Après la décision de la Cour suprême aux États-Unis de révoquer le droit à l’avortement, en France, Aurore Bergé, la chef de file des macronistes à l’Assemblée, a proposé de constitutionnaliser ce droit.
Nos politiques sont décidément impayables. Alors que le pays traverse une crise institutionnelle complexe, faute de majorité parlementaire pour l’exécutif, voilà qu’ils nous sortent un lapin de leur chapeau : et si on changeait la constitution pour graver dans le marbre le droit à l’avortement ?
Il faut croire qu’il n’y a rien de plus urgent. La dette, la guerre, l’inflation, l’école, l’hôpital, la sécurité, l’immigration. Broutilles que tout cela ! Il faut toutes affaires cessantes réagir à la décision de la Cour suprême des Etats-Unis qui, comme chacun sait, vient de rendre un avis permettant aux Etats de décider, ou pas, s’ils maintiennent le droit à l’IVG. Ce qui, comme chacun devrait le savoir, constitue une menace directe contre les libertés et les lois françaises.
Le piège se referme sur la droite
Cette proposition, qui émane du parti gouvernemental, mais à laquelle fait écho une proposition semblable de la Nupes, est à l’évidence surprenante, incongrue, voire un peu ridicule. La loi protège chez nous le droit à l’IVG, et il n’y a pas péril en la demeure. Aucun parti politique ne souhaite d’ailleurs que cela change. Et puis, une constitution peut aussi très bien se changer. Alors pourquoi ?
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À bien y réfléchir, cela sent vraiment le coup (fourré) politique. Même si on ne sait pas trop qui de LFI ou de LREM a dégainé le premier, il semble que les deux y trouvent leur compte.
Pour le gouvernement, c’est évident : il s’affirme comme grand défenseur des libertés et du féminisme. Madame Borne a ainsi déclaré que le gouvernement soutiendrait « avec force cette proposition de loi. Pour toutes les femmes, pour les droits de l’homme (…) Le Parlement doit pouvoir se retrouver largement autour de ce texte ». S’il s’agit des droits de l’homme, alors il n’y a rien à opposer à cela…
Un premier texte susceptible de rencontrer une majorité, c’est par ailleurs le moyen d’enclencher une bonne dynamique. Évidemment, au RN, des infréquentables ne suivront peut-être pas le mouvement, mais c’est justement cela qui est intéressant, pouvoir les faire passer pour des ennemis de la liberté, sans en avoir l’air… Quant à LR, on verra bien, cela va les forcer soit à passer pour des rétrogrades conservateurs, soit pour des godillots de LREM…
Bon pour l’image
L’important, pour le gouvernement, c’est d’apparaître comme à l’initiative sur ce sujet, et capable de créer du consensus. La gauche est évidemment pour. Et s’entendre avec la gauche sur des thèmes sociétaux, c’est toujours bon pour l’image. La Nupes, qui entend bien sûr garder son leadership progressiste sur ces thèmes, et ne peut pas laisser le gouvernement tirer pour lui seul cette couverture féministe, proposera inévitablement sa propre version du texte à ajouter dans la constitution.
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Une remarque importante : l’initiative venant du parlement, nous nous trouvons devant une « proposition de révision ». Le changement constitutionnel doit d’abord être approuvé par les deux chambres en termes identiques, à la majorité simple, mais sans que l’Assemblée puisse l’emporter sur le Sénat comme pour les lois ordinaires. Enfin, ce qui corse l’affaire et que personne ne semble avoir remarqué, c’est que, s’agissant d’une « proposition », le Conseil Constitutionnel précise bien : « Pour les propositions de révision, le président de la République doit nécessairement les présenter au référendum ».
Est-ce que nous nous dirigeons vers la grande affaire d’un référendum ?
Voilà qui serait le bouquet final d’une période électorale ahurissante à tous points de vue !
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