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Droite tordue

Par anti-atlantisme primaire, une partie de la droite se décrédibilise


Droite tordue
© Conflits

Chasseresse de « nazis » ukrainiens, post-sovietophile sans le savoir, soutien d’Amnesty International, et aux dernières nouvelles, partisane de la Chine unique, la droite nationale a perdu la tête. Tribune de Pierre Cormary


Non, alors là, désolé, mais je ne peux vraiment plus être de droite. Du moins de cette droite-là, moche, méchante, cruche, féroce, bête à manger du foin, « qui pense ce qu’elle pense et pas autre chose », comme l’illustre un dessin humoristique sur le « troll de droite » qui circule actuellement sur la toile, incapable de se mettre au fait du jour, complètement à l’ouest – à l’est, plutôt. C’est ça le plus étonnant. Avec la guerre en Ukraine, la droite soi-disant « nationale » (tu parles !) s’est trouvée une passion pour la Russie post-Soviétique1. Au lieu de soutenir le nationaliste Zelenski, bonhomme certainement trouble mais que la guerre a révélé, elle lèche les pompes du KGBiste maffieux du Kremlin. Au lieu de défendre le droit d’un peuple à disposer de lui-même (en l’occurrence, ne plus être russe car, on ne le répètera jamais assez, l’Ukraine ne veut plus être russe depuis belle lurette), elle défend l’Anschluss – et cela, attention, au nom de la « paix », de la « liberté » et de la « dénazification ». Car la droite nationale, qu’on se le dise, est devenue « antinazie ». La droite nationale se trouve formidablement crédible en chasseresse de « nazis » ukrainiens. La droite nationale renifle le totalitaire comme personne. Encore un peu et elle créera son SOS racisme à elle. Certes, on admet bien volontiers que le régiment Azov ne soit pas composé que de centristes bon teint lecteurs de Montesquieu – mais la Légion Étrangère, à laquelle ce régime fait d’abord penser, non plus, après tout. Par ailleurs, face au groupe Wagner, mercenaires au service du Kremlin, tout autant nazifiés et autrement plus sanguinaires, il faut ce qu’il faut. Et puisque nous sommes dans cette logique absurde, entre des « nazis » qui défendent leurs frontières et leur souveraineté et des « nazis » qui attaquent celles des autres, le choix devrait être vite fait – surtout lorsqu’on se prétend patriote. Hélas ! C’est le lot de cette droite-là, maurrassienne, « chambordienne », au fond révolutionnaire (c’est-à-dire fasciste), de se tromper à tous les coups depuis cent cinquante ans et d’adhérer au pire.

Trahir la patrie au nom de la nation (ou de l’idée qu’on s’en fait) ; bander pour les plus sales régimes ; se soumettre avec délice au plus fort, au plus viril, en se persuadant qu’il va nous protéger et nous expurger de notre soi-disant décadence (le fameux « mariage gay », Netflix), nouveau sauveur qu’il est, « rempart de nos valeurs » comme on le dit sans rire dans les milieux bigots ; se glorifier encore et toujours de sa libido de collabo – tel est le destin pathétique de cette France-là.

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La vérité est que la droite nationale n’a jamais été résistante – ou à peine, par quelques-uns de ses dissidents comme Jacques Bainville qui ont sauvé leur honneur. Pour le reste, l’abjection systématique et décomplexée. Comme l’a bien expliqué François Huguenin dans un article de La Vie qui inspire le nôtre, la secte nationaliste a toujours préféré l’idolâtrie de la force à l’amour de la terre, l’idéologie à la patrie. C’est un fait que plus on adore la nation en soi, moins on aime son pays. Plus on rêve d’une France idéale, forcément ancienne et sublime (et qui bien évidemment n’a jamais existé même à l’époque de Saint Louis), plus on livre la France réelle à l’ennemi. En vérité, « aimer son pays », c’est aimer ses faiblesses, ses contradictions, sa réalité toujours complexe et si souvent contrariante. Le nationaliste est celui qui ne veut pas être contrarié. Le nationaliste est celui qui s’entiche de tous les butors de la planète pour avoir enfin une Histoire de France à son image. Le nationaliste est celui qui sacrifie la France (ou la quitte) au nom de l’idée anti-contemporaine qu’il s’en fait. Le nationaliste déteste le libéralisme, la sociale démocratie, Montesquieu et « ces trucs de bisounours ». « Les adorateurs de dictatures, premier parti de France », disait le grand Jean-François Revel, spécialiste des servitudes humaines.

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Le nationaliste est en fait un anti-français qui prend toujours fait et cause pour les ennemis de la France. Naguère pro-allemand, aujourd’hui pro-russe, demain pro-chinois, il vit par procuration. Et quand on le réveille, il a la haine. Exactement comme certains immigrés de la deuxième génération que lui-même déteste de toutes ses tripes alors que ceux-ci, comme me l’écrivait sur mon mur Facebook l’ami Hervé Weil, ne sont que son miroir :

« Même haine d’un pays réel pour un pays fantasmé qu’ils parent de toutes les vertus (le bled pour les premiers, qu’ils connaissent en fait à peine, et une France plus « âge d’or » que réellement historique pour les seconds). C’est vraiment frappant : souvent le même profil de déracinés (géographique et/ou social), avec ce sentiment d’être floués par un pays qui leur devrait quelque chose. On retrouve la même aigreur, la même colère autodestructrice, le même instinct de revanche – au fond, le même nihilisme chez les uns comme chez les autres. Sans parler du fait que pas mal d’entre eux, par leur religion, restent très proches de valeurs conservatrices. »

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On ne peut dire mieux. Le bled des uns est la France éternelle des autres – tous se voyant comme des guépards alors qu’ils raisonnent comme des chacals. Et tous se retrouvant dans la furie intersectionnelle anti-occidentale, islamogauchiste… et droitiste. La soumission au grand Russe, au grand Chinois ou au grand Arabe (quand on est mondialiste de gauche), c’est kif-kif. En vérité, pas plus capitularde, défaitiste, schizophrène que cette droite qui a besoin de la force d’autrui pour compenser la sienne et qui n’en finit pas, comme dirait l’autre, de se suicider.

Le pire est qu’ils pourraient se la jouer impérialistes s’ils recouvraient un semblant de force (et de raison). Résister aux empires russe, turc, chinois, américain même pourquoi pas ? (l’atlantisme a des limites, on le concède volontiers) par notre propre empire européen. Car, comme le rappelle Robert Kaplan dans un entretien au Point d’il y a quelques semaines, l’Europe aussi est un empire, certes « inoffensif » mais qui pourrait ne plus l’être s’il s’en donnait les moyens – ce que lui permet précisément l’affaire ukrainienne. L’union sacrée contre l’ours, en voilà un beau kairos ! Ah ! Mais non ! Pas pour nos cocardiers englués jusqu’au cou dans leur détestation de l’Europe, de l’OTAN et de l’Occident et qui jamais au grand jamais ne choisiront notre blason bleu étoile plutôt que celui blanc bleu rouge de leur idole à cheval, arpentant torse nu la steppe et se battant à mains nues contre les alligators de la modernité satanique. Pour eux, trahir leur pays, c’est une question d’honneur.

Haro, donc, sur BHL qui a osé comparer le massacre d’Olenivka à Katyn ! Il avait raison, évidemment – « Papa Poutine », comme l’appellent certains musulmans indonésiens sur Tik Tok, se rapprochant de plus en plus des méthodes du Petit Père des Peuples. Une forfaiture pour nos héraldiques du dimanche qui brandissent tout de suite leur Alexandre Douguine, maître barbu à penser de tous les idiots utiles et autres possédés de cette droite tordue qu’ils sont, éternels maris de l’infâmie.

1 Une passion qui, en vérité, remonte à très loin, la droite nationaliste ayant eu toujours beaucoup d’inclination pour la « sainte Russie », le tsar et Michel Strogoff.



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Pierre Cormary est blogueur (Soleil et croix), éditorialiste et auteur d'un premier livre, Aurora Cornu (éditions Unicité 2022).

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