Si l’on connaît les mots piquants et les costumes de tweed du grand dramaturge britannique, on sait moins son socialisme fervent, son observance végétarienne, de même que son attirance pour l’eugénisme et les régimes totalitaires. On ignore plus encore qu’il a convaincu ses compatriotes d’apprécier la musique de Wagner. Georges Liébert répare cette injustice.
Pourquoi s’intéresser aux élucubrations à propos de Wagner d’un Irlandais vivant en Angleterre à l’époque victorienne, époque où le royaume de Sa Majesté, selon une boutade allemande, est « le pays sans musique[1] » ? Les 470 pages de ce volume, accompagnées des notes et de la longue préface écrite avec autant d’érudition que de verve par Georges Liébert, justifient largement un tel intérêt. D’abord, la vie musicale anglaise, entre chanteurs de rue, music-halls, chœurs religieux et concerts sophistiqués était sans pareille. Selon Berlioz, on y consommait plus de musique que nulle part ailleurs. Certes, le complexe de supériorité des Allemands était justifié par l’absence de grands compositeurs autochtones entre la mort de Purcell au xviie siècle et l’arrivée d’Elgar à la fin du xixe. Pourtant, Londres était une Mecque pour interprètes, chefs d’orchestre et directeurs de théâtre venant de partout en Europe, et chaque nouveau compositeur cherchant sa place au soleil avait besoin d’un succès, à la fois d’estime et pécuniaire, outre-Manche.
