Non, le président sortant n’est pas le Mozart de la finance qui devait sortir la France du rouge ni le virtuose de la réforme qui promettait d’en finir avec nos archaïsmes. Paupérisation, déficits, chômage… On est loin du compte.
S’il avait l’esprit de gratitude, Emmanuel Macron offrirait à Vladimir Poutine une rente somptuaire pour cette guerre en Ukraine qui a rebattu les cartes de l’élection présidentielle. Au regard de la stature présidentielle de l’hôte de l’Élysée, proclamée dans les médias, toute question autre, comme celle du bilan, relève de la mesquinerie politicienne.
Et pourtant, que d’espoirs avait suscités le jeune prétendant en 2017 avec son projet de transformation de la France embourbée. Son succès à la hussarde a tenu tout entier dans l’inscription dudit projet au sein de l’intelligence collective.
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Cependant, c’est précisément cette ambition réaffirmée tout au long du quinquennat qui oblige à en soumettre les résultats à un examen scrupuleux. Avons-nous retrouvé le chemin d’une certaine prospérité ? Les Français ont-ils gagné en sécurité matérielle ? Notre système public s’est-il renforcé ?
Hélas, le bilan s’énonce suivant le triptyque : dégradation, falsification, paupérisation. La ligne de flottaison du navire France s’est encore abaissée et ledit navire commence à prendre de la gîte. Tel est le résultat global d’une politique de subventions pour les riches et d’ubérisation pour les pauvres.
Dégradation
La croissance économique, dont il ne faudrait pas oublier qu’elle reflète l’emploi productif et qu’elle soutient les comptes publics, s’est établie à 0,5 % l’an, chiffre acceptable à la rigueur si l’on tient compte de l’impact négatif du confinement de 2020, mais décevant au regard de l’endettement inouï de l’ensemble des ménages, des entreprises et de l’État favorisé par la politique monétaire de la BCE. L’État a contracté une dette supplémentaire de 600 milliards d’euros, soit 28 % du PIB, pour obtenir une croissance de 2 % du même PIB.
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Pour la croissance industrielle par habitant, cruciale pour la marche d’ensemble de l’économie, nous nous situons au double de la Grèce mais à la moitié de la Suède, sur la frontière qui sépare le Nord performant du Sud retardataire, en dépit des performances de l’aéronautique civile et des industries d’armement. Mais n’est-ce pas là aussi l’effet de notre inclusion dans l’euro dont la Suède s’est heureusement exemptée ?
Quant au commerce extérieur, si souvent absent des commentaires des grands médias, qui sait que nous affichons un déficit record depuis la guerre – 85 milliards d’euros l’an dernier, malgré Airbus et le Rafale ? La dégradation ne s’est pas interrompue depuis 2003, dernière année équilibrée. Il est bien tard aujourd’hui pour faire le diagnostic d’une désindustrialisation suicidaire après vingt ans d’illusions sur la société post-industrielle.
Falsification
L’emploi me direz-vous ? N’est-ce pas là la vraie réussite de notre président ? 800 000 emplois nouveaux, soit 200 000 par an, nous ne devrions pas bouder notre plaisir.
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Mais la contradiction devrait sauter aux yeux entre la croissance famélique et la création d’emplois affichée dans les statistiques officielles. Elle souligne implicitement la chute de la productivité dont la clef nous est donnée par le doublement du nombre des autoentrepreneurs. 1,2 million de personnes, découragées par l’absence d’emplois, se sont résignées à cette formule palliative dont la rémunération moyenne est de 600 euros par mois.
Si l’on ajoute la mise en apprentissage, intégralement financée par l’État avec la forte incitation d’une prime de 8 000 euros à l’embauche, nous comprenons mieux l’abîme qui sépare le chiffre des demandeurs d’emplois affiché par l’Insee, entre 2,2 et 2,3 millions, et le total enregistré par Pôle emploi, 6 millions au titre de l’ensemble des catégories A, B, C, D et E.
Paupérisation
Et nous comprenons aussi du même coup pourquoi la majorité des Français ressentent une perte de pouvoir d’achat. La multiplication des emplois sous-payés en rend compte. La France ne serait-elle pas désormais un pays coupé en deux, entre des secteurs de haute technologie et des secteurs qui relèvent du tiers-monde ? Une tiers-mondisation rampante attestée par un indice incontestable : 7 millions de personnes seraient aujourd’hui tributaires de l’aide alimentaire, contre 5,5 millions en 2017.
Et, pour couronner le tout, la paupérisation du secteur public. La formule a longtemps constitué un slogan fallacieux de cette gauche clientéliste appuyée sur une fonction publique qui est la plus nombreuse d’Europe. Cependant, les développements de ces vingt dernières années révèlent une vérité dérangeante, certes différente dans ses modalités de celle dénoncée par les syndicats de gauche, mais tout aussi répréhensible.
Deux points sont à souligner
Premier point : la crise sanitaire a exposé au grand jour le sous-équipement hospitalier. 17 000 lits ont été supprimés dont plusieurs milliers durant la pandémie ! Où l’on voit les ravages d’une gestion bureaucratique imperméable au doute et réfractaire aux critiques. Cela, cependant que notre taux de dépenses de santé reste au sommet en Europe. Quel est ce mystère ? Notre État a privilégié la distribution de revenus par le biais d’une Assurance maladie et d’une CMU largement fraudées au détriment de l’équipement requis par les soins des malades. Le guichet social a déversé la manne publique tandis que l’investissement sanitaire reculait. Gouvernements de droite et gouvernements de gauche, habités par les mêmes idées fausses, se partagent la responsabilité de la déshérence du système hospitalier.
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Deuxième point : la paupérisation du corps professoral. Cinquante ans de réformes à contresens ont à moitié détruit un système éducatif que nous enviaient nos concurrents. Mais un autre facteur discret a contribué à ce déclin structurel : on ne paye plus les professeurs, nonobstant l’emprise des syndicats de gauche sur le ministère de la rue de Grenelle. Un professeur certifié gagne aujourd’hui 1,2 fois le SMIC, à peine plus qu’un plongeur de restaurant, quand il recevait 2,3 fois le SMIC en 1980.
Nous n’insisterons pas sur l’enrichissement des plus riches à coups de réformes fiscales toujours favorables aux possédants. 500 familles ont accumulé un patrimoine de 1 000 milliards en 2022. Nous pourrions fermer les yeux sur cette anomalie si, parallèlement, les classes pauvres, modestes et moyennes sortaient de la précarité et du besoin. Le bilan de Macron démontre le contraire.
Nos compatriotes auront-ils le courage de sanctionner le président sortant ou se résigneront-ils à le reconduire, faute de mieux ? Pour nous, il n’y a pas à barguigner. Il faut ouvrir la porte à une nouvelle politique après avoir balayé les idées fausses et les faux-semblants d’un libéralisme dévoyé. Lutte contre la fraude sociale et fiscale, réindustrialisation, autonomie énergétique sont les impératifs du temps qui vient.
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