Au-delà des antivax, le mouvement des camionneurs qui a bloqué Ottawa dénonçait l’aseptisation d’une société abrutie par des mesures sanitaires répressives. En réponse, le gouvernement Trudeau a dégainé la loi martiale.
Le Canada aura sans doute été le premier État dans le monde à instaurer la loi martiale pour protéger le sommeil de ses élus et fonctionnaires fédéraux, ainsi que l’approvisionnement des bobos en avocats du Mexique ! Le 14 février, le Premier ministre Justin Trudeau a mis en œuvre la loi sur les mesures d’urgence pour mettre fin aux blocages dans la capitale d’Ottawa et empêcher l’obstruction de postes-frontières. Cette loi qui, jusqu’en 1988 s’appelait « loi sur les mesures de guerre », n’avait été utilisée que trois fois : à l’occasion des Première et Deuxième Guerres mondiales et durant la crise d’octobre 1970, qui a opposé Ottawa au Front de libération du Québec, une cellule terroriste visant l’indépendance de la Belle Province.
Tel père, tel fils
Avec la répression du mouvement des camionneurs, on assiste à la « facebookisation » du Canada, un pays où il est maintenant possible de suspendre et même d’« annuler » un mouvement pacifique, mais jugé contraire aux standards de la communauté aseptisée. Ottawa a notamment fait geler le compte en banque de nombreux protestataires et de leurs soutiens économiques. C’est le triomphe de la cancel culturedans une version étatique. Avant que Justin Trudeau imite son père, Pierre Elliott Trudeau, qui était Premier ministre en 1970, la situation s’apparentait beaucoup plus à un festival du camion qu’à un véritable siège. Au moment d’écrire ces lignes, les policiers procèdent toujours à des arrestations musclées et la tension est à son comble.
Zéro risque, zéro carbone, zéro bruit, zéro vie : au nom d’un monde épuré de toute adversité, tous les moyens sont bons pour protéger la tranquillité des habitants dociles. Entre la première grande manifestation du 29 janvier au démantèlement du campement, de nombreux protestataires s’y sont installés avec leurs enfants, dormant pour la plupart dans la cabine de leur véhicule. Au départ, le « convoi de la liberté » s’opposait à la vaccination obligatoire des camionneurs, mais le mouvement a vite fait boule de neige pour incarner le ras-le-bol face aux restrictions en tout genre dont l’impact s’est avéré catastrophique pour la santé mentale de milliers de gens. Dans la foule, la présence de nombreux parents inquiets pour l’équilibre psychologique de leurs enfants, et parfois pour le leur, montre que cette détresse est un facteur central de la colère et de la lassitude.
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Avec plus de 80 % de Canadiens vaccinés « adéquatement » et la même proportion de camionneurs, le mouvement s’oppose moins au vaccin comme outil médical qu’au régime de soumission et de censure qu’il en est venu à symboliser. Une réalité souvent ignorée dans les grands médias, lesquels continuent de voir dans ce mouvement une révolte antisystème sans cohérence ni légitimité. Après avoir fait montre pendant deux ans d’une obéissance exemplaire, pour ne pas dire inquiétante, un nombre grandissant de Canadiens en ont assez de vivre dans cet État-nounou transformé en un immense « safe space ». Ces deux dernières années, le Canada est devenu un État médico-centré dont les dirigeants se sont transformés en chaperons de tous les instants, prétendant encadrer les moindres aspects de la vie sociale au nom de la santé publique. Durant cette crise, seule l’Australie a réussi à imposer un régime sanitaire plus sévère et répressif que le Canada. Alimenter la peur pour offrir de la sécurité : telle a été la stratégie de Justin Trudeau et de chefs provinciaux comme le Premier ministre québécois, François Legault, dont le gouvernement a appliqué les mesures sanitaires les plus sévères en Amérique du Nord.
Un mouvement qui a le tort d’être soutenu par Trump
Durant tout le « siège » d’Ottawa, les camionneurs et leurs supporters ont dû composer avec des politiciens comme Justin Trudeau et des journalistes qui les assimilaient à l’extrême droite et à l’« alt-right » américaine. Il faut dire que Donald Trump a soutenu le mouvement, de même que des commentateurs américains tels que Ben Shapiro et Tucker Carlson. Comble du ridicule, le mouvement a été associé à la suprématie blanche, alors que des membres de toutes les communautés culturelles étaient représentés dans les manifestations : autochtones, sikhs, Afro-Canadiens, etc. Un autre angle mort des grands médias subventionnés.
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Moyen disproportionné, l’utilisation de la loi martiale représente un important recul pour le libéralisme au Canada, tandis que les chartes des droits et libertés ont été réduites à un strict instrument de défense de la sainte diversité. L’état d’exception est en voie d’y être normalisé – il est du moins banalisé. Les droits fondamentaux sont désormais considérés comme des « privilèges », un vocabulaire souvent employé par Justin Trudeau et François Legault. Depuis la pandémie, le Canada est d’ailleurs passé de la cinquième à la douzième place dans le palmarès des démocraties publié par l’organisme « The Economist Intelligence Unit ».
Confort abrutissant
Ce qui menace la survie des « valeurs canadiennes », c’est donc moins un convoi de camionneurs abritant des forces populistes qu’un confort si abrutissant qu’il a fait croire à une vaste catégorie de gens qu’ils vivaient dans le danger en permanence, alors qu’ils habitent toujours l’un des endroits les plus paisibles et sécuritaires au monde. Il n’y a même pas eu une révolution dans ce pays-chalet qui est l’un des seuls de toutes les Amériques à n’avoir jamais pris les armes pour s’affranchir de la métropole !
C’est le miracle du Covid-19 que d’avoir fait croire aux classes privilégiées que la sécurité sous toutes ses formes devait devenir leur priorité, avant même la préservation des liens sociaux et des libertés fondamentales. Un confort si abrutissant qu’il les a rendues intolérantes à toute forme de mouvement, d’agitation et de vitalité démocratique. C’est ainsi que, dans les médias, on a présenté le bruit des klaxons comme une « micro-agression ».