L’Iran a officiellement un nouveau président : Hassan Rohani a été investi le 3 août dernier. Élu le 14 juin 2013, le successeur du très critiqué Mahmoud Ahmadinejad avait apporté son soutien aux opposants qui dénonçaient les élections truquées de 2009 destinées à lui faire conserver le pouvoir. L’homme est présenté comme un modéré en Occident, mais le sort des chrétiens ne connaîtra probablement pas d’amélioration notable sous sa présidence.
Depuis la Révolution de 1979 qui a renversé le Shah, l’Iran est une théocratie, avec un partage du pouvoir entre les religieux et les élus du peuple. Le christianisme y est plus ou moins toléré, essentiellement pour la façade politique du pays à l’international. Dans les faits, les chrétiens ne peuvent utiliser la langue nationale, le farsi, lors de leurs cultes le vendredi, jour férié, ce qui les pénalise dans l’expression de leur foi – seuls les Assyriens et les Arméniens, communautés historiques, échappent alors à la difficulté puisqu’ils utilisent leurs propres langues vernaculaires lors de leurs rencontres ecclésiales. Les arrestations de chrétiens sont courantes, et des témoignages font part de tortures à leur encontre en prison. Gravement malade, le pasteur Behnam Irani, officiellement arrêté pour « activités contre la sécurité nationale », subit une hypocrite sentence capitale dans sa cellule, en ne recevant aucun traitement médical. Le pouvoir fait pression sur les églises pour obtenir les noms des chrétiens. Et surtout, l’Iran a fait parler les chancelleries occidentales, principalement l’Allemagne, en condamnant à mort le pasteur Youssef Nadarkhani avant de le relaxer sous la pression internationale. Cette politique de discrimination et de persécution ne devrait pas changer avec la nouvelle présidence, le pouvoir appartenant aux religieux, et Rohani n’étant pas plus favorable à la liberté de culte que ses prédécesseurs.
Si le peuple iranien choisit ses députés ou son président, la souveraineté ne réside ni dans ce peuple ni dans le Parlement, mais est censée être divine. Au pouvoir civil se superpose celui des religieux, application de la théorie du velayat-e faqih (le gouvernement du docte juriste), le vrai pouvoir est entre les mains du clergé chiite, précisément du Guide de la Révolution, (valiy-e faqih) actuellement Ali Khamenei, et du Conseil des Gardiens, les fameux pasdaran.
Le Guide suprême de la Révolution, qui est désigné par 86 experts, décide de la politique étrangère, militaire, et surtout, en matière intérieure, il contrôle le pouvoir judiciaire dont il nomme le chef pour un quinquennat, le procureur général et le chef de la Cour suprême. Et le pouvoir judiciaire dominé par le Guide propose au Parlement les noms de la moitié des douze membres du Conseil des gardiens de la Révolution, l’autre moitié étant nommée par le Guide lui-même. Ce conseil totalement acquis au valiy-e faghih vérifie que les lois ne se posent pas en porte-à-faux avec la Constitution et l’islam.
Dans une telle situation théocratique, le sort des minorités religieuses non chiites est délicat, l’islam étant la religion de l’Etat et l’intolérance étant défendue jusque par la justice soumise au clergé. Les études de Rohani dans une université britannique, ainsi que sa maîtrise de plusieurs langues occidentales ne changeront que peu de choses, sinon rien, au quotidien politique, judiciaire et administratif des chrétiens, d’autant que si Rohani est décrit comme modéré, n’oublions pas que la valeur de cet adjectif reste relative. Le nouveau président est apparemment un modéré par rapport à Ahmadinejad, cela n’en fait pas de facto un démocrate chevronné. D’ailleurs, sa politique étrangère souligne qu’il entend poursuivre la même diplomatie : sa position sur le dossier nucléaire et son refus de l’existence d’Israël le situent dans la continuité de son prédécesseur.
Signe de continuité, même après l’élection du nouveau président, la justice n’a pas amorcé un virage plus clément et moins intolérant, ne cherchant pas à plaire à l’avance au successeur d’Ahmadinejad. Les condamnations de chrétiens n’ont pas cessé, huit membres du plus grand mouvement d’églises clandestines ont été condamnés à plusieurs années de prison, à la mi-juin, allant de une à six années, toujours officiellement pour « action contre la sécurité nationale et propagande à l’encontre de l’ordre établi ».
Privé de soins dans sa cellule où il se meurt d’un ulcère à l’estomac, le pasteur Behnam Irani, pourrait bien décéder, enfermé, sous la présidence du « modéré » Rohani qui, même s’il se prenait de sympathie pour les droits de l’homme dont ceux des chrétiens, ne pourrait rien changer seul à sa situation.
*Photo : Majeedshots.
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