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Les royalistes de gauche ont cinquante ans

Le journal "Royaliste" a célébré 50 ans de combats de la NAR


Les royalistes de gauche ont cinquante ans
Bertrand Renouvin, directeur du bi-mensuel "Royaliste" Capture d'écran chaîne YouTube NAR D.R.

La Nouvelle Action Royaliste, mouvement royaliste réputé de gauche, a fêté ses cinquante ans fin 2021 et a sorti une édition spéciale de son journal à cette occasion.


Les vieux partis politiques de l’ancien monde sont tous morts les uns après les autres, ou ont changé de nom. La Ligue communiste révolutionnaire est devenue le Nouveau Parti Anticapitaliste en 2009. Le Front national est devenu le Rassemblement national en 2018. Le RPR de Jacques Chirac a eu le temps de changer de nom deux fois pour faire oublier gamelles et casseroles. Il reste le Parti socialiste, dont le nom a survécu mais dont la splendeur passée semble durablement derrière nous. Et la Nouvelle Action Royaliste, qui a fêté fin 2021 ces cinquante ans. 

À cette occasion, le journal du mouvement, Royaliste, qui se proclame « patriote, démocrate, parlementariste et rigoureusement républicain (sic) », a sorti fin décembre une édition spéciale, revenant sur sa trajectoire et même ses erreurs – coquetterie que ne peuvent se permettre sans doute que les formations politiques très groupusculaires.  

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Un mouvement né dans l’ébullition post-68

En effet, la NAR n’est pas réellement un mouvement de masse. Dans une galaxie monarchiste plutôt marquée à droite, le mouvement détonne même puisqu’il est fréquemment qualifié de « royaliste de gauche ». À sa tête, Bertrand Renouvin, est né en juin 1943, à la prison de la Santé, où était incarcérée sa mère et alors que son père Jacques Renouvin, militant royaliste et héros de la Résistance, n’allait pas tarder à être déporté en Allemagne. Anne Hidalgo avait d’ailleurs baptisé en 2016 une place en l’honneur du couple de résistants. Après des années 60 plutôt à droite (Humberto Cucchetti rappelait en 2015 l’activité militante des futurs cadres de la NAR en faveur de l’Algérie française), Bertrand Renouvin et ses camarades vont s’éloigner peu à peu des thèmes maurrassiens, et se rapprocher des rivages de la gauche, rencontrant les gaullistes de gauche et le « maorrassien » Maurice Clavel. En 1974, Bertrand Renouvin participe même à la course présidentielle. Des « petits candidats » de cette élection, on se souvient surtout de René Dumont buvant un verre d’eau, ou de Jean-Marie Le Pen avec son œil de pirate. En revanche, pas beaucoup d’images « cultes » dans les archives de l’INA concernant la candidature de Renouvin, qui termina la campagne avec un score de 0,17%. L’écologisme et le néo-poujadisme du Front National connaîtront dans les décennies suivantes un décollage certain, à l’inverse du royalisme, même édulcoré de son folklore passéiste.

Mitterrand, monarque provisoire

La NAR parviendra à faire élire quelques élus lors de scrutins municipaux au sein de listes de gauche puis elle se limitera à des scrutins locaux symboliques, comme les élections cantonales en 1994 contre Philippe de Villiers en Vendée. Le parti se trouve alors un « monarque provisoire » en la personne de François Mitterrand, pour qui il appelle à voter en 1981 et en 1988, tandis que la gauche elle-même s’approprie un thème « maurrassien » comme la décentralisation. Bertrand Renouvin n’aura pas forcément une influence énorme sur le Sphinx de l’Élysée, dont le règne coïncida avec les « années fric », mais il sera nommé au Conseil économique et social pour lequel il a fait quelques rapports sur la francophonie et l’Est européen. Au contact de Mitterrand, la nécessité monarchique est paradoxalement sortie renforcée aux yeux de Renouvin et de ses camarades. En effet, si la Cinquième République réalise dans une large mesure la synthèse entre monarchie et démocratie qu’ils appellent de leurs vœux, la fonction présidentielle est cependant ambigüe. Le président de la République, même après avoir reçu l’onction du suffrage universel direct, a le plus grand mal à ne pas demeurer surtout le porte-parole de son parti d’origine. 

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La NAR aimerait donc « royaliser » la présidence de la République, qui deviendrait un véritable arbitre au-dessus de la mêlée. On se demande quand même quel rôle politique jouerait réellement le monarque restauré et s’il interviendrait en dehors de crises sévères, comme l’a fait le roi Philippe VI d’Espagne lors de la crise catalane de 2017. 

Compagnons de route de Chevènement et Dupont-Aignan

Par la suite, la NAR poursuivra un temps son compagnonnage politique auprès du jacobin Jean-Pierre Chevènement, lors de l’élection présidentielle de 2002, puis de Nicolas Dupont-Aignan en 2012 et 2017, moment sur lequel le numéro spécial de Royaliste n’est guère prolixe, peut-être à cause du choix de second tour de ce dernier. Le journal, par l’intermédiaire de Bertrand Renouvin, revient toutefois sur quelques erreurs historiques du petit parti, comme son ralliement au traité de Maastricht ou les errances gauchisantes dans l’immédiat après-mai 68. Si le mouvement n’a pas réussi à remettre le thème de la restauration monarchique au cœur de la vie politique, les mercredis de la NAR font partie des conférences prisées par les intellectuels, où ont été reçus René Girard, Régis Debray, Emmanuel Todd, Natacha Polony, Jacques Sapir et même Bernard-Henri Lévy. Le mouvement est surtout devenu un cercle intellectuel et un laboratoire d’idées, et finalement, l’un des derniers fiefs d’un certain républicanisme orthodoxe. 




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Professeur démissionnaire de l'Education nationale

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