C’était la cinquième fois que cette sanction était prononcée en France, et la première fois pour terrorisme. Analyse.
Il n’est pas facile de résister à la tentation de consacrer un billet par jour à ce mépris persistant manifesté à l’égard du RN et donc d’un certain peuple qui n’a pas l’heur de plaire à nos élites.
Je pourrais m’indigner sans cesse de l’obsession du Monde, dans ses éditoriaux comme dans ses analyses, à prendre acte de l’élection de 89 députés mais à la fois à leur dénier le droit d’être traités équitablement dans l’enceinte parlementaire. Je n’ai jamais bien compris pourquoi, sinon en raison du ressassement de l’exigence de la préférence nationale qui serait en contradiction avec les « valeurs républicaines ». Pourquoi ces dernières seraient-elles violées par l’affirmation d’un projet qui n’a rien de scandaleux et ne mérite tout au plus qu’une vigoureuse contestation politique ?
Un Mélenchon éructant que « la police tue » est beaucoup plus éloigné de la République que le RN mais le premier jouit d’une complaisance quasi générale pour ses insanités.
Que le Monde ose évoquer « un coupable coup de pouce à la notabilisation du RN » [1] est tout de même provocateur quand on a constaté par exemple la manière honteuse dont Eric Coquerel de LFI a été élu à la tête de la commission des Finances à la place d’un excellent candidat quoique RN. La lâcheté de LR, l’irresponsabilité de Renaissance et le retrait de Charles de Courson félicité par l’extrême gauche, ont permis cette grave entorse à l’équité.
Il m’est insupportable, moi qui ai toujours été étranger à tout vote FN-RN, de percevoir que, malgré la multitude ayant soutenu Marine Le Pen et envoyé tant de députés à l’AN, le RN soit stigmatisé comme s’il était interdit, par ceux de « partout » parce qu’il porte la parole souvent déçue et malheureuse de ceux qui sont de « quelque part » (pour reprendre la terminologie de David Goodhart).
La cour d’assises spéciale a condamné Salah Abdeslam, pour les attentats du 13 novembre, à la réclusion criminelle avec une perpétuité incompressible.
Si les réquisitions du ministère public à trois voix, remarquables et remarquées, n’ont pas été suivies à la lettre dans leur quantum pour tous les accusés, elles ont, en ce qui concerne Salah Abdeslam, convaincu. Cette sanction a été prononcée pour la cinquième fois dans notre pays et, pour la première fois en matière de terrorisme. On ne saurait trop insister sur le caractère décisif, parce qu’intelligent, structuré et persuasif, des argumentations développées par le parquet national antiterroriste. Rien n’aurait été possible sans cette base qui d’emblée a posé le débat et ses conséquences là où ils devaient être placés.
Une mort lente
Ce n’est pas à dire qu’après le 29 juin, on n’a pas commencé, ici ou là, chez certains chroniqueurs judiciaires, du côté de la défense et de quelques parties civiles se trompant de compassions, à discuter la nature incompressible de la perpétuité prononcée contre Salah Abdeslam dont on ne sait pas encore s’il va relever appel ou non.
Pour les deux avocats de Salah Abdeslam, aussi brillants qu’ils aient été selon les journalistes, leur offensive contre cette perpétuité incompressible relevait de l’exercice obligé sur « la mort lente », l’absence d’espoir, la rédemption niée. Comme s’il n’y avait pas un gouffre entre la vraie mort et la perpétuité laissant vivant.
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Pour qui a lu attentivement tous les comptes rendus de ce procès de dix mois (cinq à six mois effectifs), il a semblé que les variations contrastées de Salah Abdeslam, du silence à la parole rare, de la défense de l’islamisme à une vague repentance, relevaient plus d’une stratégie, d’une comédie, que d’une authentique sincérité. Il s’agissait en définitive de bénéficier des avantages d’un Etat de droit que par ailleurs on méprisait.
À partir de ce constat, j’ai vu dans l’énoncé de cette perpétuité incompressible – il aurait été tellement confortable, pour les magistrats, de ne pas l’édicter, ils auraient prévenu tout risque d’appel de Salah Abdeslam – la reconnaissance, enfin, d’une criminalité tellement particulière qu’elle échappait à tous les critères classiques. Elle met en évidence l’horreur de comportements ne se questionnant jamais et n’ayant qu’une envie derrière la façade : tromper les juges pour repartir de plus belle.
Absolue singularité
Accepter que ce terrorisme islamiste soit radicalement à part dans notre nomenclature criminelle rend vaines les considérations traditionnellement humanistes s’attachant à Salah Abdeslam comme s’il était un accusé ordinaire ; et bien naïfs les propos sur sa répudiation de la radicalisation.
Aussi cette perpétuité incompressible n’est pas seulement la conséquence de la gravité de ces scènes meurtrières multiples (prises par la juridiction comme un seul épisode mortifère et terroriste dont la responsabilité incombait à Salah Abdeslam vivant et jugé au même titre que les autres auteurs disparus) mais la confirmation qu’il ne peut y avoir de confiance dans le futur de cet accusé.
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Les échanges passionnants que nous avons eus dans les Vraies Voix de Sud Radio, le 1er juillet (vidéo ci-dessous), avec Patrick Baudouin de la Ligue des droits de l’Homme, butaient très précisément sur cette opposition entre sa volonté de ne pas sortir Salah Abdeslam du champ de l’univers criminel classique (il évoquait 22 ans de sûreté seulement !) et celle d’Eric Revel et de moi-même attentifs à identifier son absolue singularité.
Cette perpétuité incompressible est aussi un signe pour demain. Même si je ne crois pas à quelque impact pédagogique de la rigueur d’une sanction sur des accusés terroristes, il est cependant préférable que notre démocratie ait manifesté, par l’entremise de sa justice « spéciale », son souci, dans le respect entier et minutieux des formes, de ne rien céder à l’intimidation des porteurs fanatiques de mort.
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