Dans Foutriquet (Albin Michel), Michel Onfray brosse un portrait au vitriol du chef de l’État. Europe, Covid, Gilets jaunes, narcissisme… à le lire, tout est mauvais dans le Macron!
Causeur. Selon vous, à vouloir l’amour de tout le monde, Macron a récolté la haine de tous, écrivez-vous. Franchement, même avant l’Ukraine, l’impopularité de Macron ne sautait pas aux yeux. Il a toujours été en tête des intentions de vote. Compte tenu de la description calamiteuse que vous faites de son mandat, comment l’expliquez-vous ?
Michel Onfray. Je ne crois pas les sondages qui ne mesurent pas l’opinion, ce que les sondeurs prétendent, mais la fabriquent… Ils y ont doublement intérêt puisque c’est à partir d’eux que le temps de parole se trouve distribué par le CSA dans les médias pour la présidentielle. Des mois en amont, quand ce ne sont pas des années, alors que 40 % de gens sont comptabilisés comme abstentionnistes et qu’une grande parie ignore ce qu’elle va voter, à quoi bon, sinon, cette avalanche de sondages ? Le seul sondage auquel je crois c’est ce que me disent les gens, je ne parle pas de mes amis ou de mon entourage : je n’en rencontre aucun qui ait envie de voter Macron ou Hidalgo ou Jadot, j’en connais un grand nombre en revanche qui a envie de voter Zemmour, Le Pen ou Mélenchon. Et un bien plus grand nombre qui ne votera pas.
Vous analysez très sévèrement le « en même temps » d’Emmanuel Macron. Et de fait, sous couvert de subtilité, cela revient souvent à dire tout et son contraire. Mais les Français ne veulent-ils pas aussi tout et son contraire : être libres de faire ce qu’ils veulent et protégés, des droits sans devoirs, l’hédonisme individualiste et le bien commun, etc. D’une façon générale, vous mettez tous nos problèmes au compte des gouvernants. Les gouvernés n’ont-ils aucune responsabilité ?
« Les Français », comme vous dites, ça n’existe pas… Revenons à la question suivante car ces fameux Français qui pensent ceci ou cela, ce sont souvent ce que les sondages disent qu’ils penseraient ! À l’âge que j’ai, je suis sidéré de n’avoir jamais été sondé personnellement et de ne connaître personne qui l’ait été. Avec cette foultitude de sondages, on devrait mathématiquement s’être fait solliciter au moins une fois, soi ou des gens qu’on connaît. Or ça n’a jamais été le cas.
Ce qui, par ailleurs, n’exclut pas la volatilité des opinions chez ceux qui ne pensent que gavés par les chaînes d’info continue où officie un panel de gens dont la compétence et l’expertise ont parfois seulement quelques heures d’avance sur le spectateur. Pour qui, comme moi, lit la presse le matin et écoute ensuite cette nouvelle caste d’éditocrates donner son avis sur tous les sujets plus tard sur les plateaux, il ne manque pas de piquant d’entendre pérorer tel ou telle en reprenant, sans les citer bien sûr, les opinions imprimées dans la presse subventionnée. Si les avis des Français peuvent paraître volatils, c’est aussi parce que la classe médiatique qui fabrique l’opinion varie en fonction du vent !
À vous lire, le trait principal d’Emmanuel Macron, c’est le narcissisme. « Enfant-roi couronné », dites-vous. Mais ne faut-il pas une forme de narcissisme pour briguer le suffrage des Français ?
Une forme, oui, mais pas une pathologie… Vivre sans un minimum d’estime de soi est une chose, vivre sans cesse devant un miroir en est une autre. Il y a chez cet homme un narcissisme particulier : il est classique, c’est celui de qui s’aime, mais il est également doublé d’une rage envers qui ne souscrit pas à son narcissisme. Il s’aime, mais il n’aime pas qu’on ne l’aime pas. Or, dans la vie, il faut composer avec ceux qui ne nous aiment pas. Et le nombre de ceux qui ne nous aiment pas est proportionnel à la visibilité médiatique qu’on a ! Cet homme qui a été chef de l’État trentenaire dès son premier essai, qui avait avec lui la presse, la finance,
