Franck Layré-Cassou défend les couleurs de Reconquête ! à Paris. Un défi politique pour un homme qui veut être le patron de la droite dans le 14e arrondissement. Propos recueillis par Cyril Bennasar.
Causeur. Qui êtes-vous ?
Franck Layré-Cassou. J’ai 38 ans, des parents commerçants et une épicerie-bar-à-manger corse dans le 14e arrondissement. Je suis entré en politique à 16 ans, au RPR, en tant que responsable des jeunes de l’UMP des Hautes-Pyrénées, puis à LR et aujourd’hui à Reconquête.
Qu’est-ce qui vous a mené de LR à Reconquête ?
La droite dite classique s’est dégradée. J’y suis resté par fidélité et par absence d’alternative. J’ai toujours discuté avec les gens du RN, mais leur programme économique m’a dissuadé de les rejoindre, et puis Marine fait ce que je reproche à la gauche : diviser patronat et ouvriers. Déçu par Sarkozy, comme beaucoup, je suis resté à l’UMP, délégué de circonscription à 21 ans, et en 2008, j’ai été candidat pour la première fois. Déjà à l’époque, certains cadres de l’UMP ne supportaient pas ma franchise, mon côté « zemmourien », dirions-nous… À Paris en 2014, j’ai fait la campagne de Nathalie Kosciusko-Morizet. Ce n’était pas vraiment ma tasse de thé, mais c’était le parti. Sachant qu’elle allait perdre la circonscription, j’avais créé une association, « Le Paris du 14 », pour préparer les élections de 2020. Tous les LR, le RN et Debout la France me suivaient, mais le parti a parachuté Marie-Claire Carrère-Gée à ma place. Je me suis retrouvé orphelin, plus de carte d’adhérent, plus de mandat. J’ai été contacté ensuite par « Les Amis d’Éric Zemmour ». On a organisé la première réunion de Zemmour dans mon bar ; je m’occupe de la communication et de l’encadrement des candidats à Paris.
Vous suiviez Zemmour en tant que polémiste ?
Oui, bien sûr. À Villepinte, il m’a scotché. Et depuis, il s’est amélioré. C’est pour cela qu’on a 130 000 adhérents, 20 000 jeunes, etc. Je pense comme lui que notre pays, notre civilisation sont en danger. Cela dit, les médias l’ont réduit à cela mais il a tenu des discours très convaincants sur l’éducation, l’industrie…
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Comment expliquez-vous son échec ?
Il y a eu le vote utile, sûrement, puis la guerre en Ukraine. Et puis, on n’a pas réussi à convaincre les électeurs. On n’était peut-être pas assez costauds dans les médias, on voyait toujours les mêmes profils très propres sur eux.
Mais n’a-t-il pas aussi fait des erreurs, par exemple avec l’affaire des prénoms ?
C’est sûr ! Mais il a hérité de ses audaces de polémiste. Et il reste trop franc. Ce sont des erreurs stratégiques, pas idéologiques. Mais un politique ne peut pas être seulement un idéologue.
Avez-vous eu des problèmes avec son entourage ?
Non. On m’a laissé le champ libre parce que j’ai vingt ans d’expérience politique. J’avais prévenu les Amis d’Éric Zemmour que je serais candidat aux législatives. J’ai été investi.
Parlez-nous du vote Zemmour dans le 14e arrondissement…
Il est le premier candidat de droite dans cet arrondissement – derrière Macron, Mélenchon et Jadot, devant LR et le RN. Depuis 2017, avec mon association, je tente de montrer aux électeurs que le 14e va de plus en plus ressembler au 18e. La politique de logements sociaux est une catastrophe, et l’immigration est de plus en plus présente. Même des bobos écolos s’en rendent compte, car ils sont directement touchés. On a aussi un électorat LR déçu. Tout cela pourrait nous amener au second tour des législatives. Je n’y crois pas vraiment, mais l’enjeu est aussi de s’implanter sur le terrain. À l’UMP, qui comptait 320 000 adhérents, je trouvais difficilement des colleurs d’affiches. Mes jeunes de Reconquête sont disponibles jour et nuit. Je n’avais jamais vu ça !
La gauche, qu’on croyait morte, s’est unie. Allez-vous essayer de discuter avec vos adversaires RN, LR ou même Renaissance avant le scrutin ?
Je vais les appeler. Aux municipales, ma numéro deux était une RN, je la vois souvent et elle essaie de dissuader son parti de présenter un candidat. Le RN n’est pas notre ennemi. Mais chaque voix rapporte 1,59 euro au parti, or le RN a besoin d’argent. En revanche, pour les municipales, qui coûtent et ne rapportent rien, l’union est possible. Je veux devenir le patron de la droite dans le 14e. Les municipales à Paris peuvent être une excellente vitrine pour Reconquête.
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L’union des droites, c’est bien sur le papier, mais Marine Le Pen est-elle de droite ? Ne péchez-vous pas sur la question sociale ?
Il faut montrer qu’une politique de droite, défendant nos valeurs et sérieuse économiquement servira tout le monde. Évidemment, les boomers s’en foutent, mais pas l’agriculteur ou l’ouvrier : depuis quarante ans, les seuls qui leur parlent sont la gauche et Le Pen, dont les programmes mèneraient à la ruine de la France. Peut-être que dans le 11e arrondissement de Paris, les bobos seront très contents que des Tunisiens viennent travailler dans les restaurants cet été mais en Auvergne ou en Corse, ils ne sont pas contents du tout. La droite est devenue technocrate, il ne faut pas que Reconquête apparaisse comme un parti parisiano-parisien avec toujours les mêmes têtes. La politique, c’est être comme les gens qu’on entend représenter.
Allez-vous laisser Mélenchon faire un hold-up sur nos concitoyens musulmans ?
Pas sur nos concitoyens musulmans. Ceux qui sont chez nous sont d’abord des Français, alors que ceux qui sont chez Mélenchon sont d’abord des musulmans.
Pourquoi vous lancez-vous dans un combat dont vous-même dites qu’il est perdu ?
C’est une bataille, pas la guerre ! En politique, on connaît beaucoup plus de défaites que de victoires. Aujourd’hui, il faut remporter la bataille du burkini. On prend des coups, puis un jour on parvient à être le meilleur. Je n’y arriverai peut-être pas, mais je ferai tout pour.
Votre engagement politique a-t-il eu des conséquences sur votre clientèle ?
Oui, on a perdu quelques clients. Mais on en a gagné aussi. Je ne me suis jamais caché. J’ai fait de la politique pour avoir des responsabilités, mais ce n’est pas pour moi, c’est pour mon pays et pour aider les gens. Et ce n’est pas une défaite qui va me décourager.