Le ministre de l’Intérieur se déplace beaucoup d’une délinquance à l’autre, d’un embrasement à l’autre, de drames en tragédies.
Au lieu de le féliciter pour cette activité frénétique, il faudrait d’abord l’en plaindre, parce qu’elle révèle que l’état d’ensauvagement de la France s’accroît et que cette augmentation signe d’une certaine manière sa relative impuissance. J’use de l’adjectif « relative » parce qu’on ne peut dénier à Gérald Darmanin une bonne volonté certaine. Elle ne suffit pas à nous faire oublier qu’il a bénéficié d’une chance miraculeuse avec un président de la République qui, toujours amateur de paradoxes, lui a renouvelé sa confiance après le fiasco du stade de France.
« Au coeur de l’été, les bouffées de haine antiflics se multiplient… Commissariat attaqué à Vitry-sur-Seine, embuscade à Limoges ou à Sevran. Bousculés dans leurs trafics ou désoeuvrés, les voyous ciblent l’uniforme » (Le Figaro).
Il n’y a pas que cela. Les pompiers sont agressés et les rodéos sauvages se multiplient. Pourquoi s’étonner de cette période où la France en repos, accablée sous la chaleur, libère encore davantage une malfaisance inspirée par l’ennui et par une immoralité qui ne se trouve limitée par rien ?
Il n’y a pas de vacances pour les voyous. Ils ont au contraire une activité décuplée. Leur vacuité ordinaire et les trafics qui les mobilisent généralement sont relégués au profit d’actes de pure distraction délictuelle : leurs cibles privilégiées prises à partie parce que tout de même, il faut bien passer le temps…
À lire aussi : Retour du Refoulé
Il me semble absurde de s’interroger gravement sur la manière de réduire les transgressions estivales. Comme si celles-ci n’étaient pas la continuation échauffée – au sens propre et au sens figuré – d’un pays dévasté au quotidien par une insécurité violente, souvent collective, se complaisant dans la destruction, corps et biens, de tout ce qu’il y a d’officiel et de naturellement respectable, n’en déplaise aux bons apôtres qui souhaiteraient que notre société tende l’autre joue après avoir été frappée avec constance sur l’une…
Cette terrifiante effervescence est d’autant plus impressionnante qu’elle paraît inéluctable et qu’elle blesse et meurtrit notre pays quand la France du pouvoir semble au repos. Sauf Gérald Darmanin.
Celui-ci, j’en conviens, bouge beaucoup : à chaque fois il vient constater les dégâts et compter les coups… Malheureux observateur de situations contre lesquelles ses tweets ne peuvent rien. Quand son énergie lucide n’est pas battue en brèche par un tribunal administratif qu’on espère bientôt désavoué.
Mais pour dire le fond de ma pensée, je ne suis pas persuadé qu’à l’exception d’une majorité de citoyens qui n’en peuvent plus, la France élitaire se préoccupe beaucoup de ces chaleurs estivales et ne traite pas avec un haussement d’épaules condescendant les peurs, les misères et les malheurs du petit peuple.
Et après tout, ces voyous sont de sacrés travailleurs puisqu’ils ne prennent pas de vacances !
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !