On peut encore trouver de la malice, de l’érudition, de l’humour et de la fantaisie dans la littérature française. Preuve en est avec les derniers romans de Bernard Quiriny et de Jean-Luc Coatalem.
Les temps sont tristes, et même un peu angoissants. Nous ne savons plus où nous en sommes : on sort à peine d’une pandémie que nous voilà déjà dans une guerre. Il paraît même qu’il y aurait une élection présidentielle bientôt. Surtout, ce qui devient pesant, c’est le bruit de fond des commentaires incessants. Les mots se dévaluent et leur sens est détourné. Les connotations confuses et imprécises excluent tout second degré, toute poésie, tout humour. On a l’impression de baigner dans une langue morte. Il faut donc d’urgence retrouver le plaisir du texte, c’est-à-dire d’une littérature qui ne s’inspire pas trop du réel mais qui joue avec lui, le détourne, le subvertit, le décale. Nous avons besoin, plus que jamais, de l’humour d’un Marcel Aymé ou d’un Raymond Queneau, nous avons besoin de fables insolentes et gratuites qui n’ont aucune démonstration à nous vendre, aucune morale à nous imposer, aucun catéchisme à nous faire répéter.
Consolation : il est possible de la retrouver assez vite, cette littérature. Il y a des écrivains qui persistent avec une obstination digne d’éloges à parler d’autre chose, à se livrer à des tours de magie, à inventer des paysages comme on invente des trésors. Des écrivains qui savent encore jouer, comme les enfants. Ils n’ont pas forcément grande presse : la gaieté n’est pas de saison.
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Prenez, par exemple, Bernard Quiriny. En voilà un qui ne se contente pas d’écrire un français très pur, il invente aussi des histoires que l’on pourrait qualifier de fantastiques, mais dont le fantastique est aimable et cruel, comme celui de Marcel Aymé, justement. Quiriny a déjà raconté, dans Le Village évanoui, comment on peut se retrouver soudain, dans un chef-lieu de canton des plus banals, englouti dans une faille spatio-temporelle, ce qui est toujours ennuyeux quand on a prévu de partir en vacances. Dans L’Affaire Mayerling, les habitants d’une nouvelle résidence sécurisée, dans une petite ville de province, sont pris en grippe par un immeuble tueur qui n’hésite pas à se débarrasser d’eux. Là encore,
