Pour le téléphone mal raccroché d’un policier et un gros mot, les médias se sont indignés. Comme souvent, ils n’ont pas vu ce qu’ils montraient: la fin au droit à la parole privée et l’abus potentiel du statut de victime.
C’est l’histoire d’un flic qui a traité au téléphone de « grosse pute » une femme venue porter plainte. Enfin, c’est comme ça qu’on nous l’a racontée sur tous les médias, en nous donnant à entendre les insultes enregistrées, diffusées et rediffusées sans s’attarder sur quelques détails utiles à la bonne compréhension de l’affaire.
Affaire conclue?
Du coup, on a condamné sans appel les propos « inadmissibles » de l’agent, on a conclu un peu vite que la police avait encore beaucoup de progrès à faire dans l’accueil des femmes victimes des hommes et on a rappelé qu’il fallait que ça change depuis le temps qu’on nous le dit. Immanquablement, on nous a expliqué qu’il fallait plus de stages de sensibilisation à l’écoute des victimes d’agression sexuelle pour des policiers supposés sourds à la détresse féminine. C’est possible, mais ne serait-il pas plus rassurant pour tout le monde qu’on leur ajoute plutôt des heures d’entraînement au tir à balles réelles et létales sur de la racaille en mouvement ?
Il me semble qu’on est passé un peu vite sur deux éléments de cette histoire plus graves et plus préoccupants que celui du machisme policier présumé.
D’abord, le téléphone qui était mal raccroché. La conversation entre l’agent et la plaignante était terminée, les insultes ne lui étaient donc pas adressées. Le policier parlait d’elle, mais il ne lui parlait plus. Richelieu ne disait-il pas : « Qu’on me donne le téléphone mal raccroché du plus honnête homme, j’y trouverai de quoi le faire pendre » ? Ou quelque chose comme ça. Si on avait retenu contre moi tous mes téléphones mal raccrochés, je serais sûrement en prison sans visites parce que fâché avec mes clients, mes amis, mes enfants, mes femmes et mes docteurs. Dans une société saine qui ne serait pas en marche vers le maccarthysme en passant par la Stasi, c’est la fille qui aurait des comptes à rendre pour atteinte à la vie privée et les médias pour diffusion de propos qui ne nous regardent pas. Et le policier ne serait pas plus inquiété pour son « grosse pute » qu’un malpoli dans la rue ou qu’Orelsan avec son rap.
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Ne pas s’arrêter à la forme
Ensuite, j’ai tout entendu sur le gros mot du flic mais rien sur son propos. Que dit-il à ses collègues ? « Elle refuse la confront(ation) cette grosse pute. Je suis sûr que c’était juste pour le faire chier. » On comprend donc quand on ne s’arrête pas à la forme pour s’intéresser au fond que l’agent est en colère d’avoir été possiblement l’instrument d’une vengeance féminine. Je ne doute pas qu’il y ait des femmes battues ou violées par leurs conjoints, même si autour de moi, je n’en vois pas. En revanche, je ne manque pas d’histoires d’hommes que des femmes tiennent par les couilles avec une main courante déposée après une dispute où les tartes ont volé de part et d’autre, ou pour moins que ça. J’en ai aussi quelques-unes de mâles « just divorced » qui se retrouvent au tribunal pour se défendre d’accusations d’attouchements sur leurs enfants, et qui sortent innocentés mais salis après avoir perdu de vue leurs gosses « protégés » par la justice le temps de la procédure.
Alors je veux bien qu’un policier doive surveiller son langage et qu’un homme ça s’empêche. Mais avant de juger, est-il permis d’envisager qu’une femme aussi ?