À l’instar de la littérature, la gastronomie permet de voyager dans le temps et l’espace. Chez Tan Dinh, au coeur du 7e arrondissement de Paris, Robert Vifian n’a de cesse d’explorer les saveurs de l’Indochine de son enfance. Et en y associant de grands crus français, le chef complète l’évocation de son roman familial.
La rue de Verneuil est l’une des plus étranges de Paris. En apparence, il ne s’y passe rien. Comme dans les tableaux surréalistes de Paul Delvaux, la ville semble s’y être endormie. La poésie s’y cache pourtant, fragile et impalpable. On pourra ainsi la sentir chez Tan Dinh, le plus ancien restaurant vietnamien de la capitale, ouvert en juin 1968. Ses fenêtres laissent à peine filtrer la lumière du jour : en entrant, on est frappé par la demi-obscurité qui y règne. « Pourquoi cette propension à rechercher le beau dans l’obscur se manifeste-t-elle avec tant de force chez les Orientaux seulement ? » écrivait avec justesse Junichirô Tanizaki dans son Éloge de l’Ombre… Ici, rien de brillant ni d’illuminé, on se devine plus qu’on se voit. Les miroirs eux-mêmes sont mouchetés de taches d’oxydation semblables à des fleurs de lotus. Pas de musique, pas d’aquariums ni de bouddhas rose fluo entourés d’ampoules électriques… Juste un grand bouquet de fleurs fraîches renouvelé avec art chaque semaine.
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Robert Vifian, le maître des lieux, est
