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Enquête sur le lobby trans: l’argent n’a pas de sexe

Le nerf de la guerre


Enquête sur le lobby trans: l’argent n’a pas de sexe
Jennifer Pritzker, lieutenant-colonel retraitée de l'armée américaine devenue philanthrope transgenre © D.R.

Les transgenres sont un marché lucratif. Derrière leurs revendications se cache un lobbying financé par de puissants « philanthropes ». Les ONG et universités qu’ils soutiennent influencent l’Union européenne, la Maison-Blanche et alimentent l’industrie médicale. Un pognon de dingue au service d’une des formes du transhumanisme.


Les sociétés occidentales subissent actuellement les assauts du mouvement transgenre qui investit les milieux législatifs, éducatifs, médicaux et économiques. Ses objectifs immédiats sont l’inscription dans le droit de l’auto-identification de genre (sans passer par un diagnostic médical) et l’accès aux traitements de transition dès le plus jeune âge. Mais les buts ultimes consistent à éliminer du droit la notion de sexe biologique fondée sur deux catégories, masculin et féminin (le dimorphisme) ; briser le modèle de la famille traditionnelle ; et enfin transformer l’être humain en un objet manipulable à l’infini qui, en bon consommateur, se laisse tenter par toutes les modifications de son corps disponibles sur le marché. Nous acceptons déjà l’idée qu’une personne puisse être « transgenre » – passer d’un sexe à l’autre; maintenant on nous demande d’envisager qu’elle puisse être gender non-conforming (« en non-conformité de genre ») et donc se situer au-delà du dimorphisme sexuel. L’être humain peut donc changer de genre, combiner deux genres ou n’en avoir aucun. Comment expliquer les progrès si rapides d’une campagne aussi absurde ? Les idéologues de ce mouvement ont-ils des arguments solides ? Certainement pas. Les militants sont-ils bien structurés ? Certes, mais qu’est-ce qui permet une telle organisation ? Pour trouver la réponse, il faut adopter l’adage anglais, « follow the money », et suivre jusqu’à sa source l’argent qui alimente le mouvement. Car il ne s’agit pas d’un élan populaire, spontané, mais d’une mobilisation imposée d’en haut et entretenue par l’argent de grands philanthropes. Ceux-ci créent un ruissellement d’argent qui irrigue tout un système d’ONG, de lobbyistes, d’universitaires, de médecins et de politiques. Et l’argent attirant l’argent, le fleuve ainsi créé est alimenté par d’autres dons de la part des autorités publiques et des grandes entreprises, soucieuses de leur image. Les recherches d’un petit nombre d’enquêteurs ont mis à nu ce réseau financier qui, originaire d’Amérique du Nord, s’est étendu au Royaume-Uni, à l’Europe et au-delà [1].

Au commencement était le dollar

C’est dans les années 1990 qu’un grand mouvement est lancé pour subventionner la cause des droits homosexuels. Il culmine dans les années 2010-2015 par l’adoption du mariage pour tous dans la plupart des pays d’Amérique du Nord et d’Europe. Pendant ce temps, l’idéologie du genre s’impose progressivement au sein des mouvements pour les droits des gays et lesbiennes. Vers la fin des années 1990, le « T » est ajouté aux « LGB », d’abord aux États-Unis par la National Gay and Lesbian Task Force. Par la suite, toute tentative des homosexuels plus traditionnels pour enlever le « T » est dénoncée et étouffée. Quand la lutte pour les droits homosexuels plus classiques triomphe, autour de 2015, la cause des trans prend le dessus, et l’argent des philanthropes se dirige de plus en plus vers elle. Trois donateurs jouent un rôle stratégique.

La plus âgée, Jennifer Pritzker, née James en 1950, est l’héritière d’un empire commercial gérant des investissements dans de nombreux secteurs. Il mène une carrière militaire avant de se transformer en elle. En 2013, annonçant un changement de nom et de sexe, Pritzker devient la première milliardaire transgenre, à la tête d’une fortune de 1,8 milliard de dollars. En 1995, il avait créé la Fondation Tawani, initialement focalisée sur le bien-être des militaires avant de se tourner vers les questions de genre. En 2003, Pritzker donne 1,3 million de dollars à l’université de Californie à Santa Barbara pour étudier l’engagement des trans dans les forces armées. En 2013, il donne du capital d’amorçage à l’hôpital pour enfants Lurie, à Chicago, afin de lancer un programme de traitements pour les enfants en non-conformité de genre. Entre 2015 et 2020, il ajoute 775 000 dollars. Il donne presque 8 millions à l’université du Minnesota pour un programme d’études sur la santé sexuelle et la création de deux chaires adaptées, avec une attention particulière à la diversité des genres.

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En 2016, il accorde 2 millions à l’université de Victoria au Canada pour la création d’une chaire d’études transgenres. En 2021, le Howard Brown Health Center reçoit un million pour renforcer les soins de santé pour les LGBT. Pritzker accorde aussi des sommes importantes à toute une ribambelle d’ONG influentes dans le domaine.

Le plus généreux des philanthropes est Jon Stryker, né en 1958, héritier d’un empire dans le domaine des dispositifs médicaux et à la tête d’une fortune personnelle de 4,4 milliards. En 2000, au moment où il fait son coming out en tant que gay, il crée la Fondation Arcus, pour subvenir aux causes à la fois des LGBT et des grands singes. Il aurait donné 66 millions à son ancienne université, à Kalamazoo, notamment pour la création d’un centre pour le leadership en justice sociale, ouvert en 2014. En 2011, il donne un million à l’université de Berkeley pour une chaire en études de genre, de sexualité et d’urbanisme. En 2019, c’est le Spelman College, une université historiquement noire, qui reçoit deux millions pour une chaire en études queer. En dehors du monde universitaire, il arrose presque toutes les ONG les plus connues : plus de 3,5 millions vont à l’ILGA (International Lesbian, Bisexual, Trans and Intersex Association), qui regroupe 1 774 membres affiliés dans 168 pays, et presque un million à Transgender Europe, qui réunit 183 associations dans 47 pays. À travers Borealis Philanthropy, entre 2015 et 2021, il donne presque huit millions à diverses organisations LGBTQ, dont presque cinq à des ONG spécifiquement trans.

Le troisième philanthrope est George Soros qui est souvent l’objet de théories du complot. Sa fondation, Open Society Foundations, poursuit ouvertement une politique de soutien à la cause trans. En 2013 et 2014, elle publie trois documents qui prônent l’auto-identification, l’acceptation d’autres sexes que masculin et féminin, l’accès aux traitements d’affirmation de genre pour les jeunes, et promet des subventions pour les ONG trans. Effectivement, entre 2016 et 2020, Soros accorde presque trois millions à l’ILGA, presque un million à Transgender Europe et autant pour Global Action for Trans Equality.

À quoi sert tout cet argent ?

Abolitionnistes et sergents recruteurs

Les ONG utilisent ces subventions pour abolir le sexe biologique au bénéfice du concept subjectif d’identité de genre, banaliser le statut de personne non conforme au genre et recruter de nouveaux trans parmi les adolescents et même les enfants en bas âge. Elles promulguent des glossaires pour imposer dans les institutions publiques et privées un vocabulaire uniforme à l’image de la mentalité et des actions qu’elles veulent encourager. Il y a des euphémismes comme « soins de santé d’affirmation de genre » (gender-affirming) qui remplace « traitement de réattribution sexuelle », trop brutal. « Dysphorie de genre » cède la place à « incongruence de genre », selon l’approche approuvée par l’OMS en 2019 pour « dépathologiser » la question. Plus sinistre encore, on parle partout d’« enfants trans » (trans kids) comme si leur existence allait de soi et ne résultait pas de l’influence d’adultes sur des êtres trop jeunes pour décider de leur sexe. Le succès est tel que, le 31 mars 2022, à l’occasion de la Journée internationale de la visibilité transgenre, la Maison-Blanche publie un communiqué de presse qui parle abondamment de trans kids en listant des initiatives qu’elle prend pour les soutenir.

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Il s’agit ensuite de traduire cette conception en réalité juridique en exerçant une pression sur les législateurs. En 2015, le Conseil de l’Europe, qui encadre la CEDH, adopte une résolution appelant ses 47 pays membres à inscrire le concept d’identité de genre dans le droit. La décision intervient après une consultation d’ONG comme Transgender Europe, financée par Stryker et Soros. En 2019, un rapport est préparé pour l’International Lesbian, Gay, Bisexual, Transgender, Queer and Intersex Youth & Student Organisation (IGLYO) par l’un des plus grands cabinets d’avocats, Dentons, et la Thomson Reuters Foundation. Si les avocats travaillent pro bono, l’activité de l’ONG est subventionnée par l’UE. Intitulé « Only Adults ? » et disponible en ligne, le document affirme que « les États devraient prendre des mesures contre les parents qui, en refusant de donner leur aval, entraveraient le développement libre de l’identité trans d’une jeune personne ». Adieu l’autorité parentale. Pour faire adopter une législation pro-trans qui brusquerait les sensibilités du public, il est recommandé de l’attacher à une réforme plus populaire comme l’introduction du mariage pour tous. Il s’agit de créer « un voile protecteur » – autrement dit de légiférer en cachette.

Le comédien transgenre Chella Man, connu aux Etats-Unis pour avoir partagé ses expériences en tant que « sourd, transgenre, non binaire, juif et personne de couleur » © Yuchen Liao / Getty / Images via AFP

Pour mettre au pas les entreprises et les pouvoirs publics, au Royaume-Uni, l’ONG Stonewall, qui est subventionnée par ces derniers, leur dispense conseils et formations sur le genre au travail, quoique 40 organismes d’État viennent de quitter leur programme. McKinsey et la Harvard Business Review prodiguent des leçons pour créer un lieu de travail « trans-inclusif », tandis que l’Index de l’égalité en entreprise, publié annuellement par la Human Rights Campaign (subventionnée par Pritzker) menace de couvrir de honte les sociétés manquant à l’exemplarité. La Big Tech apporte sa pierre en interdisant tout propos niant les dogmes trans sur les réseaux sociaux. L’édifice est complété par la mode et le monde du spectacle. L’actrice trans Laverne Cox figure en « une » de Time en 2014 ; le top model Valentina Sampaio orne les couvertures de diverses éditions de Vogue en 2017 ; le comédien Chella Man exhibe dans les revues sa poitrine cicatrisée. Des mannequins coiffés et maquillés à la perfection proposent aux jeunes une image glamour de ce qu’un trans peut devenir. Ce qu’on ne dit pas, c’est la dépendance à vie à des drogues aux effets inconnus et le coût de ces transformations. Car le genre, c’est aussi un business.

Le complexe trans-industriel

Les transitions représentent un marché juteux qui pourrait représenter jusqu’à 200 milliards de dollars. Si certains de nos donateurs ont des liens avec le domaine médical, il n’est pas sûr qu’ils profitent directement de cette opportunité. En revanche, ils partagent une vision hypermédicalisée du monde où l’être humain peut subir des transformations multiples. Ici, on est proche du délire transhumaniste. Une psychothérapeute new-yorkaise, la femme trans Laura A. Jacobs, croit que, grâce à la chirurgie et aux modifications génétiques, nous pourrons recomposer nos corps avec une variété de membres et d’organes sexuels [2]. En tout cas, par un grand cycle capitaliste, l’argent investi par les philanthropes accélère la croissance de ce marché et l’arrivée de cet avenir. Les dons de Pritzker aux universités et hôpitaux créent une armée de professionnels spécialisés dans le traitement des personnes en non-conformité de genre. Ils promeuvent leurs traitements à travers l’Association professionnelle mondiale pour la santé des personnes transgenres (WPATH) dont certains sont membres et qui a reçu des subventions de Pritzker. Le mieux c’est de chercher les candidats à la transformation les plus jeunes possible : en 2015, Stryker accorde 650 000 dollars au département de psychologie de l’université de Washington pour conduire une étude sur les enfants dits « transgenres » à partir de l’âge de 3 ans. Afin de justifier l’urgence et la radicalité des traitements, les militants citent des statistiques douteuses sur le nombre de meurtres et de suicides des jeunes trans et conduisent des études peu solides sur les effets bénéfiques des soins.

Pour endiguer cette vague de folie, on essaie de se battre sur le terrain des idées, mais cela revient à aller au combat avec un bras lié derrière le dos. Car c’est sur le terrain de l’argent et de l’influence que la vraie bataille a lieu.

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[1]. Voir surtout les articles en ligne de Jennifer Bilek et Mary Hasson. La plupart des chiffres cités ici sont établis à partir des données fournies par les sites des donateurs.

[2]. Dans Laura Erickson-Schroth, Trans Bodies, Trans Selves, Oxford University Press, 2014.

Mai 2022 - Causeur #101

Article extrait du Magazine Causeur




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est directeur adjoint de la rédaction de Causeur.

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