Le “vote utile” est invoqué pour expliquer les scores si élevés d’Emmanuel Macron, Jean-Luc Mélenchon et même de Marine Le Pen. À droite, Valérie Pécresse et dans une moindre mesure Éric Zemmour en font les frais.
Le résultat du premier tour de l’élection présidentielle, succès inespéré pour les uns (Macron, Le Pen, Mélenchon), déception amère pour d’autres (Zemmour, Pécresse), illustre d’abord une nouvelle loi des processus électoraux : les tendances qui s’expriment dans la dernière phase de la campagne s’exacerbent et vont à leur terme le jour du vote.
Emmanuel Macron, dont la cote resta longtemps bloquée dans les sondages autour de 23%, a ainsi fini à plus de 27%, sans doute à cause de la guerre en Ukraine. Encore plus surprenant, le résultat de Jean-Luc Mélenchon. Qui eut cru qu’il finirait à plus de 21% ? Il faut y voir la conjugaison de deux phénomènes : le rejet, souvent violent, du président sortant dans l’électorat de gauche et le souci du “vote utile” encore plus marqué à gauche qu’à droite. Poutou, Arthaud, Hidalgo et même Jadot et Roussel ne pouvaient faire mieux que ce qu’ils ont fait. L’électorat devient binaire.
Pécresse et Zemmour font les frais du “vote utile”
Le corollaire de ce phénomène émergeant et surprenant, non dans son principe mais dans sa force, est la chute, elle aussi anticipée dans les dernières tendances, d’Éric Zemmour et Valérie Pécresse.
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Le piteux résultat de Mesdames Hidalgo et Pécresse, candidates des deux partis qui ont si longtemps dominé la scène française, pourrait bien marquer la fin d’une époque et le début d’une autre dont les contours sont encore difficiles à discerner.
Aucun sondage n’avait donné Marine Le Pen aussi haut que ses 23,4 % finaux. Elle faisait en début de campagne jeu égal avec Eric Zemmour autour de 15-17%. Puis, à environ deux semaines du premier tour, sa cote dans les sondages s’est envolée. Joua, là aussi, le mécanisme du “vote utile”, qui nous a certes heureusement évité un second tour Macron-Mélenchon, mais qui n’est peut-être pas la meilleure manière de désigner ni le meilleur candidat au second tour ni surtout le plus apte à gouverner la France. Comme une balance peut hésiter quelque temps avant de pencher de manière définitive d’un côté ou de l’autre, dès lors que l’avantage de Marine Le Pen a paru irréversible, l’électorat d’Éric Zemmour s’est réduit au minimum où il a fini.
Un second tour ouvert
Il reste très curieux que ce basculement sans retour de la droite forte se soit produit en même temps que la plongée de Pécresse, partie, elle aussi, bien plus haut dans les sondages que son résultat final. Y a-t-il un lien entre les deux ? On peut effectivement se le demander. Il n’y a a priori pas de lien direct : ni par la sociologie, ni par la psychologie, ces deux électorats ne sont fongibles. La préférence des femmes pour une autre femme peut-il avoir joué ?
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Une autre grille de lecture serait que des décisionnaires puissants (qui ne sont pas pour autant des comploteurs) aient pensé, dès qu’elle a été désignée, que Valérie Pécresse pourrait être une solution de rechange par rapport à Macron dont tout le monde sentait l’usure. Déçus à leur tour par la chute de Pécresse, les mêmes auraient pu se dire que Marine Le Pen qui avait tout fait pour devenir politiquement correcte, pourrait, avec un entourage adéquat, être aussi une solution de rechange acceptable. Il ne leur restait qu’à organiser par des canaux invisibles, en partie par la bouche à oreille, la montée de Marine Le Pen et la chute d’Eric Zemmour, tombé bas par l’effet inexorables de ces mécanismes , malgré une brillante campagne.
Reste, enfin, que selon un sondage récent, 66% des Français veulent changer de président, chiffre qui correspond bien davantage au vécu que le résultat brut des urnes hier. Et que c’est l’extrême gauche, qui approche les 30% en comptant les écologistes, qui, le cas échéant par l’abstention, pourrait bien arbitrer le second tour…
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