Un gouvernement de cauchemar
Ma Cousine, je vous apporte par la présente une excellente nouvelle et une désolante information. La nouvelle, qui m’a réjoui au-delà de tout et vous comblera d’aise, la voici : Mélanchthon a fait chou blanc ! Je veux dire qu’il n’aura triomphé que dans ses rêves de Pompée d’arrondissement. Comme le grand romain, il avait manifesté une belle aptitude dans la disposition des troupes ainsi que dans leurs mouvements sur le terrain : sa manœuvre audacieuse d’encerclement nous fit croire qu’il allait étouffer ses adversaires. Et surtout, par la fabrication d’une arrogante adresse au peuple, qui défiait les coutumes et la loi, il nous persuada qu’une ruse pouvait produire l’effet d’une vérité : ayant encore échoué à prendre légalement le trône de France, il prétendit que, par les élections législatives, il obtiendrait directement du peuple le poste de Premier ministre, alors que cet établissement procède de la seule volonté du roi, certes éclairé par le verdict des urnes.
« Élisez-moi » ou « Élysez-moi » ?
« Élisez-moi Premier ministre ! », disait une affiche, où figurait un Mélanchthon à l’air affable. Je reconnais volontiers que ces placards, qui couvrirent rapidement les murs de France, ne manquaient pas d’un certain humour épicé d’un peu de sédition : l’affaire doit se conclure entre le peuple et celui qui prétend l’incarner ; pour cela, elle ne saurait s’encombrer des prétendues prérogatives d’un monarque démonétisé !
Mais cette construction menaçait autant qu’elle distrayait, et l’on s’aperçut bien vite qu’elle dissimulait fort mal les chimères furieuses d’un politicien aigri, pressé par l’âge de réussir enfin à s’emparer d’un sceptre royal, qui ne lui était destiné ni par la naissance, ni par la formation intellectuelle, ni même par la place qu’il occupait dans le Parti partageux, qu’il avait quitté pour fonder La montagne éruptive. Au reste, il suscitait des sentiments compliqués chez ses anciens compagnons : nombre d’entre eux, qui lui reconnaissaient un vrai talent d’orateur, s’étaient lassés de ses foucades comme de ses emportements, et l’on sait que Gouda Ier, prédécesseur de McCaron à l’Élysée, le moquait publiquement.
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Mais revenons à l’essentiel : je vous disais que Mélanchthon avait doublement échoué ; le peuple ne lui accorda ni un triomphe à l’Élysée, ni une victoire à Matignon. C’est ainsi qu’il ne fut ni César, ni Pompée ! Ses véhémences de préau, ses grossièretés de rue, sa physionomie fréquemment agitée d’un bouillon de colère qui lui fait le masque, burlesque autant qu’effrayant, d’une marionnette japonaise du théâtre Nô, ont diverti les membres de sa secte et tous ceux qui prendraient volontiers leurs dividendes dans le chaos suscité par son exercice du pouvoir ; elles ont aussi dégoûté nos compatriotes de se prononcer en faveur d’un histrion incontrôlable, dont les foucades, les dérèglements, les injures, les menaces signalent un désir de revanche, ou, pire, de vengeance. Cependant, j’affirme que Mélanchthon a échoué une fois de plus. Il ne pourra pas lancer à la cantonade, l’œil exorbité, les lèvres trempées d’une salive de matador de cirque : « Le royaume, c’est moi ! ».
Des sectaires à cocarde
C’était la bonne nouvelle, mais voici la mauvaise : retenez, je vous prie, vos emportements, ne brisez aucun des précieux bibelots qui peuplent vos vitrines, et surtout, surtout, épargnez, je vous en conjure, ce rare vase céladon de provenance coréenne, d’au moins huit-cents-ans d’âge, qui se trouve dans votre chambre : parmi les nouveaux élus, je retiens (et c’est pourquoi je redoute un éclat de votre part) la femme Garamécro (son compagnon, Andrea Mourjaunes, retrouve son siège dès le premier tour), la femme Siphonnet, Victorine Ploquin (ces trois-là paraissaient dans ma dernière lettre) et Louise Paletot. Ils entrent à la Chambre des députés ! La Garamécro court les rédactions et les places publiques, saute d’un fauteuil à un tabouret : elle se pavane, elle annonce, elle proclame, elle prétend… Ajoutez à ce paysage désolant Alexandrine Woke, navrant bas-bleu, gonflée de certitudes, qui devient mauvaise à la moindre contrariété. Or, elle est perpétuellement contrariée !
Et derrière, un cortège de sectataires à cocarde qui ne voudra pas seulement se faire entendre mais aussi, mais surtout, faire taire tous ceux qui ne parleront pas sa langue. Cette masse est grosse d’une menace, qui s’avance encore sous l’aspect débonnaire de la promotion sociale légitime et nécessaire. Ces gens sont dangereux, je le maintiens, qui n’ont que le bien à la bouche et, dans les mains, de quoi vous faire mal. Mélanchthon, dans la coulisse, tire les ficelles de la farce dangereuse…
Confidences royales
Un soir où je méditais sur l’avenir sombre de ce royaume naguère heureux, j’imaginai la victoire de la Montagne éruptive, et de ses alliés (!) : entendez mon récit. Après que le roi a nommé le Grand Acariâtre premier ministre, les choses sont allées très vite. Mélanchthon a soumis (!) la liste des ministres (soufflée à son oreille par la redoutable Joséphine Chipirou) à l’Élysée ; il paraît que McCaron a bien ri à sa lecture, d’un rire qu’un esprit malicieux aurait pu regarder comme d’approbation. D’ailleurs, je tiens d’un huissier largement rémunéré par mes soins, les propos qu’il a tenus à l’ineffable Nestor Mancpa d’Air, son premier secrétaire : « Ce corbeau de tribune, cet éructant de trottoir et sa bande vont précipiter la réussite de mon projet. J’ai rudement bien fait de les considérer au lieu de les combattre. Ils sont mes meilleurs alliés. Ensemble, nous avons dénoncé – mon petit Mancpa d’Air retenez vous de rire ! – « la menace contre-révolutionnaire », ensemble nous l’avons combattue, et nous avons triomphé. On dit toujours de Mélanchthon qu’il est redoutable : je le tiens pour un besogneux, s’abritant derrière l’insulte ou le mépris lorsqu’il est en mauvaise posture. Prenez Alric-Léon Zazamor : ce virevoltant farfadet a dominé la premier débat qui les opposa l’an dernier. Preuve que Mélanchthon manquait d’assurance, il avait dressé une barricade de notes entre lui et son contradicteur, lequel ne disposait même pas d’un feuillet sur son pupitre. L’insurgé des antichambres se réclama immédiatement d’une règle du jeu honorable : il souhait que la soirée ne fût ni une rencontre mondaine, ni un combat de coqs. En vertu de ces beaux principes, il se vautra sans tarder dans l’invective. Ne jetez pas la pierre au naturel, Jehan-Lucilien est derrière ! Il manie l’intimidation physique en face d’un policier, que sa discipline contraint au silence ou à une réponse courtoise devant un représentant de l’État (1). Mais lorsqu’il rencontre une vraie résistance, il s’échappe, il jappe à la manière d’un roquet de salon. Voyez, Mancpa d’Air, cet exemple : le chevalier de Lordanlsac, alors ministre des Finances de Gouda Ier, l’avait littéralement écrasé, assommé d’arguments et d’ironie. Il est vrai que le chevalier était l’un des plus fameux bretteurs de son temps, et un homme des plus brillants, affûté comme la lame du poignard d’un mahométan momentanément privé de ses facultés de raisonnement. Hélas ! Il aimait l’argent. Vous aimez l’argent, Mancpa d’Air ? Non, bien sûr… Quant à moi, je crois qu’une canaille intelligente et dénuée de méchanceté est bien plus utile au royaume qu’un imbécile plein de scrupules. Mais foin de tout cela, prenez cette liste et délivrez-en le contenu aux gazettes. »
Le cabinet de Mélanchthon
Vice Premier ministre bis, avec les mêmes attributions que M. Mélanchthon, chargée de contrôler l’action des ministres : Joséphine Chipirou.
Ministre de la police, chargé de la réforme de la doctrine policière, de veiller au remplacement de l’arme individuelle de service par des lance-pierres modifiés (jet de bombe à eau claire), à celui du bâton noueux par une badine dite « frileuse », également chargé de la surveillance du comportement des policiers par des cadres de La Montagne éruptive (le monarque a précisé qu’il était certain que le ministre agirait dans toutes ces missions avec le zèle du courtisan qu’il avait démontré depuis toujours ) : Marius Patelin.
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Garde des sceaux, ministre de la justice, des dénonciations de crimes et délits très graves sans dépôt de plainte et longtemps après : Edouard Pleindair.
Ministre de l’air pur, spécialement chargé de veiller à la végétalisation des cours d’école et de lycée, également et exceptionnellement chargé de la mode féminine en milieu aqueux de nos compatriotes musulmanes : Alphonse Piètre.
Ministre de l’aigreur nationale : Victorine Ploquin.
Ministre des pets, du bon goût et de l’esprit de courtisanerie, chargée par surcroît de la célébration des mérites de Jehan-Lucilien Mélanchthon : Rédégonde Garamécro.
Ministre de la Nouvelle condition des femmes, chargée de la rédaction et de la mise en place rapide de la Charte dite Inclusive, destinée à se substituer dans les plus brefs délais au code Napoléon, funeste héritage de la domination blanche ; chargée du contrôle des comportements domestiques et de faire respecter sur tout le territoire l’interdiction de la fabrication, de la vente et du recel de sous-vêtements affriolants et des bas résille : Alexandrine Woke.
Secrétaire d’État auprès de la ministre de la Nouvelle condition féminine, chargée de la mission dite « sous l’édredon » consistant dans la surveillance des positions de l’un et de l’autre pendant le coït, avec délivrance dans tous les foyers du Nouveau code amoureux, rappelant l’interdiction des pratiques dites du vieux mâle blanc telles que la gâterie buccale, ou encore la position dite de la levrette, certes très appréciée par une majorité de femmes mais désormais contraire aux principes de la NEP (Nouvelle Économie de la Pénétration) ; chargée aussi de mesurer le niveau de moralité « inclusive » dans les Conservatoires de musique (2) : Caroline de Vergelasse (surnommée à cette occasion par le faubourg « L’œil de Moscul »).
Ministre de l’information, chargée plus spécialement de répartir équitablement le temps de parole entre les gazetiers favorables au gouvernement : Laure Rizette.
Secrétaire d’État à l’information, chargée d’examiner attentivement et de sanctionner les excès de langage des députés légitimistes et conservateurs, ainsi que des sénateurs, maires et de tous les élus de ce bord : Elsa Salami.
Ministre de la culture militante et du spectacle vivant, principalement chargée de la réouverture des jeux du cirque avec présence active de lions et d’opposants au gouvernement : Louise Paletot.
Ministre des universités, des écoles et de la jeunesse, chargé de former les écoliers à l’observance des codes et des principes de La Montagne éruptive ; chargé encore de l’apprentissage précoce de l’écriture inclusive, de la rédaction et de la mise en place dans les plus brefs délais du vade-mecum du Nouveau Jeune Français (NJF) : Andrea Mourjaunes.
Ministre des Affaires étrangères, chargé de porter la parole miraculeuse du Premier ministre et d’inaugurer une politique de confiance avec les terroristes en vue d’établir avec eux des relations amicales (doctrine Garamécro, 3) et de réfléchir à une Journée de réconciliation avec les Amis de la Terreur : Augustin Ritournelle.
Un fâcheux ?
Sommes-nous condamnés à cinq ans de pénitence, de querelles outrées, de protestations hargneuses sur un ton sans réplique et de poings brandis, cinq années de parades, cinq ans de purgatoire dominés par le sieur Ritournelle, agité, apoplectique, par la Garamécro, son coussin péteur (4) et par Mourjaunes, son mari, couple prospère et bruyant, cinq ans avec Alexandrine Woke et ses illuminations ? Quel péché majeur avons-nous commis ? Le candidat préféré des gazettes conformistes a su se maîtriser jusqu’à présent. Toutefois, il a brandi un doigt vengeur vers les policiers « factieux », et il a produit récemment, un lapsus, ce patinage de la langue, son glissement inattendu provoqué par notre psyché folâtre (5). C’était plaisant. Fâché, factieux : on ne lui connaît pas l’usage du mot « fâcheux ». Il est vrai que ce seul vocable suffit à son autoportrait.
Vous jugerez, ma cousine, du mauvais esprit qui est le mien. Qu’y puis-je ? Je comprends les révoltés, j’aime moins ceux qui vivent de leurs révoltes.
Mais j’entends le trot ferré des chevaux dans ma rue : la malle-poste sera au pied de mon immeuble dans quelques minutes. Qu’ai-je oublié de vous confier ? Trop de choses, assurément, et surtout de celles, croustilleuses, qui vous émoustillent et que vous cherchez, en priorité, dans mes lettres. Que dire ? Ceci : je vous ai élu femme de ma vie, non pas la seule, mais assurément l’unique et non point ma propriété. Je renouvelle mon acte de foi, et j’aspire à glisser avant longtemps mon bulletin de vote dans votre urne.
Notes :
1) Alors qu’elle dirigeait encore la société EGAE, Caroline De Haas avait été mandatée pour enquêter sur les comportements des professeurs et des élèves du Conservatoire National de Paris. Ses méthodes pour le moins discutables, qui avaient abouti à de graves accusations d’agression sexuelle sans preuve contre la personne d’un professeur, furent révélées par Peggy Sastre dans un retentissant article du magazine Le Point. Mme De Haas se déclara victime d’une campagne d’extrême-droite…
2) Voir l’épisode de la perquisition au siège de LFI
3) Raquel Garrido a prétendu qu’Éric Zemmour interdisait, par ses propos polémiques, à nos compatriotes de trouver « le chemin vers la réconciliation, y compris avec les terroristes » (14 novembre 2021, BFMTV).
4) Au cours d’une émission diffusée par CNews le 12 juin, Raquel Garrido a démontré une fois de plus son inébranlable mauvaise foi, alors que Gabrielle Cluzel la priait de présenter ses excuses à Stanislas Rigault, candidat malheureux du parti Reconquête, qui venait de féliciter Alexis Corbière pour sa victoire au 1er tour des législatives. On se souvient que Rigault, dans l’émission TPMP, à C8, qui accueillait Eric Zemmour, avait refoulé sans ménagement M. Corbière, placé 1m derrière lui et qui le harcelait, lui prédisant la défaite : « Le parlement, c’est bientôt terminé pour vous ! », avait-il lancé à l’insoumis, bouche bée. Après l’émission, dans la coulisse, le jeune homme avait été insulté grossièrement par Raquel Garrido. Des excuses de la part d’une Garrido ? À Gabrielle Cluzel qui insistait (« Je le dis ici : je n’aurais jamais eu vos mots vulgaires […]»), elle rétorqua : « Ah ? Et vous ne pétez pas non plus la nuit dans votre lit ? ».
5) « S’il y a des fachos qui ne sont pas trop fâchés, mieux vaut qu’ils votent pour nous que de rester à la maison ou de voter pour Marine Le Pen, cela ne sert à rien » : propos tenus par Jean-Luc Mélenchon, journal de France 2, le 13 juin, qui reprenait en commettant un lapsus, un slogan de sa campagne de 2021, c’est à dire une invitation aux « fâchés pas fachos » à glisser un bulletin dans l’urne en sa faveur. Il a reconnu son erreur et présenté ses excuses.
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