Accueil Culture Et Dieu créa l’arche de B.B.

Et Dieu créa l’arche de B.B.

La défense des animaux: le rôle de sa vie


Et Dieu créa l’arche de B.B.
La superstar avec l'animateur de télévision Allain Bougrain-Dubourg, à Nantes, en 1987 © BERTRAND SOUBEYRAND / AFP

Une mini-série racontant la vie de Brigitte Bardot est en préparation, pour France 2, et devrait sortir en 2023. C’est l’occasion de revenir sur l’épopée de cette déesse adulée du cinéma français, qui, abandonnant tout pour secourir les animaux en détresse, donna un véritable sens à sa vie.


Alors qu’elle s’imagine ballerine, par la grâce d’une beauté tant candide qu’insolente, Brigitte Bardot voit sa destinée basculer. Son regard transperçant l’âme, sa moue boudeuse et sa taille menue lui permettent de devenir très jeune l’égérie du magazine Elle. C’est d’ailleurs sur une de ces unes que Roger Vadim, pour qui elle aura un coup de foudre réciproque, la remarque à l’âge de 16 ans. Après avoir obtenu des petits rôles dans Le Trou normand aux côtés de Bourvil, Manina, la fille sans voiles de Willy Rozier, Si Versailles m’était conté de Sacha Guitry, ou encore Les Grandes manœuvres de René Clair, sa consécration ne tarde pas.

Le mythe de la Vénus de Saint-Tropez

À 22 ans, la jeune lionne à la crinière de feu se prête à une véritable métamorphose dans « Et Dieu créa la femme », réalisé par Roger Vadim en 1956, entre temps devenu son époux. Celui-ci la laisse souvent improviser, et aller au bout d’elle-même. « Je ne joue pas, je suis » aurait-elle ainsi lancé au metteur en scène pendant le tournage. Se baladant pieds nus, en robe légère et seyante dans le petit village de Saint-Tropez, elle irradie de son naturel et sa foudroyante sensualité. La nature a doté BB de l’esprit de liberté qu’affiche son personnage, celui d’«une fille de son temps, affranchie de tout sentiment de culpabilité, de tout tabou imposé par la société », selon les mots de Vadim.

Toutefois, les prêtres de la vertu crient au scandale et attaquent ce film, qu’ils jugent amoral. Il faut dire que c’est la première fois que le désir féminin est porté à l’écran ! Certaines scènes se voient des lors censurées, notamment celle explicite d’un cunnilingus. Les critiques acerbes, pleuvent. Seuls Les Cahiers du cinéma louent BB: « Bardot est magnifique et pour la première fois, totalement elle-même ! ».

A lire aussi: Jacques de Bascher ou le désœuvrement

Contre toute attente, aux Etats-Unis, en 1957, Brigitte Bardot enflamme les passions et les foules. Plus de huit millions d’entrées sont réalisées ! Cet impressionnant succès va attiser la curiosité des Français, si bien qu’en 1958, 4 millions d’entrées sont totalisées dans l’Hexagone. Une étoile est née. Poursuivant son ascension, elle va notamment marquer les esprits dans La Vérité (1960) d’Henri-Georges Clouzot et Le Mépris (1963), de Jean-Luc Godard.

Je t’aime… moi non plus

À l’automne 1967, elle devient la muse de Serge Gainsbourg, avec qui elle vit une romance passionnée et cachée. « Écris-moi la plus belle chanson d’amour que tu puisses imaginer » lui demande-t-elle [1]. En une nuit, à l’aide de son piano, il lui écrit la fabuleuse et voluptueuse chanson « Je t’aime… moi non plus ». Peu de temps après, il l’enregistre avec elle, au Studio B des Studios Barclay, avenue Hoche, à Paris. Celle-ci ne verra toutefois pas le jour puisque, Günter Sachs, photographe milliardaire, marié à Brigitte depuis 1966, lui en interdit fermement la diffusion ! Plusieurs de leurs chansons dont « Bonnie and Clyde », la version anglaise de « Comic Strip » et « Je t’aime moi non plus, qui ne sortira qu’en 1986, entre autres, deviennent cultes…

La fée des animaux

Capture France TV

 « Adorable Jacques, cette photo est formidable. La sorcière mangeuse de chèvres et la fée des animaux qui sauve Colinette. C’est symbolique. C’est le tournant de ma vie, et vous étiez là au bon moment. Merci, merci, merci. Je vous embrasse de tout mon cœur ». C’est en ces termes que BB remercie dans une lettre le photographe Jacques Espardier. C’est lui qui a capturé ce moment historique, qui l’a convaincue de quitter le cinéma. En 1973, à la fin du tournage de « L’histoire très bonne et très joyeuse de Colinot Trousse-Chemise », elle croise une figurante qui lui lance « Dépêchez-vous de finir votre film, on prépare un gigantesque méchoui » en lui désignant une chèvre. La comédienne est bouleversée. « Ce n’était pas possible. Je lui ai acheté l’animal et je suis rentrée avec celui-ci dans mon hôtel 4 étoiles. Je ne vous dit pas la tête du personnel… » a-t-elle raconté dans une longue interview accordée à Valeurs Actuelles en mars 2017. C’est ainsi qu’en pleine gloire, le 6 juin 1973, à 38 ans, elle annonce officiellement son départ. Incrédules, certains imaginent un éphémère caprice de star. Mais cet abandon est bel et bien définitif. «Je veux passer mon temps à m’occuper de la défense animale. Et je crois que j’aurais beaucoup de travail. C’est pour ça qu’il vaut mieux que je ne fasse plus de cinéma ».

Brigitte Bardot devient la voix des animaux, celle qui fustige leurs bourreaux et les pourchasse, faisant fi des obstacles et des menaces. Bardot joue ici le plus grand rôle de sa vie : celui d’une avocate hors pair qui réussit à faire bouger les lignes politiques, pour changer le sort de ces êtres. En 1977, en compagnie de l’écologiste suisse Franz Weber, elle suscite un grand intérêt lorsqu’elle défie le gouvernement canadien et les chasseurs de phoques. Déposée en hélicoptère sur la banquise de Blanc-Sablon, elle prend la pause avec un bébé phoque dans ses bras. Elle désire mettre en lumière la barbarie dont sont victimes ces blanchons, abattus pour leur fourrure. De retour en France, elle fait adopter l’interdiction du commerce de produits dérivés de la chasse sur les phoques ayant moins de quatre semaines, grâce au soutien de Valéry Giscard d’Estaing, alors président. La législation européenne s’adapte, elle aussi, pour faire cesser ces massacres d’animaux.

«J’ai donné ma jeunesse et ma beauté aux hommes, je donne ma sagesse et mon expérience aux animaux »

La création de sa propre fondation, en 1986, lui permet de mener plus efficacement ce combat pour les animaux. Lors d’un entretien avec Paris Match, retranscrit dans le livre de Caroline Pigozzi Pourquoi eux : ils ont fait notre époque, BB raconte les difficultés qu’elle a rencontrées pour la lancer. En effet, pour obtenir le statut de fondation, il lui faut réunir 3 millions de francs, alors qu’elle ne le peut pas, ayant dilapidé la majorité de ses gains de star. Elle organise donc une mémorable vente aux enchères de ses biens personnels. « Je me suis installée pendant deux mois sur le marché de Saint-Tropez pour vendre mes souvenirs, des bracelets, des colliers, rapportés du Brésil, du Mexique, des photos que je dédicaçais, mes jupons, mes chapeaux » dévoile-t-elle, avant d’ajouter : « Dans la foulée, j’ai mis aux enchères à Paris, les bijoux précieux que m’avait offerts mon mari Günter Sachs, ma robe de mariage avec Vadim, de l’argenterie, des meubles et même ma guitare ».

A lire aussi: Ennio, le maestro

C’est durant cette vente qu’elle prononce la célèbre phrase : « J’ai donné ma jeunesse et ma beauté aux hommes, maintenant je donne ma sagesse et mon expérience aux animaux. » Reconnue d’utilité publique en 1992, la Fondation Brigitte Bardot agit notamment contre la chasse, contre les expérimentations animales, contre le gavage des canards et des oies, contre l’abattage sans étourdissement, l’hippophagie, les spectacles d’animaux et leur captivité, la stérilisation des chiens et des chats…

« En donnant ma vie aux animaux, ce sont eux qui m’ont sauvé » déclare-t-elle à Vogue en 2021. Sa recherche d’absolu et de vérité se voit en effet comblé par ce dur combat. Si elle le mène encore aujourd’hui avec un infatigable et vif esprit, c’est parce que « les animaux ne peuvent pas attendre ». Quant au temple du cinéma, elle se réjouit d’y être entrée un jour, pour l’unique raison qu’il lui a donné une voix forte pour incarner celle des animaux. BB, être insaisissable, traquée un temps comme une bête, a aujourd’hui disparu de nos écrans, pour notre plus grande peine. Sa dernière apparition à la télévision, en 2003, dans une émission spéciale d’ « On ne peut plaire à tout le monde » présentée par Mac-Olivier Fogiel, s’était soldée en lourd procès à son encontre. Sa franchise, son dire vrai, ses excès ont choqué, mais c’est pour cela qu’elle a été, et sera encore tant aimée. Elle ne joue pas, elle est.

[1] Serge Gainsbourg: Making of d’un dandy, Marie-Christine Natta 2022.

Vérité BB

Price: 12,00 €

5 used & new available from

Pourquoi eux: Ils ont fait notre époque

Price: 24,00 €

39 used & new available from 2,65 €

Serge Gainsbourg: Making of d'un dandy

Price: 23,00 €

21 used & new available from 16,58 €



Vous venez de lire un article en accès libre.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !

Article précédent Mort sans la France
Article suivant Maestro!

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Pour laisser un commentaire sur un article, nous vous invitons à créer un compte Disqus ci-dessous (bouton S'identifier) ou à vous connecter avec votre compte existant.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération