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Omar Khayyam: le vin, le temps, l’amour

Le poème du dimanche


Omar Khayyam: le vin, le temps, l’amour
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Le poème du dimanche


Epicurien angoissé, mystique sensuel, mathématicien voluptueux et amoureux des roses, Omar Khayyam, né en 1050 et probablement mort en 1123, est l’homme des contradictions tranquilles. Il est né à Nichapour, une des grandes villes de Perse. Il eut pour ami des fondateurs de dynastie comme celle des Seldjoukides et le futur Vieux de la Montagne, le chef de la secte redoutée des Hachichin.

Marginal, insaisissable, artiste du détachement et expert en contemplation, sa liberté choqua l’ordre moral et scolastique de son temps. Des protecteurs puissants lui permirent d’éviter les ennuis et lui permirent de vivre à sa guise : la chance, cela fait aussi partie du génie.

Ses Quatrains dans lesquels le vin coule à flots, console toujours et permet de tutoyer les anges. Ils sont empreints d’un soufisme décalé qui ressemble plus à la philosophie de la beat generation qu’à la pratique de l’Islam de son temps. Inutile de dire, et c’est un euphémisme, que les commentateurs modernes le trouvent pour le moins d’une hétérodoxie déroutante.


XI

Aujourd’hui refleurit la saison de ma jeunesse ;
J’ai le désir de ce vin d’ou me vient toute joie.
Ne me blâme pas : même âpre il m’enchante ;
Il est âpre parce qu’il a le goût de ma vie.

XVI

Lève-toi, donne-moi du vin, est-ce le moment de vaines paroles ?
Ce soir, ta petite bouche suffit à tous mes désirs.
Donne-moi du vin, rose comme tes joues…
Mes vœux de repentir sont aussi compliqués que tes boucles.

XXXVIII
Je bois du vin, et l’on me dit, à droite et à gauche:
« Ne bois pas de vin, c’est l’ennemi de la religion ! »
Quand j’ai su que le vin était l’ennemi de la religion,
J’ai dit : « Par Allah ! laissez-moi boire son sang, c’est un acte
de piété. »

XC

Bois de ce vin, c’est la vie éternelle ;
C’est ce qui reste en toi des juvéniles délices ; bois !
Il brûle comme le feu, mais les tristesses
Il les change en une eau vitale ; bois !

XCIV
Pour parler clairement et sans paraboles,
Nous sommes les pièces du jeu que joue le Ciel ;
On s’amuse avec nous sur l’échiquier de l’être,
Et puis nous retournons, un par un, dans la boîte du Néant.

Traduction de Charles Grolleau, 1922

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