Branle-bas de combat : « Anti mariage gay : au secours, ils reviennent », s’affolait Libé samedi. Le quotidien de la gauche bourgeoise et citadine panique-t-il à l’aurore du tour de France des « Veilleurs » ? Ces opposants ultrapacifiques à la loi Taubira ont démarré ce week-end un parcours initiatique qui les mènera à la rencontre du pays réel de Rochefort à Paris, avec un petit crochet par… Notre-Dame des Landes. Gaultier, la cheville ouvrière de ces lecteurs de Péguy, Weil ou Bernanos, explique avoir « l’intuition que les problèmes sociaux, économiques, écologiques et sociétaux sont liés, et qu’il est bon de dialoguer loin des vieux clivages idéologiques » (Le Figaro). Depuis l’hiver, quelques mauvaises langues murmuraient déjà que l’invraisemblable concentration de CRS aux abords des Manifs pour Tous avait desserré l’étau policier autour du bocage nantais. Les Veilleurs entendent-ils transformer une alliance objective en franche camaraderie ? Faut-il y voir l’indice d’une convergence des luttes, voire les prémisses d’un front uni contre la modernité foudroyante ? Minute les aminches, entre les défenseurs de l’ordre familial et les chasseurs de mystérieux fantômes homophobes ou transphobes (deux tristes espèces heureusement en voie de disparition…), la jonction n’est certainement pas pour demain. Songez qu’il y a encore quelques jours, afin de s’opposer à la construction du second aéroport nantais, des milliers de fêtards affluaient pour participer à une grande kermesse musicale aux sons de Tryo, Sanseverino et d’autres artistes dont la conscience écolo se borne à la promotion des drogues dites douces.
Que les tenants d’une décroissance intégrale se rassurent néanmoins : dans le grand affrontement entre l’homme et la technique, certains écologistes intégraux ne se résignent pas à la victoire du désir illimité au nom du combat contre les (introuvables) forces de la Réaction. Ainsi, Thierry Jaccaud, rédacteur en chef de L’Écologiste, a pris courageusement position contre le mariage et l’adoption plénière pour tous, synonymes de père et de mère à la carte (mais qu’on nous pardonne cet archaïsme crypto-fasciste, sans doute devrions-nous parler de « parent 1 » et « parent 2 », selon la terminologie légale aussi savoureuse que du crabe en boîte). « Le cas général de la filiation serait alors une filiation choisie et non plus une filiation biologique », argue Jaccaud, qui y perçoit un « mensonge anthropologique officiel incroyable dont on imagine aisément les ravages sur les enfants » puisque les notions de père et de mère biologiques disparaîtront bientôt des programmes scolaires.
Quelque part entre la tournée des Veilleurs et Notre-Dame des Landes, des esprits avancés ont compris que l’obsolescence de la famille biologique annonçait celle de l’homme. N’est-ce pas là le seul véritable humanisme qui vaille ?
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