L’éditorial de juin d’Elisabeth Lévy
J’ignore si Damien Abad est toujours ministre au moment où vous vous apprêtez à déguster votre Causeur du mois, mais la chasse aux sorciers est ouverte.
La longue période électorale qui s’achève a aiguisé les appétits des coupeuses de têtes – pour rester polie. Elles courent les plateaux télé sous l’étendard d’un improbable Observatoire des violences sexistes et sexuelles – on dit VSS, un acronyme bien connu dans le monde médiatique, universitaire et institutionnel, où les mâles exerçant des responsabilités sont déjà sommés de suivre d’humiliants stages pour apprendre à lutter contre leurs bas instincts. Peut-être l’un d’eux pourra-t-il m’expliquer ce qu’est une « violence sexiste ». Je crois bien d’ailleurs en avoir été victime il y a peu lorsqu’un collègue m’a complimentée sur ma jolie robe – ce qui n’arrive pas assez souvent. En tout cas, Caroline De Haas devrait les remercier car grâce à eux (et, pour une bonne part, à nos impôts, ce qui m’enrage) son petit business féministoïde est florissant. Mais je m’égare.
Des observatrices… politisées
Bien sûr, ces gracieuses observatrices (à travers les trous de serrures) jurent n’avoir aucune arrière-pensée politique. C’est certainement un hasard si presque toutes sont, comme Caroline De Haas, proches de la nébuleuse insoumise. La plus amusante est assurément Mathilde Viot, auteur d’un livre intitulé L’homme politique, moi j’en fais du compost où elle promet – en écriture inclusive – de « décortiquer la masculinité hégémonique et toxique » et d’ébranler un pouvoir qui a forcément les traits d’un « homme blanc, bourgeois, hétérosexuel, valide et de culture catholique ». Bigre, elle me fiche la trouille.
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Autre hasard, elles n’ont pris aucune part à la chute de Taha Bouhafs, ex-candidat LFI à Vénissieux, débarqué quand Mediapart et BFM ont rendu publiques des accusations de violences sexuelles à son encontre. Pour les Insoumis, de telles allégations, quoique non prouvées, sont bien plus graves que des déclarations bien avérées teintées de racisme et d’antisémitisme[1]. De même, elles n’ont pas eu à lever le petit doigt pour que Jérôme Peyrat, ex-candidat macroniste en Dordogne, soit débranché. Il est vrai que lui a bel et bien été condamné pour violences conjugales (dans une sombre affaire où sa compagne a aussi été sanctionnée). Il n’a pas écopé d’une peine d’inéligibilité, on pourrait donc penser que c’est aux électeurs de décider. Mais ne versons pas dans l’hyperjuridisme : l’Assemblée peut se passer d’un député qui ne se contrôle pas, même dans le feu d’une bagarre. Un homme, ça s’empêche. Dans la foulée, Viot et sa bande exigent le limogeage de Stanislas Guerini, ministre de la Fonction publique de l’équipe Borne, coupable d’avoir tenté de défendre Peyrat (pendant un quart d’heure), ainsi, bien entendu, que ceux de Darmanin (blanchi par la Justice) et de Damien Abad, également membres du « gouvernement de la honte ».
On ne va pas chipoter sur la présomption d’innocence
Pour nos justicières, accusation vaut condamnation. Elles exigent donc que les partis écartent tout homme mis en cause pour violences sexuelles, tout en estimant que c’est aux « victimes » (je mets des guillemets car la qualité de victime suppose que les faits soient prouvés) de décider si elles veulent ou non porter plainte. S’il leur plaît de se répandre dans la presse, libres à elles. Dans le monde merveilleux qu’elles nous préparent, il suffira, pour se débarrasser d’un concurrent, de lui mitonner une metoo. C’est le retour de la loi des Suspects. Ça va plaire à Mélenchon qui a redit dans un excellent entretien dans L’Express tout le bien qu’il pensait du grand humaniste Robespierre. Ceux qui croient que celui-ci a quelque chose à voir avec la Terreur sont des ignorants. Ou des coupables.
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Le « dossier » Damien Abad comporte deux éléments : un signalement classé sans suite à deux reprises et une accusation anonyme, dont le parquet a donc refusé de se saisir faute de plaignante. Peu importe, après nous avoir obligés à assister à un déballage dégoûtant dans lequel il était question de ce que le handicap du ministre lui permettait de faire ou pas, nos Torquemada en jupons (je sais, c’est sexiste) somment Élisabeth Borne et Emmanuel Macron de le remercier. Sainte Chloé, le prénom d’emprunt de l’accusatrice, peut jeter un homme en pâture en se cachant derrière l’anonymat, elle a raison. On ne va pas chipoter sur la présomption d’innocence. Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT a d’ailleurs inventé en direct sur France Info une « présomption de sincérité » pour les victimes. Après tout, Macron lui-même déclarait avec emphase à l’adresse de celles qui dénoncent des abus : « On vous croit ! » C’est bien connu, les femmes ne mentent jamais. Et ceux qui disent le contraire sont des salauds.
[1]. Encore qu’à en croire notre cher Erwan Seznec, Bouhafs a surtout été sacrifié parce qu’il allait perdre la circonscription.