Une tribune libre d’Anne Mansouret
« Avec Elisabeth Borne, enfin une femme Première Ministre (sic)…30 ans après Edith Cresson ! »
« Yaël Braun-Pivet, une femme en route pour le perchoir ! »
« Une femme, Aurore Bergé, pour la première fois présidente d’un groupe majoritaire à l’Assemblée Nationale ! »
Comme si l’imbroglio politique dans lequel nous a plongé l’incurie et l’inexpérience d’Emmanuel Macron ne pouvait se dénouer que par le coup de baguette magique d’un féminisme auto-proclamé salvateur.
Liberté, Egalité, Fraternité, IVG
Au terme d’un second tour de législatives peu glorieux pour la majorité présidentielle, toutes ces dames macronesses étaient à court d’éléments de langage… Lorsque survint, miraculeusement à propos le 24 juin 2022, la décision de la Cour Suprême états-unienne de révoquer l’arrêt Roe vs Wade de 1973 qui garantissait le droit confédéral des Américaines à avorter. Cette décision ne rend pas les interruptions de grossesse illégales, mais dorénavant, chaque Etat de l’Union sera libre de les autoriser ou non. Après que les médias bien-pensants se soient déchainés sur la Cour suprême, émanation d’une extrême-droite trumpiste arriérée et machiste, mobiliser les associations de farouches défenderesses des droits des femmes françaises fut l’affaire de quelques tweets. Aurore Bergé se glissa sans vergogne dans la tunique de Marianne pour proposer de graver l’avortement dans le marbre de la Constitution. Liberté, Égalité, Fraternité, IVG… Et en plus, ça rime !
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Cela rime peut-être, mais c’est constitutionnellement inconcevable à mes yeux, dans la forme comme sur le fond. La Constitution n’est pas une bible, où seraient énumérées des lois à « sanctuariser ». La loi est la loi. Il ne saurait y avoir de lois « sanctuarisées » versus des lois « sécularisées ». Pourquoi ne pas « sanctuariser » les droits de l’Enfant ou ceux des Animaux, la loi Dalo ou les droits des personnes en situation de handicap ?
En outre, la Constitution s’impose à l’ensemble des citoyens, à tous les concitoyens de la République française. Pas à des hommes ou à des femmes, essentialisés par leur sexe, leur « genre » ou leur utérus, comme il conviendrait de qualifier les choses aujourd’hui. Or, jusqu’à démonstration du contraire, l’avortement ne concerne que les femmes.
Féminisation toxique du débat national
Je trouve extrêmement choquant ce déni implicite du mâle, que l’on constate une fois de plus dans la volonté de constitutionnaliser l’IVG, acte exclusivement réservé aux femmes. Parce qu’enfin, contrairement à ce que proclament, l’air martial, ces néo-suffragettes, si « leur corps leur appartient », l’embryon qu’elles portent « appartient » pour 50% à l’homme avec lequel elles se sont accouplées. Sur les millions de spermatozoïdes éjaculés par cet homme, un seul, en se nichant dans l’utérus de cette femme, pourra donner naissance à un individu à part entière. Un individu unique, composé pour moitié de l’ascendance de chacun de ses géniteurs.
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C’est d’autant plus paradoxal que le père joue aujourd’hui un rôle très « maternel » auprès de son enfant. Les nouveaux papas s’occupent bien davantage de leur progéniture qu’ils ne le faisaient dans les générations précédentes, et le lien qui se tisse ainsi vient renforcer le rapport patriarcal traditionnel.
L’avortement ne concerne pas que les femmes
Faire de l’être humain en devenir qu’elle porte, la « chose » exclusive de la femme me paraît injuste et déséquilibré. Si je conçois parfaitement qu’une femme ne souhaite pas avoir d’enfant, il me semble qu’un large éventail de méthodes de contraception, voire « la pilule du lendemain » lui permettent d’éviter le recours à l’avortement… S’agissant bien sûr d’une relation consentie non issue d’un viol, d’un inceste ou d’une malformation pathologique de l’embryon.
Je voudrais revenir enfin sur l’esprit de la loi Veil, qui me semble avoir été galvaudé.
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Simone Veil dans son propos introductif à la loi qui porte son nom, n’a jamais considéré l’avortement comme un mode de régulation des naissances. Bien au contraire, elle a insisté sur le fait « qu’aucune femme ne recourt de gaité de cœur à l’avortement ». Dans son discours, devenu un modèle de l’art oratoire de la controverse, elle a souligné clairement son intention de dépénaliser l’avortement tel qu’il se pratiquait alors, c’est-à-dire au prix de risques médicaux et légaux considérables pour la praticienne comme pour la jeune femme qui y avait recours.
La lecture des commentaires sur les réseaux sociaux d’aujourd’hui ne reflète plus la même réserve. Nombre de jeunes femmes considèrent que l’IVG est un acte banal : on se « débarrasse » d’une grossesse comme de ses kilos superflus avant les vacances d’été. Et ça coûte moins cher que des prothèses mammaires ou des implants fessiers, qui ne sont pas pris en charge par la Sécurité sociale !
Cette banalisation d’un acte qui reste d’une extrême violence, me paraît d’autant plus grave qu’un nombre croissant de jeunes femmes, atteintes de pathologies comme l’endométriose, ne pourrons jamais connaître le bonheur d’enfanter.
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