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PATIENTS CONTRE MALADES
Mercredi 29 mai /« Docteur, un chien m’est rentré dans l’œil !
Est-ce qu’il est ressorti ? »
Christophe, l’inventeur de La Famille Fenouillard, du savant Cosinus et du sapeur Camember, avait visiblement un lourd passif avec les médecins. Il avait même, si j’osais, une dent particulière contre les dentistes, à en croire les aventures du redoutable Dr Max Hilaire, arracheur de dents même pas menteur.
Il faut dire à sa décharge que ce bon docteur sortait raide fou d’un asile où il avait été interné sain d’esprit… La médecine toujours, et psychiatrique en plus ! Plutôt un chien dans l’œil !

NAZIS CONTRE FASCISTES
Mardi 4 juin / Le quizz de Jean-Christophe Buisson :
« Qui a inventé les camps de concentration pour nazis ?
Le chancelier « austrofasciste » Dollfuss, dès 1933. »
C’est ce qu’on apprend – ou que l’on se remémore, pour les plus cultivés d’entre nous – entre mille autres anecdotes savoureuses ou sanglantes, dans Assassinés, le dernier livre de Jean-Christophe Buisson. L’auteur y raconte la fin tragique de quinze hommes d’État zigouillés dans l’exercice de leurs fonctions, et souvent pour de mauvaises raisons, de César à Ceausescu en passant par Henri III et Nicolas II.
Des quinze, Dollfuss est sans doute le moins célèbre, malgré ou à cause de l’originalité de son histoire. Le combat fachos-nazis n’entre pas vraiment dans les grilles de lecture contemporaines ; il n’en fut pas moins réel, et parfois mortel.
Sitôt le chancelier Hitler arrivé au pouvoir en Allemagne, son alter ego autrichien s’allie à Mussolini pour contrer les projets d’Anschluss du Führer – qui figuraient déjà dans ses « 30 engagements » de novembre 1932.
En politique intérieure, Dollfuss ne se montre guère plus conciliant : dès juin 1933, il dissout le parti nazi local et, pour faire bonne mesure, expédie dans des camps de concentration 5000 de ses membres.
Eh bien apparemment, ça n’est pas encore suffisant ! Un an plus tard, un putsch « austronazi » échoue de justesse et Dollfuss y trouve la mort – dans des circonstances dramatiques dont je ne peux rien révéler. L’ami Buisson vous les contera bien mieux que moi.

HITLER, MAL ÉLEVÉ
Mercredi 5 juin / En relisant mes notes d’hier, je me dis : quand même, cette Seconde Guerre mondiale, on ne l’a pas volée !
Jusqu’en 1936-1937 au moins, nous autres les démocraties avions les moyens de ramener à la raison le Führer, qui n’était pas encore devenu complètement fou.
Comment je le sais ? Mais parce que le 7 mars 1936, quand il a remilitarisé la Rhénanie, il avait donné ordre à ses troupes de se replier aussitôt si l’armée française bougeait le petit doigt.
Mais pensez donc ! Elle avait la tête ailleurs, la France, en plein week-end et à six semaines d’élections historiques qui allaient porter au pouvoir le Front populaire.
Tenir jusque-là était bien légitimement l’unique souci du gouvernement intérimaire Sarrault-Flandin. Dans ces conditions, pas question pour lui de se lancer dans une guerre, ni dans une mobilisation générale, ou même partielle.
L’état d’esprit pacifiste qui prévaut alors dans l’opinion est bien résumé par le Canard, qui s’amuse de ce non-événement dans les deux encadrés rouges de sa « une » – qu’on appelait ses  « oreilles » : « Scandale en Rhénanie… » annonce la première ; « … L’Allemagne envahit l’Allemagne ! » rigole l’autre. Goebbels n’aurait pas trouvé mieux.[access capability= »lire_inedits »]
Quant à Hitler, apprenant le succès de l’opération, il bondit de joie : « Nous sommes vraiment des aventuriers ! » De fait, l’ « aventure » ne fait que commencer… Le succès de son bluff gonfle l’hubris d’Adolf, et fragilise d’autant un « Surmoi » déjà faible de constitution.
Du coup, le « Ça » se transforme en loup et, à partir de 1938, ses pulsions carnassières vont franchir les bornes du simple pangermanisme pour s’étendre à un « espace vital » illimité. Anschluss, Sudètes, interlude comique de Munich, Bohême-Moravie : la tournée 1938-1939 est triomphale, à tel point que Hitler envisage une date supplémentaire à Dantzig.
Mais pour avoir son morceau de Pologne saignante, le loup se sent obligé de pactiser avec l’ours. Ultime preuve de lucidité ? Pas vraiment : la peau de l’URSS est déjà en vente pour après…
Sans doute est-ce à ce moment-là que le Führer a définitivement pété les plombs sur l’air de I Am The World, n’écoutant plus que sa Volonté de puissance intérieure. « Les autres ? Des sous-hommes ! Ne se sont-ils pas couchés dix fois devant moi ? Staline, c’est différent : un adversaire de taille, certes, mais à ma mesure, et le seul ! »
La pire folie du Führer, comme dirait Jerry Lewis, c’est d’avoir cru pouvoir « boucler le dossier URSS » entre juin et le déjà fameux hiver russe… En revanche, son incrédulité concernant l’ouverture d’un deuxième front à l’Ouest s’explique.
Face à ses provocations de plus en plus grossières, nos démocraties n’ont jamais réagi que par des discours, motions et autres cours d’aérobic. Soudain, voilà que la France et la Grande-Bretagne décident d’honorer leurs engagements internationaux, et en l’occurrence leur traité d’alliance avec la Pologne.  Comment Hitler aurait-il pu prévoir ça ?
Notez bien que je ne le défends pas !  Je suggère juste, comme la plupart des autres historiens sérieux, que nos démocraties ont une lourde part de responsabilité dans la montée de l’hystérie nazie.
Si Hitler, tellement précautionneux au début, a fini par nous compter pour du beurre, c’est qu’il avait mis les doigts dedans sans être réprimandé de 1933 à 1939, quand il n’était encore que petit chancelier. C’est bien connu : « Tout se joue avant six ans » !

ON L’APPELAIT « POULOU »
Vendredi 7 juin / À l’occasion de la Journée spéciale qui lui est consacrée sur France Culture, on en apprend de belles sur l’enfance d’un Sartre ! Avant de se décider à faire penseur, le jeune Jean-Paul avait rêvé d’une tout autre carrière : acteur, chanteur ou comique…
Le mieux, c’est que ça a failli marcher ! Sous le nom de scène de « Poulou », et avec pour agent Paul Nizan s’il vous plaît, il avait commencé à se produire ici et là, et notamment lors de la Revue des élèves de l’ENS – où dans le rôle du directeur, M. Lançon, il fit, paraît-il, un triomphe.  « Sartre aurait voulu être Maurice Chevalier ou Chaplin », résume France Culture. De fait, c’eût été préférable pour tout le monde.

ÉCOLE BUISSONNIÈRE
Samedi 15 juin / Après Jean-Christophe Buisson, venons-en par ordre alphabétique à Patrick, qui donnait l’autre week-end une longue et intéressante interview au Monde (daté du 9/10 juin).
Ce qu’il y a de sympa avec l’« école buissonnière », c’est qu’elle tient pour nul et non avenu le magistère moral exercé par le camp du Progrès – qui n’a pas commencé à nous gouverner en 2012.
« La véritable tradition est critique », comme disait Maurras ; et Baudelaire réclamait déjà, en addendum aux Droits de l’homme, « le droit de se contredire et le droit de s’en aller ».
Une telle évasion pourrait bien mener, par des sentiers côtiers peu fréquentés, vers d’étonnants belvédères. Et tant pis pour les autres, s’ils préfèrent continuer d’ânonner en chœur une Vérité qui n’est que mensonge, et de haïr en cadence un Goldstein qui n’est autre qu’eux-mêmes.
Plutôt prendre l’air avec Buisson ! Mais pourquoi faut-il qu’à tous les croisements, à tout prix, il veuille nous ramener vers Sarkozy, le sens unique, « l’ultime recours » ?
Moi je veux bien, mais recours contre quoi, et au nom de quoi ? Et puis, comment dissiper cette tenace impression de déjà-vu ? Si vraiment il s’agit, par un habile détour, de nous ramener en classe pour redoubler le quinquennat précédent, je préfère garder la chambre.
Reste que Buisson n’est pas un vulgaire communicant à Rolex. Entre deux figures imposées, il trouve le temps de citer Mark Twain : « Les gens de gauche inventent des idées nouvelles ; quand elles sont usées, la droite les adopte. »
La différence entre eux, je suppose, c’est que Twain ne bossait pas pour Sarko. Quant à Buisson, j’imagine, c’est par tempérament qu’il a choisi l’influence plutôt que le pouvoir. Mais quelle influence, au juste, si « son » Président ne fait appel à lui qu’au moment des échéances électorales ?
Elles sont nombreuses, vous me direz. Mais entretemps, il s’agit quand même de gouverner ! Et accessoirement, si l’on aspire à être réélu, de faire au moins un peu de ce que l’on a promis, et peut-être même un doigt de ce qu’on a laissé entendre – que ce soit sur la « racaille », la croissance ou la finance.
J’ignore si François Hollande a un Père Joseph. En ce qui concerne le duo Sarkozy-Buisson, s’il ne fonctionne pas, c’est qu’il n’a pas la complémentarité d’un couple à la Mitterrand-Séguéla.
Au-delà des questions de personnes, c’est l’époque qui veut ça. Le politique suppose le vrai pouvoir, c’est-à-dire la souveraineté. Lorsque celle-ci s’effiloche un peu trop visiblement, pas étonnant que la politique prenne le dessus, réduite à son simple appareil de querelles d’égos, d’« éléments de langage » et de rubriques people.
Désormais les « communicants » sont chargés aussi du fond, que d’ailleurs les politiciens confondent avec la forme. On est mal pris.[/access]

* Photo : Engelbert Dollfuss en 1933, Wikimedia commons.

Eté 2013 #4

Article extrait du Magazine Causeur



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