On en est là en matière de justice. On se contente de peu. On n’en est plus à espérer une politique pénale et une action pénitentiaire qui pourraient recueillir l’adhésion de tous les citoyens de bonne foi afin de sortir ces enjeux fondamentaux du débat partisan et donc stérile.
On se félicite seulement de ce qui, à la présidence de la République et au gouvernement, vient subtilement ou ostensiblement entraver le cours et les prévisions parlementaires de certains projets de Christiane Taubira, notamment celui sur la récidive qui semble enfin montrer, au-delà des congratulations solidaires de surface, un véritable et souhaitable antagonisme entre la garde des Sceaux et le ministre de l’Intérieur.
Yves Thréard qui, avec Alexis Brézet, a redonné de la tenue au Figaro – avec des convictions clairement de droite mais sans le sectarisme d’avant qui faisait douter de l’intelligence et de l’honnêteté – a parfaitement et avec roideur résumé l’essentiel de cette loi pénale. On rêverait que celle-ci n’arrivât pas comme Godot, qu’elle demeurât dans les limbes de cette gauche spéciale inventant une réalité pour ses fantasmes au lieu de se fonder sur elle pour les détruire.
« Pas de prison pour les peines inférieures à deux ans, pas de sanctions planchers pour les récidivistes, pas de peines de sûreté pour les délinquants les plus dangereux, pas de révision des ordonnances de 1945 sur les mineurs ».
Une philosophie de la mansuétude organisée et de la destruction systématique de ce qui peu ou prou pouvait s’opposer à la délinquance et à la criminalité. Pour leur faire comprendre, fût-ce sévèrement, qu’elles n’étaient pas bienvenues ni acceptables en France.
Sur le dernier point concernant les mineurs à Paris, il n’est pas sans intérêt de relever que selon l’Observatoire de la délinquance, un tiers des multirécidivistes ont moins de 16 ans, ce qui n’aurait pas rendu absurde l’instauration de dispositifs mêlant plus efficacement l’état de minorité et la constatation de changements sociologiques avec la gravité de plus en plus précoce de comportements transgressifs.
Pour la prison, je rappelle que le but d’une politique pénale n’est pas de la vider mais de mettre en oeuvre ce qui est nécessaire pour la sauvegarde de la sûreté publique – donc l’incarcération conjuguée à une palette d’autres sanctions adaptées aux délits et aux crimes. La prison si nécessaire, l’absence de prison si possible.
Et ces prisons, seront-elles délaissées à vie, seulement envisagées comme un univers à désemplir de toute urgence faute de savoir les restaurer humainement, matériellement, et de garantir sécurité et ordre en leur sein, pour répondre à l’attente des surveillants et améliorer la condition des détenus ?
Le plus symptomatique reste toutefois, depuis un an, la danse gouvernementale autour de la loi ayant édicté les peines plancher, probablement l’initiative la plus cohérente et heureusement rigoureuse du quinquennat de Nicolas Sarkozy. Au lieu de ne considérer que l’atteinte qu’elle est susceptible de porter à la liberté des juges, on ferait mieux de s’interroger sur son principe et d’admettre la pertinence de celui-ci. Appréhender les infractions isolément sur un casier judiciaire a évidemment moins de sens que d’examiner l’entêtement mis à s’insérer dans des parcours délictuels et/ou criminels et de réprimer ceux-ci à hauteur de leur répétition.
Cette motivation qui a inspiré les peines plancher est d’ailleurs tellement fondée que le dogme socialiste dans ce domaine bat de l’aile et que promise lors de la campagne, leur suppression est différée. Au point qu’une circulaire a tenté d’en atténuer les effets bénéfiques puis que le président de la République et Manuel Valls ont fait valoir que les abolir ne serait judicieux que si on trouvait une solution pour les remplacer. Ce qui éclaire la bêtise idéologique d’une démarche qui les répudie parce que Nicolas Sarkozy les a voulues mais a conscience de devoir les garder peu ou prou sous une autre forme parce qu’elles sont utiles.
Aussi, parce que Christiane Taubira – de moins en moins icône car obligée de plus en plus à être garde des Sceaux – sera un jour à même d’obtenir ce débat parlementaire qui ne lui offrira pas la même ivresse ni le même assentiment que le mariage pour tous, je bénis les retards socialistes qui sont le signe d’une raison rendant hommage de manière indirecte à ce que l’idéologie s’acharne à défaire.
Je bénis les hésitations du président de la République et du Premier ministre. L’un comme l’autre supputent le mauvais effet de cet adoucissement envisagé. En effet, pour paraphraser Arnaud Montebourg, il ne pourra qu’être « le carburant » du FN et d’une France qui a tendance à prendre au tragique la rime entre socialisme et laxisme.
Je remercie le ministre de l’Intérieur pour avoir déclaré : « Si on supprime les peines plancher sans les remplacer, on se découvre ».
Pour lutter contre les aberrations programmées par Christiane Taubira ministre socialiste, pas d’autre choix que d’approuver les obstacles mis sur son chemin par d’autres socialistes plus lucides.
On en est là.
Les retards socialistes sont des chances.*Photo : francediplomatie.
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