Parisis est au mieux de sa forme dans On va bouger ce putain de pays (Fayard), un roman satirique sur la macronie…
On a coutume de dire qu’un romancier a toujours tendance à écrire le même livre. Depuis que je lis Jean-Marc Parisis, c’est-à-dire depuis 1987, avec son premier roman, La mélancolie des fast-foods, sur fond de gauche schizophrénique et montée de l’extrême-droite, il convient d’avouer qu’il m’étonne à chaque publication. J’avais tout particulièrement apprécié sa biographie personnelle d’Alain Delon ainsi que son hommage à l’éditeur Jean-Marc Roberts.
Débandade
Voici qu’il nous propose un roman ébouriffant, au titre décapant, On va bouger ce putain de pays, dans la grande tradition de la satire. C’est l’histoire d’un jeune provincial venu étudier à Science Po, Quentin Ixe, sorte de Rubempré moderne, le tragique en moins, attiré par les dorures du pouvoir. Il choisit d’abord le mauvais cheval, Richard Eleski, social-démocrate qui chute pour une agression sexuelle sur une femme de chambre dans un hôtel. Parisis : « Ejaculation américaine, retrait de la course à la présidence française. » Débandade fatale en terre américaine, ça ne pardonne pas chez l’Oncle Sam cancelisé.
Ixe change de monture et fait les yeux doux au banquier d’affaires Cyril Crâmon, nommé ministre de l’Économie après la victoire du socialiste Boulende. Il est jeune, ambitieux, dominé par une femme de vingt-quatre ans son ainée, Béatrice, « prunelles bleues, jambes fuselées, des airs d’Agnetha, la chanteuse d’Abba », aux dents plus acérées que les griffes d’un félin. Les deux arrivistes se plaisent. Même si Ixe a bien jugé Crâmon, « l’homme des sincérités successives », à la « voix de pub ». Ixe, ou plutôt Parisis, ajoutant : « On pouvait le croire à condition de ne pas lui faire confiance. Lui faire confiance à condition de ne pas le croire. » On assiste à la naissance du mouvement En route, à la charge de la brigade légère qui permet à Macron, pardon Crâmon (j’aurais écrit Crâmé), d’entrer à l’Élysée, après avoir ridiculisé Caroline Lablonde.
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L’affaire El Glaoui
Parisis, avec un humour décapant, nous rappelle les grands moments du quinquennat qui s’achève, en particulier l’affaire El Glaoui, comprenez Benalla, personnage obscur qui nous réserve une surprise de taille à la fin du récit. C’est vif, enlevé, électrique. Ça fait du bien. Parisis possède le sens de la formule. À propos du nouveau rival de Crâmon, pour l’élection présidentielle de 2022, Mamour, le président-candidat déclare : « Nous avons trop parlé d’avenir, de progressisme, de rupture historique. La martingale, aujourd’hui, dans ce présent haïssable, c’est le passé. » Il ajoute : « La force sentimentale et révolutionnaire du passé. Mamour rend le passé bankable. » Quand un écrivain est brillant, il peut s’adonner à tous les genres littéraires.
Jean-Marc Parisis, On va bouger ce putain de pays, Fayard.