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Zemmour: il est minuit moins une

Que doit faire le leader de droite pour son dernier assaut avant l'élection?


Pour accéder au deuxième tour, le candidat de « Reconquête! » ne doit plus confondre politique et entêtement idéologique. La tâche ne sera pas aisée, et le président Macron bénéficie de son côté de nouveau d’un alignement des planètes favorable invraisemblable, comme en 2017.


Même ses contempteurs devraient l’admettre : ce qu’Eric Zemmour a accompli en quelques mois est remarquable. Partant de zéro, il a frôlé les 18%, a été un temps qualifié pour le second tour face à une Marine Le Pen alors en chute libre, a créé un parti (« Reconquête ! ») qui compte plus de 110 000 adhérents et s’est transformé, malgré ses mensurations modestes, en tribun dès le « Serment de Villepinte ».

Les accusations en misogynie balayées

Entouré de femmes brillantes (Knafo, Müller, Maréchal, Trochu…), il a fini par faire taire « celles-et-ceux » qui l’accusaient de misogynie. Les accusations de harcèlements sexuels (sans plainte) relayées par Mediapart ont fait pschitt. Il a fait oublier ce qu’on a qualifié un peu vite de « réhabilitation » de Pétain et a survécu à son excommunication par le CRIF, le Grand Rabbin de France et BHL. Enfin, il s’est dépêtré de la délétère séquence sur les handicapés, une thématique hyper-sensible qu’il vaut mieux approcher avec beaucoup de nuance…

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Cet épisode fâcheux aurait dû lui apprendre à mieux « sentir le peuple » mais il a récidivé avec les réfugiés ukrainiens. Lui et son entourage proche auraient dû anticiper l’élan de solidarité qui montait pour nos « frères européens » sous les bombes qui, toute proportion gardée, nous rappellent les histoires d’exode de 1940 racontées pas nos grands-parents et nos parents fuyant la blitzkrieg (guerre éclair) et ses féroces soldats allemands gavés de pervitine. Plus que son « rêve d’un Poutine français », sa sécheresse de cœur face aux déplacés ukrainiens, déjà pointée par Brigitte Bardot (qui préfère depuis longtemps les animaux aux hommes), explique beaucoup dans le dévissage actuel dans les sondages même si ceux commandés par Challenges ou Paris-Match – et, curieusement, CNEWS – lui sont systématiquement bien plus défavorables que d’autres…

Souvent peuple varie

Son problème ? Mélange d’arrogance et de démesure, Eric Zemmour n’a pas encore compris que la politique n’est pas l’affirmation hubristique d’une conviction ancrée mais la réponse évolutive aux aspirations du peuple. Or « Souvent peuple varie. Bien fol qui s’y fie. » En ce 18 mars, le peuple français n’a pas peur de l’islamisme mais de Vladimir Poutine. La thèse du grand remplacement réjouit un noyau de fidèles mais ne permet peut-être pas d’atteindre 50% plus une voix. La brutalité du propos peut fonctionner lorsqu’on s’appelle Donald Trump face à un électorat américain peu sophistiqué, moins dans une monarchie républicaine où le peuple attend du futur président un supplément d’âme et de dignité.

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Sorti de deux ans de pandémie et plongé dans la plus grande guerre européenne depuis 1945, le peuple français aspire à une certaine sérénité, pas un programme de rupture proposé par un aventurier. C’est la chance de cocu d’Emmanuel Macron, qui s’improvise en chef de guerre jouissant, comme en 2017, d’un alignement des planètes invraisemblable offert sur un plateau d’argent par le satrape Vladimir Poutine.

Un candidat torpillé sans relâche par la presse

Là où Emmanuel Macron, malgré un bilan social, économique et pandémique exécrable (qui lui vaut une note de 4/10 dans un sondage publié par Le Monde), est tout en séduction, souriant lorsqu’il le faut, et utilisant la programmation neuro-linguistique à la perfection grâce sans doute à Brigitte Macron qui était aussi sa professeure d’art dramatique, Eric Zemmour se complaît – c’était patent face à Valérie Pécresse – dans le sourire narquois, traduction phénotypique du « ben voyons ! ».

C’est vrai : la presse mainstream semble soutenir en majorité Emmanuel Macron. Elle est scandaleusement biaisée. Mais si le candidat de « Reconquête ! » méprise à juste titre ses anciens collègues, faut-il pour autant leur montrer avec autant d’ostentation ? S’ils l’ont torpillé sans relâche sur Pétain, son soi-disant machisme, les handicapés et Poutine, ils lui ont aussi offert une fantastique exposition médiatique dont il n’a pas fait un usage efficient dernièrement, au vu des sondages. Quant au programme politique, très professionnel, il comporte encore de nombreux manques sur certaines catégories socio-professionnelles et tranches d’âge qui ont chacune des problèmes spécifiques. Parti trop tôt, le lièvre Zemmour risque-t-il de nous lasser ? Il est temps de se renouveler.

À Villepinte, Eric Zemmour fit sa mue de polémiste en homme politique. Il lui reste à devenir un homme d’État. Il est minuit moins une.

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est écrivain, journaliste et romancier belge. Dernière publication : "Tout doit disparaître", Edilivre (2021)

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