Je suis presque sûr que Robert de Maubeuge aussi bien que Kader de Villetaneuse rigolent devant leur écran plat. Oh non, ils ne rigolent pas de la mort du pauvre Clément, ils ne sont pas des bêtes, et moi non plus, ils sont tristes comme tout le monde et peut-être le soir dans leur lit disent-ils pour son âme les pauvres mots qui leur restent comme une prière à quelque force supérieure inconnue. Oh non, ils ne rient pas parce qu’ils n’aiment pas la mort, même quand c’est celle d’un jeune homme qu’ils ne connaissaient pas.
Mais ils rigolent fort et à gorge déployée devant l’opération de récupération la plus minable et la plus sordide des dix dernières années. Résumons-nous : un groupuscule d’antifas se rend à une vente de vêtements où il sait qu’il rencontrera nécessairement des skins. Une fois sa proie localisée et dûment échauffée à coup d’insultes et de « tar-ta-gueule à la récré », ledit groupuscule se lance dans la bagarre. Tragique baston qui s’achève par la mort d’un jeune homme. Aussitôt les skinheads sont accusés. Parfait. Cela s’appelle un homicide, involontaire ou pas, je ne sais, que justice passe. Mais aussitôt, tous les gauchistes du monde crient à la « marque de l’extrême droite », aux années 30 et au retour du fascisme. Aussitôt ils érigent Clément en martyr du nazisme et réclament l’interdiction, la dissolution de toute l’extrême droite, du Front national, voire de l’UMP et de la Manif pour tous. Alors Robert, et Kader, et moi, nous rigolons. De joie murayenne devant l’absurdité du temps, ou de désespoir devant la chute définitive de la raison, je ne sais pas non plus.
Mais nous rigolons quand nous lisons que l’extrême droite a le monopole de la violence. Nous rigolons quand nous nous souvenons de ces manifs altermondialistes – et j’en étais, je peux en témoigner – où les black blocs ravageaient des quartiers entiers, incendiaient des banques, lapidaient des policiers et mettaient à sac des épiceries. Sans doute des gens d’extrême droite, comme les autonomes de Montreuil et leurs barres de fer, les milices de la CNT cagoulées qui font régner la terreur quand des vieillards anti-avortements s’enchaînent aux hôpitaux.
Des skins qui mettent la France en coupe réglée, qu’y disent. Que celui qui a croisé une bande de skins dans les rues de Paris ces dix dernières années lève le doigt. Ils sont peut-être vingt, ces JNR, dans tout le pays, mais il est certain qu’ils menacent l’ordre public, tiennent le trafic de drogue, celui des armes à feu, et détroussent des jeunes filles après les avoir violées tous les soirs dans tous les arrondissements de Paris. C’est bien simple, leurs quartiers de banlieue sont devenus des forteresses dans lesquelles la police n’ose plus s’aventurer, des Etats dans l’Etat. Quelquefois ils font des nuits de cristal aussi, mais les médias ont tellement peur qu’ils n’en parlent même pas.
Robert, Kader et moi, nous rigolons bien. Surtout quand nous entendons le ministre de l’Intérieur qui asperge les petites filles de lacrymo et coffre les gamins à T-shirt rose nous annoncer, de concert avec le Premier Ministre et le président de la République, que l’ordre public vacille à cause de vingt ploucs au crâne rasé.
Nous rigolons encore quand c’est Pierre Bergé dans son 500 m2 de gauche qui nous insulte, en tant que manifestants contre la loi Taubira, nous tenant pour responsables d’une vente de fringues Fred Perry. Nous attendons avec impatience de connaître les origines sociales des skins interpellés pour savoir si la guerre civile aujourd’hui a lieu entre « chasseurs de skins » de Sciences Po et skins prolos. Nous rigolons toujours en songeant à cette gauche française qui crie à la haine après avoir protégé des écrivains italiens des Brigades rouges aux mains tâchées du sang des assassins.
Nous rigolons quand des communistes nous appellent à la non-violence. Nous rigolons devant cette mascarade atroce où un pauvre garçon tombé pour rien devient le symbole d’une gauche sans cause. Nous rigolons en imaginant le nombre de points que va prendre Marine Le Pen dans les sondages après ça.
« Je voudrais que la jeunesse de France fasse le serment de ne plus mentir », disait Bernanos. Ça vaut aussi pour les quinquas de gauche.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !