Production européenne, Rebel (mais pourquoi ce titre en anglais ?) signe le nouvel opus d’Adil El Arbi et Billal Fallah, duo de cinéastes qui, sous la marque de fabrique sympa Adil & Bilall, reconduit de film en film, depuis Black (2015) jusqu’à Bad Boys for Life ( 2020), blockbuster américain avec Will Smith et Martin Lawrence, en passant par Gangsta (2018), une insistante fascination pour la violence des quartiers et les règlements de compte entre voyous.
Kamal, petit dealer belge de souche marocaine, biberonné au rap et fan de grosses cylindrées à deux roues, est sur le point d’être chopé par la police, dans la bonne ville belge de Molenbeek où il a grandi, comme tant d’autres jeunes « issus de la diversité ». N’ayant plus rien à perdre, sous l’alibi de la lutte contre le régime de Bashar El Assad, le garçon choisit de se carapater en Syrie, laissant sa mère-courage élever seule le petit frangin Nassim, mouflet vulnérable, chevelu et joufflu (que le spectateur prend d’abord pour une fille, d’ailleurs). Mais notre Kamal tombe presque aussitôt dans les griffes de Daesh. Le voilà recruté comme cameraman, chargé de shooter les images de propagande islamiste. Pris dans les combats sanglants qui opposent les légions d’Allah aux rebelles, il est piégé. Brave garçon qui ne cherchait qu’à se soustraire à l’incarcération ! Kamal va en baver tout autrement. D’autant qu’exportée sur la Toile, une vidéo le révèle à sa maman chérie sous les traits d’un bourreau, dans le peloton qui exécute une brochette de condamnés d’une balle dans la tête…
Le récit fera ainsi alterner de bout en bout les flashbacks sur la vie de Kamal avant son escapade, et cette fuite en avant qui le voue désormais à l’enfer, otage impuissant des assaillants hirsutes et enturbannés qui lancent leurs assauts sur Alep, bannière noire au vent, et imposent la charia aux populations qu’ils ont soumises. Séquences de rap, oniriques et chorégraphiées (les paroles sont de la plume même d’Aboubakr Bensaihi, le comédien qui joue Kamal) et cantilènes aux paroles calligraphiées plein cadre à l’écran en écriture arabe – mais sous-titrée, dieu merci, en français : « le danger est là/ même si personne ne le voit… » – ponctuent l’action, selon une progression rectiligne vers l’horreur et l’indicible, où se conjuguent le chemin de croix maternel et le martyre filial. La situation se corse encore davantage quand petit frère, Nassim, se voit embrigadé par un recruteur local de l’Etat islamiste à Molenbeek, puis enlevé comme-enfant soldat en Syrie, tandis que Kamal, de son côté, marié de force à une sunnite mise en esclavage qu’on lui a donnée pour femme, finit par se sacrifier de façon toute christique pour la sauver de ses ravisseurs…
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Rebel combine de la sorte, non sans impudence, les registres de la comédie musicale, du film de guerre (d’où scènes spectaculaires de carnage urbain, plutôt réussies quant à elles sur le plan scénographique) et de la romance. De là que dans un enchaînement de péripéties aussi improbables que morbides, un certain burlesque involontaire y confine à l’obscène. On ne déflorera pas ici l’épilogue de ce long métrage qui semble s’éterniser dans une abjection et une trivialité dont le faux happy end vient sanctionner le parfait cynisme commercial. L’atrocité appuyée de ces calvaires, plus éprouvante encore pour le spectateur que pour les suppliciés, relève d’une complaisance dramaturgique tellement outrée qu’elle inspire moins de dégoût pour les forfaits qu’elle nous représente, que de mépris pour de tels parti-pris scénaristiques. Enfin et surtout, en dépeignant la religion mahométane sous son jour le plus crépusculaire et sinistre, cette Daech Romance contrecarre radicalement la cause qu’elle prétend servir : celle d’un Islam non fanatisé.
Rebel, film de Adil et Bilall. Avec Aboubakir Bensaihidi, Lubna Azabal, Amir Arbi. Belgique, couleur. Durée : 2h15. En salles le 31 août 2022.