Certains écrivains majeurs ont préféré ce qu’on appelle les « mauvais genres » pour raconter notre monde dans toute sa noirceur. N’ayons pas peur de nous confronter à James Ellroy, Mariana Enriquez et Philip K. Dick.
Ellroy et son double
James Ellroy, alias « The Dog », est de retour. Depuis bientôt quarante ans, l’écrivain a renouvelé de fond en comble le roman noir, autant par le style que par sa relecture de l’histoire américaine des deux décennies post-Seconde Guerre mondiale, à travers des cycles romanesques aussi impressionnants que le Quatuor de Los Angeles ou la trilogie Underworld USA. Son territoire de prédilection : Los Angeles, la Mecque du cinéma et de toutes les corruptions. Sa méthode : une peinture balzacienne de différents milieux, avec une prédilection pour le fonctionnement occulte de la police, de la mafia et de la politique qui s’entremêlent dans des noces aussi incestueuses que sanglantes. Son œuvre ressemble, par exemple dans L.A. Confidential, à un Splendeurs et misères des courtisanes saturé de testostérone et d’amphétamines. Son obsession : le mal et la rédemption dans une atmosphère constante de violence.

Aujourd’hui, il nous donne avec Panique générale un roman retraçant les confessions de Freddy Otash. Comme souvent, Ellroy y entrecroise personnages réels et de fiction. Otash (1922-1992) a réellement existé. D’origine libanaise, il a passé la Seconde Guerre mondiale dans les Marines, est devenu brièvement policier avant d’être viré à cause de ses méthodes un peu gênantes, puis détective, pourvoyeur des ragots d’Hollywood pour une feuille à scandale, Confidential, ce qui a fait de lui l’un des personnages les plus redoutés de l’écosystème toxique de Los Angeles. Tout au long du roman, Ellroy fait parler Otash à la première personne. Otash n’a plus grand-chose à faire sinon raconter les différentes horreurs qu’il a commises puisqu’il s’adresse à nous depuis… le Purgatoire. Ne jamais oublier qu’Ellroy s’est toujours défini comme un écrivain chrétien, voire puritain. Pour autant, il ne nous épargne rien de la carrière d’Otash qui a une forme de génie pour saisir la vraie nature de son époque avide de gloire, de fric, de plaisirs plus faisandés les uns que les autres. En l’amenant à confesse, Ellroy définit finalement son propre art poétique : « Je pense et j’écris en allitérations algorithmiques. La langue doit étriller et taillader.
