste rédacteur en chef des pages société de L'Incorrect et essayiste ("Le Non Du Peuple", éditions du Cerf 2019). Il a été collaborateur politique

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