Bobos contre Cathos, le match de l’été est lancé ! Mariage ou Manif pour tous, that is the question dans une France déchirée en (au moins) deux camps qui se parlent et s’écoutent si peu. Quelques semaines après le vote de la loi Taubira ouvrant le mariage et l’adoption aux couples de même sexe, notre numéro estival spécial de 100 pages se penche notamment sur « la France des familles », selon l’heureuse expression d’Elisabeth Lévy. Pour notre directrice de la rédaction, Bobos et Cathos se ressemblent plus qu’ils voudraient bien l’admettre, « les uns veulent de la norme, les autres veulent que la norme soit l’absence de normes ». L’ordre pour tous, choisissez votre formule à la carte ! Voilà un diagnostic dérangeant pour tous que ne renierait pas Marcel Gauchet. Le directeur du Débat estime que les foules catholiques de la Manif pour Tous défendent un modèle familial révolu dont ils ressentent (enfin !) la disparition. Aujourd’hui, les Catholiques assument leur « identitarisation » malgré l’opprobre des élites progressistes. Ces « tradis-modernes » pourraient même représenter un recours pour une jeunesse lassée de la décomposition familiale de ses aînés. L’engouement des foules sentimentales cathos pour le pavé inspire d’ailleurs à Gil Mihaely une réflexion sur l’évolution du mouvement qui s’est peu à peu réduit à sa frange la plus déterminée, la stratégie de la rue encourageant les plus militants des catholiques au détriment des volontés de large rassemblement d’une Frigide Barjot. Dans ce numéro décidément riche, l’égérie de la MPT en personne revient sur son éviction en défendant bec et ongles sa ligne pragmatique, républicaine et modérée qui vise à refondre le mariage pour tous en alliance civile, plutôt que d’abroger purement et simplement la loi votée et promulguée.
À en croire certains, le mariage gay ne passerait pas moins sous leurs fourches caudines s’ils arrivaient au pouvoir. C’est ce que répond Marion Maréchal-Le Pen, lorsqu’on lui fait remarquer que la présidente du Front national a ostensiblement boudé les manifs. Quoiqu’elle se dise volontiers plus à droite que sa tante Marine, la jeune députée du Vaucluse se félicite du ni-ni adopté par la direction du FN afin de renvoyer dos à dos UMP et PS. Avec en ligne de mire les municipales de l’an prochain, la benjamine de l’Assemblée nationale espère ratisser large en nouant des alliances locales autour de la défense d’un « passéisme intelligent ». Gare à la concurrence ! Car l’animateur de la Droite forte et vice-président de l’UMP Guillaume Peltier veille scrupuleusement à appliquer la stratégie Buisson au parti de Jean-François Copé. Interrogé par Elisabeth Lévy et Jacques de Guillebon, il se fait le chantre d’une droite conservatrice, chrétienne et laïque consciente de « l’angoisse identitaire, économique et sociale » des Français. Son message aux manifestants du printemps a le mérite d’être clair : « les portes de l’UMP » leur sont « grandes ouvertes » ! Son camarade Charles Beigbeder pourrait faire sien cet appel. Secrétaire national de l’UMP, et par ailleurs actionnaire de Causeur (chez nous aussi, la transparence c’est maintenant !), il nous livre une tribune libre célébrant la résistance de « la France tranquille » face aux assauts du « libéralisme hédoniste » et présage que « ce courant issu des profondeurs de l’enracinement français va durablement s’installer dans le paysage politique ».
En revanche, à gauche, on prédit des lendemains qui déchantent au mouvement anti-loi Taubira. Jouant l’apaisement, Christophe Girard, le maire socialiste du 4e arrondissement de Paris, militant de longue date du mariage pour tous, appelle les Français de tous bords au dialogue et à la (ré)conciliation. Au passage, il dément l’existence d’un lobby gay et ne se gêne pas pour ironiser sur les tweets borderline de Pierre Bergé.
Bien moins enthousiaste à l’égard des réformes sociétales, le député socialiste d’Indre-et-Loire Laurent Baumel fondateur du collectif parlementaire de la Gauche populaire nous a confié regretter la longueur qu’a pris le débat sur le mariage pour tous. La priorité aurait dû aller à l’économique et au social, pas aux passages devant le maire et autres layettes, pense-t-il en substance. S’il ne croit pas à l’émergence d’un populisme droitier sur les questions de mœurs, il confesse avoir vu de jeunes musulmans de sa circonscription grossir les rangs de la Manif pour Tous. Un sérieux démenti à l’hypothèse « terra-noviste » d’une coalition progressiste bobos-banlieues ! Comme nous ne lésinons pas sur les moyens, nous avons carrément engagé un correspondant permanent en plein Boboland parisien, place des Abbesses. Louis Lanher endosse ce sacerdoce mojito à la main, et nous décrit par le menu détail les fantasmes de ses amis bobos en quête du Grand soir antifa après la mort tragique de Clément Méric.
Mais commençons à fureter dans la partie actualités de ce numéro spécial. Ce mois-ci, dans son édito, Elisabeth Lévy devise sur « les infortunes du réel ». Le réel, comme disait Lacan, c’est tout ce qui ne se contrôle pas. On peut par contre le cacher sous le boisseau ou le rhabiller de vieux oripeaux râpés. Ainsi du rapport Bianco sur la laïcité dénonçant « stigmatisation » et « islamophobie » sur l’air de Tout va très bien… Mais puisqu’un refoulé, ça finit toujours par revenir, concluons avec notre chère Elisabeth qu’« on devrait retrouver le réel avant que ce soit lui qui nous retrouve » ! Vous connaissez la fameuse phrase apocryphe de Malraux sur le XXIe siècle, religieux, forcément religieux. Ce ne sont pas Antoine Menusier et Malika Sorel qui vous diront le contraire, leurs contributions éclairant le phénomène des convertis à l’islam ainsi que l’érosion de la laïcité française. À lire entre les journaux d’Alain Finkielkraut et de Basile de Koch !
Mise à part l’expo londonienne David Bowie, que Paulina Dalmayer a visitée pour nous, notre roborative rubrique culture vous fera encore une fois voyager, et pas seulement de Philippe Muray à Roland Jaccard. C’est l’été et l’écrivain voyageur Blaise Cendrars entre en Pléiade, il n’en fallait pas plus pour combler d’aise Jérôme Leroy, qui coordonne le mini-dossier « Quand tu aimes, il faut rester » ! L’occasion de détourner Cendrars était trop belle, il faut maintenant en prendre son parti. Notre ami Alain Paucard de Paris, sis dans son éternel 14e arrondissement, nous le dit tout net : « RESTEZ CHEZ VOUS ! ». De quoi conforter E. Marsala dans sa misanthropie émiratie, prétexte à un beau « voyage autour de sa chambre d’hôtel » à Abu Dhabi, dans l’enfer climatisé des non-lieux contemporains. La mer d’Aral et la Corée du nord seront aussi au programme, mais je vous en ai déjà trop dit…
Assez bronzé, lisez maintenant !
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