Accueil Politique Et si Pap Ndiaye n’était pas ce monstre que nous décrit la droite?

Et si Pap Ndiaye n’était pas ce monstre que nous décrit la droite?

Du nanan pour les racistes


Sidéré par la violence des attaques lancées contre le nouveau ministre de l’Enseignement avant même qu’il ait ouvert la bouche, notre chroniqueur suggère à tous d’attendre ses premiers pas — et que soient passées les législatives, dont Pap Ndiaye se retrouve de facto l’otage…


Je n’ai aucun a priori, favorable ou non, sur le nouveau ministre de l’Éducation. Et je trouve étrange que chez nombre de commentateurs, la première chose que l’on ait remarquée, c’est qu’il est noir — en fait, métis. Ça me rappelle l’époque où les grands aristocrates ne remarquaient, chez Mazarin, que ses origines italiennes. Et ils se sont fait rouler dans la farine par un Rital supérieurement intelligent — qui en a profité, au passage, pour gagner la Guerre de Trente ans.

Résumons. Voici un garçon né en France — et dans une France très profonde —, coupé de la tradition paternelle très tôt, élevé par une mère enseignante avec sa sœur qui est une romancière de qualité (mais si, Trois femmes puissantes est un bon roman, et les jurés du prix Goncourt 2009 ne furent pas du tout influencés par le souci du woke). Leur génitrice a donc réussi ses deux enfants, ce qui n’est pas forcément le cas de toutes les mères célibataires…

La question raciale en Amérique

Pap Ndiaye est, comme disait l’Express en 2008, un pur produit de l’élitisme républicain — comme moi : après tout, nous avons l’un et l’autre fréquenté les « classes prépas », réussi la même École Normale Supérieure (celle de Saint-Cloud), et je peux vous dire qu’on n’en distribue pas l’entrée dans des pochettes surprise. Et là non plus la couleur de la peau n’est en rien un critère qui vous vaudrait des indulgences. Il a par la suite passé l’agrégation d’Histoire, que l’on n’obtient pas en faisant valoir ses origines, et il y a parmi les lecteurs de Causeur bien des gens qui se mêlent, ces temps-ci, de donner des leçons d’Histoire, qui ne le valent pas.

C’est aux États-Unis qu’il a pris conscience qu’il y avait — là-bas — un problème noir. L’occasion de réaliser — je dis ça pour ceux qui semblent croire que c’est une grande nation démocratique — que les États-Unis sont un pays profondément raciste, et dans les deux sens, le racisme anti-Noirs générant un racisme anti-Blanc. Voir la « Nation of Islam » de Elijah Muhammad et Louis Farrakhan.

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À noter qu’aux yeux des extrémistes, il n’a pas la bonne nuance de noir, comme Obama, à qui on a reproché de ne pas être un descendant d’esclave, donc pas un pur « african-american ».

Il a profité de son séjour outre-Atlantique pour s’intéresser, en historien, au fait américain. À qui douterait de ses capacités d’historien je conseille la lecture de son article intitulé « Du nylon et des bombes. Du Pont de Nemours, l’État américain et le nucléaire, 1930-1960 », paru dans l’excellente revue des Annales en 1995. Ou son excellent petit livre, en 2009, sur les Noirs américains dans la collection Découvertes (Gallimard), pour laquelle j’ai longuement travaillé moi-même.

Dénoncez plutôt les petits calculs de Macron

Qu’il ait par la suite flirté avec telle ou telle organisation (le CRAN, par exemple) dont l’intelligence n’est pas la qualité fondamentale ne doit pas nous impressionner. L’une des caractéristiques du Net est de présenter comme éternellement d’actualité des déclarations ou des positions qui remontent aux Croisades. Après tout, l’auteur de ces lignes a un passé maoïste, et il a cassé du facho et du flic dans des manifs très dures — par exemple en juin 1973… Il y a cinquante ans, excusez du peu. Depuis, comme me le serinent sans cesse mes détracteurs, je suis passé du côté du fascisme, puisque j’écris dans Causeur… Et à en croire quelques autres, je suis payé par Poutine pour ramener Zelensky à ce qu’il est — un bateleur.

Pap Ndiaye est un calcul de celui que vous avez réélu président, chers concitoyens, et qui s’est dit qu’un intellectuel présumé de gauche ferait bien dans le tableau juste avant les législatives. On le gardera ou non après, peu importe.

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Qu’est-ce qu’ils sont malins, à l’Élysée…

Le nouveau ministre vient de choisir pour directeur de cabinet Jean-Marc Huart, précédemment patron de la DGESCO, bras armé du ministère, puis recteur de Nancy-Metz. Je le connais un peu, c’est un spécialiste de la chose éducative, qu’il maîtrise à fond. Pas un islamo-gauchiste. Et il y a toutes les chances que l’ensemble du cabinet soit de la même veine. On ne change pas du tout au tout en un claquement de doigts, rue de Grenelle. On ne change même pas du tout.

Le dir-cab et son ministre ont tous deux enseigné — un pré-requis quand même à de tels postes. Ils en connaissent plus long sur la chose éducative que bien des commentateurs qui se plaisent à les épingler ces jours-ci — étant entendu qu’un journaliste sait tout sur tout, c’est-à-dire sur rien.

J’ai eu des élèves de toutes les couleurs, au cours de ma carrière. Je les ai aidés à réussir quand ils le pouvaient — étant entendu que le métier de prof suppose que l’on pousse chacun au plus haut de ses capacités. Je n’ai jamais pris en considération la couleur de la peau de tel ou tel. Croyez-moi, la proportion de crétins et de petits génies est la même dans tous les groupes ethniques. Et je n’ai pas de préjugé concernant le ministre. Il fera ou ne fera pas le boulot — et c’est sur ce seul critère qu’il sera permis de le juger.

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Normalien et agrégé de lettres, Jean-Paul Brighelli a parcouru l'essentiel du paysage éducatif français, du collège à l'université. Il anime le blog "Bonnet d'âne" hébergé par Causeur.

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