L’élection présidentielle française apparaît de plus en plus comme une victime collatérale de la guerre russo-ukrainienne, analyse Philippe Bilger. Emmanuel Macron, qui bénéficie de l’effet drapeau, prendra la parole ce soir à 20h.
La guerre menée par Poutine contre l’Ukraine, son peuple courageux et son intrépide président, a d’une certaine manière décanté aussi les choses, les rapports de force sur le plan national. Emmanuel Macron, bénéficiant de l’effet drapeau comme l’a indiqué Frédéric Dabi, a augmenté son socle pour le premier tour. Marine Le Pen se maintient derrière lui mais à bonne distance. Eric Zemmour recule sensiblement: il paie le prix de ses positions pro-russes et favorables à Poutine malgré son infléchissement récent. Jean-Luc Mélenchon pâtit un peu, mais à un degré moindre, de sa volonté de faire de la France un pays non aligné s’il gagnait l’élection présidentielle – optimisme qui n’est plus partagé que par LFI.
La candidate LR en mauvaise posture pour le second tour
Valérie Pécresse malheureusement, sauf miracle pour la droite républicaine, semble devoir priver ses soutiens (dont je suis et je persiste) d’une qualification pour le second tour pour un certain nombre de raisons, dont la principale tient à la médiocre articulation entre la personnalité de la candidate, ses forces, ses faiblesses et son équipe de campagne qui n’a pas été enthousiasmante pour la communication et le professionnalisme. Tout peut arriver encore, certes, mais il est plus que probable que le second tour opposera à nouveau le président sortant et Marine Le Pen.
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Il n’est pas indécent de s’interroger sur les effets de cette campagne présidentielle réduite à presque rien, plaçant les opposants à Emmanuel Macron (qui va se déclarer candidat de manière imminente) dans un étau entre unité nationale obligatoire et nécessité d’incriminer un bilan qui pourrait laisser largement place à la critique, à la dénonciation et à l’aspiration à un changement présidentiel.
Raffarin apporte son soutien à Macron!
On se moque trop, à cause de son physique apparemment patelin, du président du Sénat Gérard Larcher, aux antipodes, malgré les apparences de rondeurs, d’un Jean-Pierre Raffarin qui vient de révéler qu’il a deux amours : la Chine et maintenant Emmanuel Macron !
Gérard Larcher, dont la lucidité sous ce quinquennat n’a jamais été prise en défaut, a récemment souligné une difficulté. S’il était hors de question de ne pas soutenir l’action présidentielle dans cette période tragique où Emmanuel Macron ne démérite pas, on pouvait craindre une conséquence, qui serait l’effacement démocratique. En effet, comme l’élection présidentielle ne sera pas reportée – ce serait ajouter à la crise -, il est légitime de s’interroger sur la compatibilité entre ces terrifiantes séquences internationales où le président bénéficie de son statut et de son rôle forcément tutélaire et la campagne qui ne saurait se réduire à une sorte de validation, sous l’emprise de ces événements guerriers, d’un bilan quasiment impossible à discuter.
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Une réélection jouée d’avance ?
Il convient de sauver la mise de la démocratie par tous moyens. Il faudra inventer une voie originale conciliant la décence internationale avec la joute nationale. Sinon je crains le pire.
Si Emmanuel Macron est réélu, je me demande comment notre pays vivra cette frustration d’avoir été confronté à des échanges républicains forcément pauvres et biaisés. Je ne voudrais pas qu’il y ait alors le risque, encore plus que pour les gilets jaunes hier, de voir contester la légitimité d’une réélection acquise dans une sorte de consensus contraint ou au fil de débats réduits, contraignant à passer trop vite sur un bilan. Occultant le passé à cause d’un présent très préoccupant et d’un avenir angoissant. Ce mandat aura connu trop de crises, de drames, de tragédies, de violences pour qu’on puisse accepter de gaîté de cœur que le suivant lui ressemble, fût-ce pour d’autres motifs.
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