Le plus surprenant pour moi, lors de mon dernier séjour à Lausanne, fut de me retrouver dans ma chambre d’hôtel en compagnie d’Ayn Rand. Non pas de son cadavre en putréfaction – elle est décédée en 1982 – mais d’un extrait de son essai : The Capitalism, The Unknow Ideal. Il n’y a guère qu’en Suisse que la direction d’un Palace se soucie de la culture économique de ses hôtes…. Je lus donc scrupuleusement le chapitre qui m’était destiné : « Le destin final de toute économie liberticide » et le résumai en l’actualisant.
Ayn Rand évoque Colbert, le principal conseiller de Louis XIV, souvent désigné comme l’un des premiers étatistes modernes. Il était convaincu que la régulation gouvernementale pouvait engendrer la prospérité nationale. Le résultat fut plus que discutable. Colbert n’était pas plus un ennemi des affaires que ne l’est notre gouvernement actuel. Il interrogea un groupe d’industriels sur ce que l’État pouvait faire de mieux pour l’économie de la France. Un industriel nommé Legendre lui répondit : « Laissez-nous faire ! « Il lui expliqua que l’ » aide » gouvernementale au monde du travail est aussi désastreuse que la persécution politique et que la seule manière pour un gouvernement d’être utile à la prospérité de tous est de ne pas s’en mêler. Ayn Rand ne pouvait qu’approuver cet homme soutenant qu’il n’y a pas de différence dans le destin final de toutes les économies liberticides, quelles que soient les justifications du liberticide. Pour une raison évidente : l’intelligence humaine ne fonctionne pas sous la contrainte. Une arme braquée sur la tempe tue toute initiative.
Je songeai avant de m’endormir que François Hollande, s’il ne voulait pas laisser une trace identique à celle de Colbert dans l’Histoire, serait bien avisé de prendre en compte le point de vue d’un Legendre des temps modernes, s’il en est un, qui pourrait lui donner le même conseil immortel en un seul mot : » Dérégulez ! » Mais je songeais aussi que ce serait peine perdue, car il n’y a qu’une seule chose que les hommes préfèrent à la liberté, c’est l’esclavage, surtout si on parvient à les convaincre que c’est au nom de la justice et du respect de leurs droits que l’État va resserrer son étau fiscal, administratif et judiciaire. À la manière de Colbert, manière qu’il définissait lui-même ainsi non sans humour : « L’art de l’imposition consiste à plumer l’oie pour obtenir le plus possible de plumes avec le moins possible de cris. » Reconnaissons à François Hollande l’art d’être passé maître dans cet exercice périlleux.
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