Désavoué aux législatives, le président n’a pas donné le moindre signe quant aux conséquences qu’il tire de ce revers électoral pour l’instant. Il a refusé la démission d’Elisabeth Borne, hier.
Rien ne m’énerve plus que les banalités relatives au pouvoir présidentiel que ce dernier se plaît souvent à illustrer. Par exemple ce principe qu’il ne faudrait jamais céder à la pression, qu’il n’y aurait jamais d’urgence et que contredire les attentes populaires serait le devoir de tout pouvoir sûr de son fait, qui révélerait ainsi sa force et son autorité. Je pense que cet état d’esprit, cette pratique devraient être totalement dépassés parce qu’ils se fondent d’abord sur cet axiome absurde que résister au courant démocratique dominant serait la manifestation d’une infinie clairvoyance et d’une présidence capable de demeurer toujours, quelles que soient les circonstances, « droite dans ses bottes ».
Pauvreté démocratique
Et si c’était l’inverse, de savoir agir parfois sous la dictée du peuple ? Le président réélu dans les conditions de pauvreté démocratique qu’on sait, a tergiversé au-delà de toute mesure pour nommer la Première ministre Elisabeth Borne. Parce que les Français étaient impatients de savoir, il les a fait languir.
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Malgré le premier tour des élections législatives, il a continué à prendre ses concitoyens de haut et ses propres partisans de court. Alors que ces derniers espéraient une implication active et énergique du président dans la bataille du second tour, il n’y a rien eu, à l’exception de la péripétie ratée du discours devant le tarmac.
On est bien obligé de constater que l’art de déplaire et l’obsession de se singulariser, chez Emmanuel Macron, le conduisent même à négliger les intérêts de son camp. Ses soutiens les plus proches ont estimé après le désastre du second tour – une majorité relative loin de l’absolue, une montée impressionnante du RN et un succès relatif de la Nupes – que, si son investissement avait été plus intense, moins désinvolte, la donne finale aurait pu changer et qu’il ne se retrouverait pas aujourd’hui face à une impasse.
Trop intelligent pour le commun des mortels?
Il paraît que, « malgré de la stupeur et des tâtonnements« et l’insistance de sa Première ministre, tout en semblant « paumé » selon certains, il refuserait de céder à la pression, ce qu’on peut traduire par la volonté de ne pas se laisser gouverner par une volonté populaire qui, aussi diverse et équivoque qu’elle soit, a clairement transmis un enseignement capital : le besoin d’un changement rapide car on ne laisse pas tel quel un pouvoir qui a été partiellement mais gravement désavoué.
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La Première ministre, fidèle à son esprit républicain, lui a présenté sa démission qu’il a refusée « afin que le gouvernement reste à la tâche« . Cette apparence de normalité est un leurre et vise à faire semblant que tout peut continuer comme avant. On perçoit, derrière cet entêtement, le souci de ne rien paraître concéder à ce que le pays a vigoureusement exprimé. Rien ne me semble plus opposé à la démocratie que cet ancrage persistant dans des attitudes présidentielles qui, le pouvoir défait, prétendent cependant instaurer un rapport de force avec la communauté nationale qui s’est invitée en masse, avec pluralisme, à l’Assemblée nationale au lieu de prendre acte de cette mauvaise surprise et d’en tirer des conséquences acceptables par tous.
Cette attitude serait d’autant plus appropriée et vraiment républicaine que dans une calamiteuse et impressionnante abstention, il y aura sans doute des adversaires compulsifs de la chose publique qui n’hésiteront pas à exploiter toutes les failles de la politique traditionnelle, civilisée face aux aspirations au désordre et à la violence, seulement destinées à démontrer qu’il en est pour qui l’agitation est un mode de gouvernement contre la démocratie. Le président de la République devrait s’honorer de céder à certaines pressions éminemment légitimes au lieu de faire comme s’il était encore totalement maître du jeu. La lucidité n’est pas de nier les séismes mais de les prévenir ou de les exploiter pour le meilleur. Le peuple dictant sa loi, on lui obéit: ce n’est pas de la faiblesse mais de l’intelligence. Dieu sait que ce président en manque si peu qu’il en a peut-être trop !