L’ex-éléphant socialiste ne pardonne pas à la gauche d’avoir abandonné l’école, la laïcité et la République pour se jeter dans les bras de Jean- Luc Mélenchon. Il dénonce l’islamogauchisme de LFI qui inscrit le communautarisme dans notre système politique. Et il espère rebâtir la vieille maison sous le nom « Réinventer ». Propos recueillis par Élisabeth Lévy…
Causeur. Êtes-vous toujours un homme de gauche ? Et qu’est-ce que cela signifie ?
Julien Dray. Oui, je suis toujours de gauche. Cet engagement est notamment le fruit de mon histoire personnelle. Mes parents ont dû quitter l’Algérie en 1965, j’avais alors 10 ans. J’ai donc vécu mon enfance dans l’Algérie de Camus – le soleil, la plage, la joie de vivre, les fêtes, une communauté juive très ouverte, une cohabitation paisible avec les populations musulmanes. Et puis, j’ai vécu très durement le rejet du petit pied-noir que j’étais par la société française. Cela a forgé ma volonté de justice, d’égalité. Et aussi mon refus du gaullisme.
Vous en voulez encore au Général aujourd’hui ?
Oui ! Mon père a été combattant dans les forces françaises, mais il n’a pas pardonné à De Gaulle le « Je vous ai compris ! » et il a choisi Mitterrand dès notre arrivée en France, en 1965. Ça reste en moi. Cette fidélité-là m’a amené à refuser toute insertion dans l’appareil d’État, à ne jamais chercher de poste ministériel. Je ne crois pas que ce combat pour la justice sociale soit aujourd’hui dépassé, je pense toujours que ce serait mieux si les riches étaient un peu moins riches et les pauvres un peu moins pauvres. Pour moi, la gauche, c’est de donner sa chance à chacun, de refuser les déterminismes. C’est donc l’École, la méritocratie républicaine et bien sûr la laïcité.
Quand avez-vous quitté le PS ?
Il y a quelques semaines, au soir du premier tour. Plutôt que de passer mon temps à faire des coups d’État, j’ai estimé que c’en était fini. Je vous passe toutes ces dernières années de mépris et de basses manœuvres.
La gauche n’a pas attendu 2022 pour abandonner la laïcité …
C’est vrai, mais je croyais possible de mener la bataille au sein du Parti socialiste. Dès le début des années 1990, j’ai été l’un des premiers à dire que la montée de la violence et de l’insécurité n’était pas un fantasme et que la gauche ne devait pas abandonner ces sujets à la droite, d’autant plus que les premières victimes des délinquants et des dealers étaient les habitants des quartiers. On m’a traité de « gauche autoritaire » et de « gauche barbelés »… J’ai cru un moment que la gauche avait progressé sur ces questions, mais j’ai bien vu qu’à la première occasion, elle retombait dans ses vieux travers. Enfin, j’ai aussi été perturbé en découvrant, après la défaite de 2017, que les socialistes ne croyaient plus au socialisme. Pour eux, la nouvelle idéologie, c’était l’écologie.
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Conservez-vous votre admiration à Mitterrand ?
Oui, mais je n’ai pas été un mitterrandolâtre. Mon réflexe a été de ne pas rentrer dans le cercle mitterrandien. J’ai eu une relation politique avec lui. C’est lui qui m’a poussé à me présenter aux élections législatives. Mais son deuxième septennat m’a amené à fonder la Gauche socialiste avec Mélenchon. Cela dit, la personnalité de Mitterrand était fascinante. Le fréquenter a été un honneur.
Vous êtes l’un des fondateurs de SOS Racisme qui a contribué à implanter le différentialisme en France…
C’est un procès injuste ! SOS Racisme prônait le droit à la ressemblance et l’égalité des droits. Les tenants du droit à la différence se trouvaient dans une partie de la gauche autogestionnaire et une partie de l’extrême gauche, d’autre part, au Grece d’Alain de Benoist et de Jean-Yves Le Gallou, la zone grise de ces curieuses convergences. La seule erreur que je reconnais à ce sujet c’est qu’en 1989, lors de la première affaire de voile à l’école (Creil), nous n’avons pas vu ce qui se passait. Quand on se battait pour le droit de vote des étrangers aux élections locales, pour nous c’était un moyen de favoriser l’intégration et l’assimilation.
L’intégration, pas l’assimilation. Comme l’a analysé Hugues Lagrange, vous refusiez de voir les différences culturelles…
De fait, dès les années 1990, il y a une ghettoïsation ethnique et une offensive islamiste qui prendra toute son ampleur après 2001. Face à cela, on cherche à créer un islam de France, sans voir tous les réseaux de l’islam politique qui se mettent en place. La gauche va donc hésiter sur le voile à l’école, la
