C’était écrit, la chronique de Jérôme Leroy
Un sigle, encore un, plane sur l’actualité : HPI pour « haut potentiel intellectuel ». Avant, on appelait ça des surdoués, comme dans le délicieux roman à succès de Patrick Cauvin, E=mc2, mon amour, qui décrit un drôle de couple formé par un garçon et une fille, élèves de sixième, qui s’aiment parce qu’ils sont tous les deux trop intelligents pour leur entourage. Cauvin avait écrit une fable amusée, optimiste et subversive mais il est vrai que le roman date de 1977, une époque tout de même moins saisie par l’esprit de sérieux que la nôtre : « Si elle vient, c’est quand même dans la poche parce qu’on ne va pas me dire qu’avec son intelligence, une fille de onze ans trois mois qui se pointe à neuf heures dix du soir dans un lieu désert avec un garçon de douze ans dans moins de dix mois, elle ne s’attend pas tout de même à ce qu’il lui propose un chat perché. »
Aujourd’hui, on ne rigole pas avec les enfants diagnostiqués HPI. Avec les adultes, on peut encore, comme dans la série de TF1 où une femme de ménage est plus forte que la police pour résoudre des enquêtes. Mais sinon, pour les enfants, il faut savoir les protéger de leur intelligence. Un article de Libé, « Haute arnaque potentielle », dénonce cette mode dangereuse de voir des HPI partout : « Cette caractéristique rare, qui s’accompagne parfois d’un sentiment de mal-être ou de décalage, ne concernerait selon les experts qu’environ 2 % de la population. Un pourcentage inversement proportionnel à son aura. Au point que le phénomène suscite tout un écosystème, de fournisseurs de test de QI, de coachs parfois autoproclamés. »
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Un qui a bien connu et analysé le phénomène HPI sans se laisser duper, c’est Balzac. Balzac est fasciné par le génie. Il y a chez lui des génies du crime (Vautrin), de la politique (Z. Marcas), de l’art (Frenhofer qui invente l’art abstrait dans Le Chef-d’œuvre inconnu), de la science (Balthazar Claës dans La Recherche de l’absolu). Ils sont certes parfois malheureux et connaissent des destins tragiques comme Louis Lambert, archétype du génie incompris dès l’enfance et qui vit un malheur permanent dans son collège de Vendôme : « Je sens en moi une vie si lumineuse qu’elle pourrait animer un monde, et je suis enfermé dans une sorte de minéral. » L’angoisse des parents d’aujourd’hui qui ne veulent pas que leur enfant connaisse les mêmes souffrances que Louis Lambert est compréhensible. Seulement, comme l’explique le psychologue Nicolas Gauvrit, « la thèse de Trop intelligent pour être heureux, c’est que le haut potentiel est un facteur de difficulté sociale et émotionnelle, ce que ne montrent pas forcément les études. »
Bref, être triste n’est pas une preuve de génie et, vous dirait Balzac, Vautrin le prouve, lui qui jette « sa constante complaisance et sa gaieté comme une barrière entre les autres et lui. »
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