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Bruno Reidal, terrifiant petit branleur cantalien

Inspiré d’un fait divers vieux de plus de cent ans, le film magistral de Vincent Le Port sort en DVD


Bruno Reidal, terrifiant petit branleur cantalien
Dimitri Doré incarne Bruno Reidal dans le film éponyme. © Capricci Films

Sous le soleil de Satan


Il y a longtemps que je n’avais pas vu un film français aussi impressionnant, beau et terrible, calme et convulsif. Une œuvre hantée par le péché et la folie, la haine et l’amour, la foi dans l’amour et la miséricorde du Christ et l’abandon aux tentations du Diable… Auteur de plusieurs films forts et inventifs tels Finis Terrae et Le Gouffre, moyens métrages très réussis inspirés par des légendes bretonnes, Vincent Le Port réalise avec Bruno Reidal, confession d’un meurtrier son premier long-métrage ambitieux et radical.

Il nous conte une véritable histoire tragique survenue le 1er septembre 1905 à Raulhac dans le Cantal. Bruno Reidal, un jeune paysan séminariste de 17 ans se constitue prisonnier après avoir sauvagement assassiné et décapité un enfant de 12 ans. Afin de comprendre son geste et ses motivations, des médecins l’interrogent et lui demandent de relater sa vie depuis son enfance jusqu’au jour du crime. Son auteur est un jeune paysan chétif et malingre, doux et brutal, aimant et sauvage. Il est un excellent élève à l’école primaire ainsi qu’au petit séminaire de Saint-Flour où il veut être le meilleur.

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Ce meurtre terrifiant se déroule au moment où la France est en pleine séparation de l’Église et de l’État. Il marque fortement les journalistes et la population au début du XXe siècle. La presse publie de nombreux articles dont ceux très anticléricaux du quotidien La Lanterne dirigé par Victor Flachon qui n’hésite aucunement à formuler que le meurtre est le résultat de l’éducation dispensée par les religieux du petit séminaire de Saint-Flour. En 2020, l’historien progressiste Philippe Artières écrit un ouvrage consacré à ce crime, Un séminariste assassin où il conclut avec une certaine désinvolture et peu d’arguments que les motivations du meurtrier seraient dues au fait que Dieu se meurt. La force du film Vincent Le Port est justement que le cinéaste ne donne aucune explication rationnelle. Il laisse les spectateurs libres de penser face à ce drame.

Par sa mise en scène ascétique, rigoureuse, minérale et lumineuse, Vincent Le Port ne cherche pas à expliquer sociologiquement ou psychologiquement le caractère violent et brutal de cet acte monstrueux perpétré sans raisons apparentes ni compréhensibles. Jamais il ne juge ni excuse le crime odieux du jeune homme. Bruno Reidal semble s’estimer «ni fou, ni criminel». Lorsque le meurtrier conteste le premier rapport de médecins légistes, l’affaire est confiée à l’expertise d’un professeur de médecine légale et spécialiste de l’anthropologie criminelle, le célèbre professeur Alexandre Lacassagne, qui interroge avec deux autres médecins aliénistes le jeune homme puis lui demande d’écrire le récit de sa vie.

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Le film est servi par la force du dépouillement formel et clinique de la mise en scène, par le choix de la voix-off pour dire les paroles exactes de l’assassin recueillies dans les archives du professeur Lacassagne et transcrites à l’écran, par la musique discrète d’Olivier Messiaen et l’interprétation magistrale de Dimitri Doré, jeune comédien de théâtre pétri de talent qui donne au personnage de Bruno Reidal cet incroyable mélange de douceur et de fureur, d’amour et de haine, de clairvoyance et de trouble absolu.

On peut désormais découvrir, en DVD, cette œuvre austère sur les affres de la souffrance psychiatrique d’un être et sur les manigances et ruses du Démon qui pervertissent l’âme d’un jeune garçon dont ni les membres de sa famille, ni les prêtres, médecins, gendarmes et juges n’ont pu comprendre les désastres opérés par la conjonction d’un passé de misères et de violences – rudesse paysanne, égorgement annuel du cochon, le viol à dix ans par un berger qui le masturbe contre son gré – et son appétence obsessionnelle pour la pulsion criminelle associée à une jouissance sexuelle onaniste frénétique contre laquelle il tente de lutter en vain durant toute son enfance et son adolescence.

Ce jeune homme solitaire et taiseux, intelligent et lucide, confesse dans son texte vertigineux dit par sa voix frêle mais assurée et juste, ses rêves secrets de faire souffrir les élèves les plus beaux physiquement et les mieux dotés socialement que lui, ses souffrances face au péché, son incommensurable amour pour Dieu qu’il confond soudain avec le Malin. Les pulsions de mort et les puissances du Mal conduisent irrémédiablement Bruno Reidal à servir Satan.

Bruno Reidal, confession d’un meurtrier, de Vincent Le Port, avec Dimitri Doré, Jean-Luc Vincent, Roman Villedieu, (1h41), sortie en DVD le 23 août

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est directeur de cinéma.

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